Chapitre 3 : Les compétences en gestion des ressources humaines des managers de
IV. Les rôles RH des managers dans les petits et moyens hôtels
1. Le développement des compétences dans l’hôtellerie
Pour faire face à la globalisation, aux innovations technologiques et aux changements des
marchés, les industries de service doivent maintenir et augmenter leurs avantages
compétitifs, l’amélioration de la qualité des employés étant essentielle pour atteindre cet
objectif (Collins, 2007 ; Agut et al., 2003). Cependant, dans le domaine des ressources
humaines, l’industrie de l’hôtellerie rencontre des difficultés comme le manque d’employés,
un taux de renouvellement du personnel élevé ou l’insuffisance des compétences. De plus,
la littérature du management des compétences sur le domaine du tourisme et de l’hôtellerie
est souvent considérée insuffisante (Grizelj, 2003). Il est donc souhaitable d’améliorer la
recherche sur le management des compétences pour répondre aux exigences spécifiques de
l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie.
Le coût et le temps constituent pour leur part deux difficultés majeures dans l’application du
management des compétences dont la mise en oeuvre exige des mutations managériales et
des investissements financiers importants (Cooper, 2006). Trop occupées par les tâches
quotidiennes, les entreprises du tourisme et de l’hôtellerie consacrent peu de temps à
l’identification et l’évaluation des compétences existantes. En outre, l’accumulation
d’informations très diverses dans les organisations du tourisme et de l’hôtellerie entrave
l’accès des employés et des managers aux éléments pertinents, notamment dans les petites
et moyennes entreprises (Gupta et McDaniel, 2002). La nature de l’industrie du tourisme et
de l’hôtellerie représente, de surcroît, un réel challenge concernant la transmission des
compétences (Cooper, 2006). Davenport, Prusak (1998) et Hjalager (2002) ont démontré
que la diversité des cultures et des pratiques entraîne un manque de confiance entre le
producteur de compétences et l’utilisateur de compétences.
Pour maintenir la compétitivité, les entreprises du tourisme et de l’hôtellerie ont tout intérêt
à adopter l’approche du management des compétences (Ruhanen et Cooper, 2004). À
mesure que les clients deviennent plus expérimentés dans la recherche des meilleurs hôtels,
des restaurants, et des destinations touristiques, les acteurs du tourisme se trouvent
confrontées à des demandes plus précises et exigeantes. Afin de prévenir cet écueil, les
managers et les employés doivent acquérir plus de compétences pour pouvoir fournir les
meilleurs prix et services aux clients. De plus, les besoins des clients peuvent être différents
et changeants ce qui nécessite de comprendre ces changements pour continuer à fournir les
meilleures prestations (Hallin et Marnburg, 2008). Enfin il s’agit d’identifier les
compétences adéquates pour atteindre une meilleure qualité de service (Ruhanen et Cooper,
2004).
La gestion des compétences aide justement les employés à planifier leur carrière pour
évoluer et fournit également les références utiles afin d’établir les programmes et les cours
qui leur permettront d’identifier leurs compétences (Enz et Siguaw, 2000 ; Noe, 2008).
D’autre part, les exigences croissantes du client en matière de qualité de service attirent de
nombreuses critiques sur le rôle du management des compétences dans la performance, qui
dépend principalement de la qualité des contacts des employés avec les clients (Bitner et al.,
1990; Martinez-Tur et al., 2001; Shemwell et al., 1998).
Dans le domaine de la gestion, le management des compétences est devenu, comme nous
l'avons déjà présenté, le sujet le plus étudié depuis les années 1990. Jusqu’à récemment
cependant, l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie n’a pas suivi cette tendance (Cooper,
2006). Les recherches sur le management des compétences se concentrent principalement
sur la perspective multinationale et l’industrie manufacturière sans considérer suffisamment
les aspects de l’industrie du tourisme et de l’hôtellerie (Nonaka et Takeuchi, 1995). Pourtant
le tourisme et l’hôtellerie se distinguent à bien des égards des autres industries, notamment
du fait de leur relation étroite avec d’autres secteurs (Hallin et Mamburg, 2008). C’est la
raison pour laquelle les concepts du management des compétences dans le secteur du
tourisme et de l’hôtellerie ont besoin de s’inscrire dans les relations inter–organisationnelles.
Selon Sveiby (2001), le développement des compétences dans le tourisme et l'hôtellerie a
suivi trois étapes :
les années 1960, sont marquées par l’utilisation massive de l’information
technologique (Toumi, 2002) ; les organisations exploitent les informations
existantes pour améliorer la productivité ;
les années 1980 : parce que la connaissance du marché et la qualité du service se
sont améliorées, les clients ont commencé à chercher les optimisations maximales
du produit et des services (Jafari, 1990). Pour tenter de s’adapter à cette évolution,
les organisations doivent être davantage impliquées dans la gestion des
connaissances (Cooper, 2006 ; Sveiby, 2001) ;
1990-2017 : grâce à la distribution, la production et l’utilisation d’information, on
connaissance (Jones, 2001) qui inclut le développement de la technologie,
l’innovation et les nouveaux produits et services. Selon Cooper (2006), cette
troisième étape offrirait les meilleurs outils de management à l’industrie du
tourisme et de l’hôtellerie.
Yahya et Goh (2002) proposent deux approches du management des compétences :
le management des compétences centralisé qui se base sur un système central pour
capturer et stocker toutes les compétences valables ;
le management des compétences décentralisé qui repose sur le partage des
compétences dans l’organisation.
Dans leur étude sur la relation entre les ressources humaines et le management des
compétences dans le tourisme et l’hôtellerie, Yahya et God (2002) ont montré l’influence
du développement des compétences sur la performance. Selon Cooper (2006), les
organisations utilisent l’approche du management des compétences pour retenir les
employés et augmenter la satisfaction du client. Bouncken (2002) a souligné, pour sa part,
que la satisfaction et la fidélité du client sont les deux facteurs majeurs qui déterminent le
succès d’un hôtel. Or, les employés étant en contact direct avec la clientèle, il est nécessaire
qu’ils adaptent leurs compétences à leurs exigences pour améliorer le service.
Le management des compétences repose en grande partie sur la formation qui, conçue selon
les objectifs et les stratégies de l’organisation (Delaney et Huselid, 1996), vise à améliorer
les compétences et la performance des employés (Frash, Antun, Kline et Almanza, 2010).
Pour réaliser cet objectif, le management des compétences peut aider les spécialistes des
ressources humaines à identifier les besoins de formation. Dans le tourisme et l’hôtellerie, la
relation directe qu’entretiennent les employés avec les clients impose la formation comme
un outil efficace pour attirer une nouvelle clientèle et la fidéliser (Nightingale, 1985).
Cependant, il est essentiel dans ce secteur que les entreprises décident d’une méthode de
développement des compétences adaptée à leurs objectifs, car la formation ne résout pas
toujours les problèmes spécifiques du marché touristique et hôtelier en raison des limites de
budget, du temps et de la disponibilité de personnes (Froiland, 1993).
En outre, les chercheurs ont montré que le management des compétences peut faire
augmenter la capacité des employés à innover dans les produits et les services. Selon
Bouncken (2002), ce type de management encourage la créativité des employés et permet
aux entreprises d’atteindre l’avantage compétitif en acquérant, partageant et transférant les
compétences requises. Or, d’après Cooper (2006), les organisations du tourisme et de
l’hôtellerie ont besoin de proposer de nouveaux produits et d’être créatives pour renforcer
leur compétitivité. Grâce à l’augmentation de l’utilisation de l’informatique, les services du
tourisme et de l’hôtellerie deviennent également plus professionnels. En 1997, Sheldon
constatait déjà que le secteur du tourisme et de l’hôtellerie était le plus grand utilisateur des
technologies informatiques.
L’essence du processus du management des compétences est d’identifier, de transférer, de
partager les compétences pertinentes et de permettre aux organisations d’augmenter leur
compétitivité et d’obtenir un maximum de bénéfices (Bahra, 2001). Les entreprises utilisent
les benchmarks pour examiner, comprendre et comparer leur performance avec leurs
compétiteurs principaux (Lee, 2008). Les domaines de benchmarks les plus communs sont
la formation des employés, les systèmes d’information et le management des compétences,
mais comme l’ont indiqué Dosi, Nelson et Winter (2002), les praticiens et les théoriciens
adhèrent à différentes conceptions du management des compétences.
Kabene, King et Skaini (2006) comptent six domaines d’application du management des
compétences : la transaction, la gestion de l’actif, le processus, l’analyse, l’innovation et le
développement. L’E-learning constitue donc l’une des approches du management des
compétences la plus essentielle en permettant aux employés de s’entraîner n’importe où et
n’importe quand (Ward et Le, 1996). Les entreprises du tourisme et de l’hôtellerie recourent
souvent à l’E–Learning pour améliorer le service à la clientèle et le management
d’information. À titre d’exemple, Holiday Inn utilise l’informatique pour vérifier les
besoins de formation et laisse aux employés le choix des horaires d’entraînement et des
contenus. L’E–Learning présente de nombreux bénéfices pour les organisations mais
s’applique difficilement dans les petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas de
moyens et de capacités suffisants pour installer un système informatique performant(Harris,
1995).
Dans son étude sur le management des compétences à l’hôtel Ritz–Carlton, Call (2005)
constate que le système de gestion, annuellement actualisé, permet de réaliser un meilleur
service dans chaque département. D’ailleurs, l’hôtel considère les employés comme
l’élément clé du management des compétences. Goh (2007) s’est pour sa part intéressé au
management des compétences de la société Singapore Airlines qui, d’après son analyse, a
beaucoup investi pour améliorer ses réseaux des compétences et pouvoir ainsi mieux
prévoir l’offre et la demande des billets d’avion.
Dans le document
Les compétences en gestion des ressources humaines des managers : Le cas du secteur hôtelier de Genève
(Page 124-128)