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3.2.6 – Les ARNlnc, de « super-régulateurs »

Du fait des interactions multiples des ARNlnc à des molécules aussi variées que l’ADN, l’ARN ou les protéines, trois rôles liés à leurs capacité d’interaction leur ont été attribués : il s’agit des rôles d’échafaudage, de guide et de leurre [109–111]. L’échafaudage est la capacité d’un ARNlnc par sa structure primaire (i.e. séquence), secondaire (i.e. tiges, boucles) ou tertiaire (i.e. pseudonœud) à se lier à plusieurs entités. Le leurre est la capacité d’un ARNlnc à séquestrer une entité pour l’empêcher d’agir. L’ARNlnc guide, lui se lie à une protéine pour former un complexe riboprotéique et le « guide » vers une zone cible. Enfin, à ces trois rôles génériques, un dernier non lié directement à sa capacité d’interagir est le rôle de « signal » [109–111] : l’ARNlnc signal, très fortement lié à sa spécificité d’expression, est la capacité d’un ARNlnc à engendrer une cascade de réaction à un moment donné due à sa simple présence. Nous allons dans le paragraphe suivant décrire plus finement les grands types d’action des ARNlnc au niveau cellulaire, qui font des ARNlnc de puissants régulateurs de l’expression génique.

3.3 – Les différents mécanismes d’action des ARNlnc

3.3.1 – ARNlnc et structure de la cellule

Les ARNlnc peuvent avoir un rôle direct ou indirect dans la structure et la forme des organites cellulaires. Comme rôle structural direct, on peut citer l’ARNlnc NEAT1. Il existe dans le noyau des zones inter-chromatiniennes très denses en ARN nucléaires transcription-dépendantes [113], ce sont les paraspeckles. Sous l’action de RNAse A, ces paraspeckles disparaissent montrant le rôle des ARNlnc dans la structuration de ces sous-organites nucléaires [114]. En effet, NEAT1 (Nuclear-Enriched Abundant Transcript 1) est un ARNlnc qui structure principalement ces paraspeckles par des interactions ARN:protéines avec des protéines déjà identifiées comme TARDBP, NONO ou PSP1 [115, 116] (Figure 16A). L’ARNlnc VIM-AS1 agit en revanche indirectement sur la structure de la cellule. La vimentine (VIM) forme des filaments de type intermédiaire composant le cytosquelette et structurant ainsi la forme cellulaire (Figure 16B, partie gauche) [117]. L’ARNlnc VIM-AS1 est un gène antisens (uniquement de l’extrémité 5’) du gène codant la vimentine. Cet ARNlnc interagit localement et directement avec la double hélice d’ADN par formation d’une boucle R. Cette boucle se forme au niveau du locus initial de VIM-AS1 (Figure 16B, partie droite) et favorise la liaison de NF-κB, facteur de transcription induit lors de stress cellulaire, sur le promoteur du gène VIM, accroissant ainsi sa transcription [95].

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Figure 16 – Interaction des ARNlnc NEAT1 et VIM-AS1 avec leur cible protéique et ADN. A. L’ARNlnc NEAT1 RNA co-localise avec les protéines du paraspeckle dans le nucléoplasme

des cellules HeLa. A gauche, l’ARNlnc NEAT1 (en vert) localisé en patch. Au milieu, la protéine PSP1 (en rouge), marqueur des paraspeckle étant présente dans tout le nucléoplasme avec quelques zones plus denses en protéine (flèches). A droite, le chevauchement des 2 signaux (jaune), co-localisation parfaite entre les zones denses en PSP1 et les patchs d’ARNlnc NEAT1 délimitant les paraspeckles nucléoplasmiques. Photos issues de Clemson et collègues [116].

B. A gauche, activation de cellules de muscle lisse par 5-HT. En vert, la protéine VIM structurée

en filament. Photo issue de Li et collègues [117]. A droite, en rouge, le pré-ARNlnc VIM-AS1 (en rouge) co-localise avec le pré-ARNm VIM (en vert) au niveau de leur site initial de transcription (flèche). Les petits points en dehors du site initial représentent le pré-ARNm VIM dans le noyau de la cellule. Photo issue de Boque-Sastre et collègues [95].

3.3.2 – ARNlnc, intégrité et structure du génome

Les ARNlnc jouent un rôle également dans la protection des chromosomes comme par exemple TERC (TElomerase RNA Component) [118] ou TERRA (TElomeric Repeat-containing RNA) [119]. TERRA se lie et stabilise de nombreuses protéines protectrices des télomères : TRF2, une protéine stabilisant les boucle-T à la fin des chromosomes [97, 119] ; hnRNPA1, ribonucléoprotéine qui échange la protéine RPA par la protéine POT1 sur l’ADN monobrin télomérique [97, 119] ; ORC, un complexe augmentant l’état hétérochromatique des télomères [119]. Ce multiplexe ribonucléique au niveau des télomères permet leur protection. On attribue à TERRA la capacité de former des G-quadruplex avec les télomères des chromosomes [119, 120] (Figure 17A). Mais son mécanisme d’action n’est pas encore totalement élucidé. NORAD

36 (NOn-coding RNA Activated by DNA Damage) quant à lui, est un des garants de l’intégrité du génome. Il a plusieurs sites de liaison de RBMX, composant de la réponse consécutive à des dommages à l’ADN. L’assemblage NORAD:RBMX permet le recrutement de TOP126

(Topoisomerase 1) et du complexe PRPF19-CDC5L27 formant le complexe NARC1 (NORAD-Activated Ribonucleoprotein Complex 1). Sans NORAD, la vitesse d’avancement de la fourche de réplication est ralentie, les erreurs de ségrégation chromosomique s’accentuent et le cycle cellulaire est altéré [121] (Figure 17B).

Figure 17 – Rôle des ARNlnc TERRA et NORAD dans la protection des chromosomes et la régulation du cycle cellulaire. A. L’ARNlnc TERRA co-localise avec les extrémités des

chromosomes. (1) Détection de G-quadruplex de l’ARNlnc TERRA (vert) en fin de métaphase. (2) L’ADN chromosomique (rouge). (3) La superposition des deux photos permet d’observer la co-localisation des G-quadruplex d’ARNlnc TERRA sur les extrémités des chromosomes. Photos issues de Xu et collègues [120]. B. Modèle d’action de NORAD sur la réplication et le cycle cellulaire. La déstructuration du complexe riboprotéique lorsque NORAD n’est pas transcrit induit une dérégulation de la réplication de l’ADN et du cycle cellulaire. Inspiré de Munschauer [121].

Les ARNlnc sont également responsables de la compaction ou de l’interaction de chromosomes. Chez les mammifères, Xist contrôle la lyonisation, processus de compensation de dosage des gènes chez les femelles afin de réprimer l’une des copies du chromosome X. Cet ARNlnc est capable de réprimer une copie d’un chromosome entier (Figure 18A) [122] en le

26 TOP1, utile lors de la réplication de l’ADN, permet la suppression des super-enroulements de l’ADN et l’avancement de la fourche de réplication.

37 compactant. L’ARNlnc FIRRE en revanche permet l’interaction des chromosomes entre eux [123] (Figure 18B).

Figure 18 – Rôle des ARNlnc Xist et Firre. A. L’ARN Xist détecté par RNA-FISH (RNA

Fluorescence In Situ Hybridization) et localisé sur le chromosome X inactivé. Photo extraite de Ng et collègues [122]. B. L’ARNlnc Firre agissant comme intermédiaire entre les chromosomes 2, 9, 15 et 17 via la ribonucléoprotéine hnRNPU afin de les mettre en contact. Figure extraite de Marchese et collègues [123].

3.3.3 – Rôle des ARNlnc sur la transcription des gènes

Il a récemment été démontré que des triplex d’ARNlnc-ADN-ADN participaient à la régulation de la transcription des gènes. En 2018, Wang et collègues [124] ont démontré que l’ARNlnc MIR100HG régulait en trans le gène p27 via un triplex. Le knockdown de MIR100HG augmente l’expression de p27. MIR100HG étant fortement exprimé dans le noyau, ils ont émis l’hypothèse d’une régulation par formation d’une triple hélice. Ils ont prédit informatiquement 3 sites potentiels d’amarrage de l’ARN sur le gène p27 et ont incorporé les 3 motifs non-codants (oligonucléotides) dans des lignées cellulaires de cancer du sein avec le gène MIR100HG inactivé. Le phénotype induit par MIR100HG a été restauré par l’un des oligonucléotides. Ils ont ensuite validé la formation de la triple hélice in vivo : 1/ en créant une sonde biotinylée de cet oligonucléotide (MIR100HG) qu’ils ont incubé avec un fragment d’ADN de p27 contenant le site d’amarrage potentiel de cette sonde : ils ont observé un enrichissement du fragment d’ADN de p27 sur la sonde ; 2/ en mutant le fragment d’ADN de p27 montrant une réduction de cet enrichissement ; et in vitro : 3/ par ChIRP-qPCR : montrant une augmentation de l’oligonucléotide sur p27 [124]. Cet exemple de régulation par triplex nucléotidique n’est pas isolé et on en retrouve depuis 2007 [125] dont : Fendrr régulant FOXF1 et PITX2 [126, 127]

38 (Figure 19, partie haute), MEG3 régulant les gènes de la voie TGF-β [128] ou encore Khps1 régulant SPHK1 [129].

Concernant la régulation de la transcription par les complexes riboprotéiques, de nombreux exemples sont actuellement connus, on peut citer l’un des ARNlnc les plus connus : ANRIL (Antisense Noncoding RNA in the INK4 Locus). D’après la revue d’Aguilo et collègues [130], ANRIL, dès sa transcription, s’associe tout d’abord à SUZ12 pour recruter le complexe protéique PRC2 (Protein Repressive Complex 2) afin d’initier la tri-méthylation de l’histone H3 au niveau de la lysine K27 (i.e. H3K27me3) qui est une marque épigénétique répressive. ANRIL s’associe ensuite à CBX7 recrutant le complexe PRC1 (Protein Repressive Complex 1) qui maintient la répression épigénétique. Cette association précoce de l’ARNlnc ANRIL avec les complexes de répression des gènes a pour finalité de réprimer l’expression au niveau des gènes voisins : le locus de gènes INK4a-INK4b. Cette répression amorce la prolifération cellulaire et inhibe la sénescence cellulaire (Figure 19, partie basse).

Figure 19 – Rôle de l’ARNlnc Fendrr en cis et en trans (haut) et rôle de l’ARNlnc ANRIL sur la transcription du locus INK4a-INK4b en cis via le recrutement de PRC1 et PRC2 (bas).

3.3.4 – Rôle des ARNlnc sur la maturation des ARN

En 2018, Romero-Barrios et collègues [131] ont publié une revue qui semble assez complète sur les ARNlnc impliqués dans la maturation des ARNm. Dans cette liste, seuls 2 ARNlnc ont été répertoriés comme régulant l’épissage alternatif par interaction ARNlnc:pré-ARNm. Ce

39 premier exemple chez l’Homme, concerne l’ARNlnc SAF transcrit en antisens à partir du 1er intron de FAS et exprimé dans les cellules tumorales. Fas est une protéine transmembranaire qui, lorsqu’elle se lie FasL, déclenche l’apoptose de la cellule. Dans le cas de cellules tumorales, SAF s’apparie spécifiquement à l’exon 6 de FAS porteur de la région codant le domaine transmembranaire. SPF45, un facteur d’épissage est recruté par SAF au niveau de l’exon 6 de FAS et amorce son excision. Ces liaisons ARN:ARN et ARN:protéine ont été mises en évidence grâce à des expériences de pull-down ARN et RIP. L’ARN maturé de FAS dépourvu de l’exon 6 est traduit en protéine soluble, qui malgré son appariement avec son ligand FasL n’induit pas l’apoptose de la cellule dans les cellules tumorales à l’inverse de son isoforme transmembranaire dans les cellules normales [132] (Figure 20A). Le deuxième exemple chez la souris, concerne l’ARNlnc Zeb2 NAT (que je renommerai ici par son nom officiel Zeb2os) transcrit en antisens à partir de l’extrémité 5’UTR de Zeb2 et exprimé lors de la transition épithélio-mésenchymateuse. Zeb2 et Zeb2os sont surexprimés lors de cette transition induite par Snail1. Dans les cellules épithéliales, Zeb2 malgré sa transcription n’est pas traduit en protéine. En effet, son extrémité 5’UTR possède une conformation en tige-boucle qui empêche le scannage de la petite sous-unité 40S du ribosome au-delà de cette structure. Dans le cas de cellules en transition épithélio-mésenchymateuse, Zeb2os se lie à un intron de Zeb2 et empêche la liaison du splicéosome conduisant à la rétention de cet intron. Cet intron est pourvu d’un site IRES (Internal Ribosome Entry Site) permettant l’association et le scannage de la petite sous-unité 40S du ribosome à partir de ce site et par la suite la traduction du transcrit Zeb2 en protéine [133] (Figure 20B). Ces deux exemples montrent l’intérêt d’étudier les ARNlnc antisens de gènes codants qui peuvent jouer un rôle dans l’épissage alternatif (excision d’exon, rétention d’intron…) de pré-ARNm.

Il existe également des ARNlnc qui régulent l’épissage des ARN via des protéines. MALAT1 régule la concentration en protéines SR28 actives (phosphorylées) dans les speckles, site de maturation nucléaire des ARN [134]. L’ARNlnc linc-HELLP semble également réguler l’épissage via l’échafaudage de protéines régulant l’épissage : YBX1, PCBP1, PCBP2, U2AF1 et SNRPD1 [135].

Certains ARNlnc empêchent la maturation d’autres types d’ARN, en particulier les ARNmi. On peut citer par exemple uc.283+A [136] qui se lie au pri-miR-195 au niveau du site de clivage du complexe Drosha/Pasha et empêche la maturation en pré-ARNmi (Figure 20C). De la même

40 manière, uc.372 [137] se lie aux pri-miR-195 et pri-miR-4668 au niveau du site de clivage de la protéine Dicer empêchant ainsi leur maturation en ARNmi (Figure 20C).

Figure 20 – Schéma des mécanismes d’action des ARNlnc SAF, Zeb2os, uc.283+A et uc.372. A. Rôle de SAF sur l’expression du gène FAS impliqué dans la survie des cellules

tumorales. B. Rôle de Zeb2os sur l’expression du gène Zeb2 impliqué dans la transition épithélio-mésenchymateuse. Schémas adaptés de Romero-Barrios et collègues [131]. C. Rôle d’uc.283+A et uc.372 dans le processus de maturation des ARNmi par camouflage des sites de clivage de Drosha et Dicer.

41 3.3.5 – Rôle des ARNlnc sur la demi-vie des ARN

a – Rôle des ARNlnc sur la stabilité des ARNm

Les ARNlnc peuvent également réguler la stabilité d’autres ARN. Il semblerait d’après Hu et collègues [138] que cette régulation de la stabilité dépendrait de la taille de l’interaction ARNlnc:ARNm. Une interaction de quelques nucléotides conduirait à une dégradation alors qu’une interaction d’une centaine de nucléotides aurait tendance à protéger l’ARNm de la dégradation. Après analyse de plusieurs articles décrivant des duplex d’ARNlnc:ARNm modulant la stabilité de l’ARNm, je pense que cette affirmation n’est pas forcément fondée et que cela varie en fonction de la région ciblée ainsi que de l’appariement parfait ou imparfait de l’ARNlnc avec l’ARNm. On pourra noter les exemples d’ARNlnc stabilisant l’ARNm cible : EGFR-AS1 stabilisant EGFR [138], BACE1-AS1 stabilisant BACE1 [139] ou PTENpg1 asRNA β stabilisant l’ARNm non-polyadénylé PTEN qui serait, sans appariement ARNlnc:ARNm, dégradé par les exonucléases [140]. A contrario, on pourra mentionner quelques ARNlnc déstabilisant ou engendrant la dégradation de l’ARNm cible : lncRNA_AF087999, lncRNA_BC058830 et lncRNA_BC009800 dégradant respectivement SERPINE1, CDCP1 et MTAP par le système SMD (Staufen-mediated mRNA decay) [141] ou encore OIP5-AS1 ciblant plusieurs sites de l’ARNm GAK conduisant à sa dégradation [142]. b – Rôle des ARNlnc comme éponge à petits ARNnc

L’un des rôles les plus décrits pour les ARNlnc est celui d’éponge à petits ARN non-codants, ARNlnc alors compétiteur endogène d’un autre ARN ciblé par ces petits ARN. Je citerai ici un seul exemple d’ARNlnc (e.g TUG1) qui a lui seul démontre la multitude des fonctions que propose ce mode d’action. Une recherche bibliographique sur TUG1 a permis de mettre en évidence 18 ARNmi épongés (Tableau 2) dans des contextes de pathologies humaines variés incluant de nombreux cancers (cancers de l’endomètre, estomac, foie, neurone, os, pancréas, sang, sein, thyroïde, vessie) et chimiorésistance, des parodontites, des néphropathies ou de la cataracte. Malgré ce grand nombre d’ARNmi listés, cette énumération ne semble pas être exhaustive. Katsushima et collègues [143] montrent que le knockdown de TUG1 dans une lignée cellulaire de glioblastome régule plus de 160 ARNmi. Ici, l’ARNlnc joue donc un rôle de séquestreur nucléotidique.

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Tableau 2 – Bibliographie complète concernant le rôle d’éponge de TUG1

ARNlnc ARNmi ARNm Conséquences Ref.

TUG1 miR-125a - Parodontite [144]

miR-132 SOX4 Cancer des os [145]

miR-142 - Parodontite [144]

miR-144 MET Cancer de l'estomac [146]

HSF2 Cancer du sang [147]

EZH2 Cancer des os [148]

miR-145 ZEB2 Cancer de la vessie [149]

- Cancer thyroïdien [150]

MYC, SOX2 Gliome [143]

- Cancer de l'estomac [151]

BINP3 Lésion myocardique [152]

miR-186 CPEB2 Chimiorésistance [153]

miR-204 RUNX2 Différentiation ostéoblastique [154]

miR-26a PTEN Gliome [155]

miR-299 VEGFA Cancer endométrial [156]

VEGFA Glioblastome [157]

miR-300 - Cancer de la vésicule biliaire [158]

miR-335 ROCK1 Cancer des os [80]

miR-34a VEGFA Cancer du foie [159]

VEGFA Cancer endométrial [156]

miR-377 PPARG Néphropathie diabétique [160]

miR-381 SOX4 Cancer de l'estomac [161]

miR-382 EZH2 Cancer du pancréas [162]

miR-421 CASP3 Cataracte [163]

miR-455 PRKAB2 Cancer du foie [164]

miR-9 MTHFD2 Cancer du sein [165]

BCL2L11 Neuro-dégénérescence [166]

POU2F1 Cancer des os [167]

Les ARNlnc peuvent être circulaires. Les ARNcirc sont principalement décrits comme des éponges à ARN courts et longs. Un cas extrême d’ARNlnc de type ARNcirc est celui de CDR1as qui possède une soixantaine de sites de liaison de l’ARNmi miR-7 ce qui en fait une éponge de grande capacité [168].

3.3.6 – Rôle des ARNlnc sur la traduction

L’un des grands rôles des ARNlnc est de pouvoir séquestrer des molécules. Ils retiennent par exemple des ARNm empêchant ainsi leur traduction. Hu et collègues [169] ont montré par exemple que chez la souris mâle, l’abondance de transcrits d’Utf1 était constant à chaque stade de la spermatogenèse de la cellule souche spermatogononiale à la spermatide mais que sa

43 concentration protéique était bien plus élevée dans les premiers stades (i.e. cellules souches spermatogoniales et spermatogonies). Sa traduction est donc inhibée dans les stades avancés de la spermatogenèse. L’ARNlnc Gm2044 en revanche est bien plus exprimé dans les stades avancés (i.e. spermatocytes, spermatides). Les chercheurs ont montré que l’ARNlnc Gm2044 en position convergente par rapport au gène codant Utf1 chez la souris avait des sites de liaison complémentaires à l’ARNm du gène Utf1 et agirait sur sa traduction et des expériences de pull-down ARN ont validé un complexe ARNlnc:ARNm [169]. On a également la connaissance de l’ARNlnc lincRNA-p21 qui, lorsque lié à ses ARNm cibles JUNB et CTNNB1, perturberait le ribosome qui se détacherait de l’ARNm à traduire et inhiberait donc sa traduction [170]. Ces exemples montrent clairement le rôle des ARNlnc comme séquestreur de l’ARNm, empêchant ainsi les ribosomes de le traduire en protéine.

3.3.7 – Rôle des ARNlnc sur le transport des protéines

Au niveau du transport des protéines, les publications se font plus rares. Comme action indirecte des ARNlnc, on retrouve l’exemple de NRON (Noncoding Repressor Of NFAT) [171] qui se lie aux protéines agissant sur le trafficking protéique i.e. CSE1L (Exportin 2), KPNB1 (Importin β1) et TNPO1 (Importin β2) et empêcherait la migration de la protéine NFAT dans le noyau (Figure 21A). Comme mécanisme direct, on peut donner l’exemple de l’ARNlnc lnc_ASNR (Apoptosis Suppressing-Noncoding RNA) qui, lorsqu’il est exprimé, s’amarre dans le noyau à la protéine AUF1 (ARE/poly(U)-binding/degradation Factor 1) empêchant ainsi son exportation cytoplasmique [172] (Figure 21B).

3.3.8 – Rôle des ARNlnc sur la signalisation cellulaire

Concernant le rôle des ARNlnc sur la signalisation cellulaire, on peut citer l’exemple de l’ARNlnc LINK-A (Long Intergenic Noncoding RNA for Kinase Activation) [173] qui a un site de liaison à la molécule PIP329 et à l’enzyme Akt inactive. Akt est activé par phosphorylation via une cascade de réaction impliquant PDK1 et mTOR. LINK-A améliore considérablement la rencontre des deux molécules PIP3 et Akt et augmente ainsi la forme active d’Akt. Cette hyper-activation d’Akt conduit à un signal plus important induisant la tumorigenèse en plus d’une résistance aux inhibiteurs d’Akt (Figure 21C).

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Figure 21 – Modèle d’action des ARNlnc NRON (A) et lnc_ASNR (B) dans le transport protéique et de l’ARNlnc LINK-A (C) dans la signalisation tumorale.