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Les déterminants de la variabilité du score

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-0)

4. Relation entre motivation intrinsèque et extrinsèque en médecine générale. Une étude

4.3. Résultats

4.3.2. Les déterminants de la variabilité du score

Dans un premier temps, des analyses univariées sont menées en incluant une à une les caractéristiques des médecins dans le modèle multiniveaux (modèle 2). Puis, les variables significatives au seuil de 5% sont incluses dans un modèle multivarié final. Les résultats des différents modèles sont présentés dans le tableau 38. Dans les modèles univariés, trois variables ont un impact positif et significatif sur la variabilité inter-médecin : le fait d’être en groupe et de partager les dossiers (p<0,0001), d’avoir une activité salariée en dehors de l’activité libérale (p<0,0001) et de reporter un très bon état de santé (p=0,0248). Ces 3 caractéristiques médecin sont associés à des niveaux plus élevés de motivations intrinsèques.

En outre, ces trois variables restent significatives dans le modèle multivarié. Plus précisément, elles permettent d’expliquer près du quart de la variabilité inter-médecin (24,5%), celle-ci passant de 0,5122 dans le modèle 1 à 0,4051 dans le modèle 2. Enfin, il est intéressant de noter que l’âge, le sexe où milieu d’exercie (urbain/rural) ne semblent pas avoir d’impact significatif sur le niveau de motivation intrinsèque.

Tableau 38. Résultats des modèles multiniveaux : impact des caractéristiques médecins sur la variabilité de l’ICMI49

Pratique en groupe (ref, solo) 0.4433 <.0001 0.3389 <.0001

Urbain (ref, rural) 0.1265 0.2515

Très bon état de santé (ref, moyen-mauvais) 0.4197 0.0248 0.3701 0.0388 Salarié (ref, libéral uniquement) 0.6145 <.0001 0.5807 <.0001

49 Certaines variables comportaient des non réponses. De fait, nous avons créé des catégories spécifiques de non réponses qui ont été inclues dans les modèles, mais leurs résultats ne sont pas reportés dans le tableau 38.

177 4.3.3. Interaction avec les variables de ME

Comme le score de MI obtenu n’est pas parfaitement normal (cf figure C.2.2), nous utilisons les coefficients de corrélation de Spearman (tests du rang) afin d’étudier la relation entre l’ICMI et les variables quantitatives de ME. Comme 19% des MGs n’ont par reporté le revenu, l’analyse est limitée aux 342 MGs répondants50. Les résultats sont présentés dans le tableau 9. Nous n’obtenons pas de relation statistique significative entre le l’ICMI et le revenu (p=0,8622) et le revenu moyen par acte (p=0,6586).

Afin d’examiner la relation entre l’ICMI et les variables qualitatives de ME, nous utilisons la statistique non paramètrique de Wilcoxon, qui consiste à comparer les rangs de classement des médecins dans chaque catégorie des variables binaires utilisées (tableau 39).

Les MGs déclarant être « rarement » ou « jamais » contraints par les exigences des patients concernant les horaires d’ouverture du cabinet (la durée de consultation, respectivement) ont en moyenne un rang de classement plus élevé sur l’échelle de MI (p=0,0181 et p=0,0496, respectivement). De plus, les MGs déclarant être satisfaits de leur revenu ont en moyenne un niveau de MI et donc un classement plus élevé (p=0,0113). Ce résultat pourrait aussi indiquer que les MGs ayant des motivations intrinsèques plus fortes aient moins d’attentes vis-à-vis de leur revenu, ou que leur revenu cible est déjà atteint.

Tableau 39. Coefficients de corrélation de Spearman entre l’ICMI et les variables de ME et tests des rangs de Wilcoxon

Variables quantitatives de ME (N=342) p-value

Chiffre d'affaire 0.8622

Chiffre d'affaire/nb d'actes 0.6586

Variables qualitatives de ME (N=423) Rangs moyens * Statistique de Wilcoxon p-value

Satisfaction du revenu 31104 0.0113

50Ces non répondants ne sont pas significativement différents des autres MGs en termes d’âge, localisation, ou pratique de groupe.

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4.4. Discussion

Du fait du renforcement des schémas incitatifs appliqués aux soins primaires, des questions se posent concernant leur effet potentiel indésirable sur les motivations des professionnels de santé. Cette problématique a fait l’object de nombreux travaux théoriques ayant étudié les relations entre motivations intrinsèques et extrinsèques dans différents contextes (Frey 1994; Bénabou and Tirole 2003; James Jr. 2005; Sliwka 2006; Schnedler and Vanberg 2014). En revanche, peu d’études ont investigué empiriquement l’interrelation entre MI et ME et a fortiori dans le domaine des soins de premiers recours. Ainsi, l’objectif de notre étude était dans un premier temps de sélectionner un modèle simple permettant de construire un indicateur composite de la motivation intrinsèque (ICMI) des MGs et de comprendre les déterminants de sa variabilité. Dans un second temps, il s’agissait d’étudier les relations de complémentarité ou substituabilité entre ce score et différentes proxy de motivation extrinsèque (ME).

Les résultats du modèle multiniveaux utilisé pour construire l’ICMI ont montré qu’il existait une forte variabilité inter-médecin dans la distribution du score. De fait, nous avons introduit dans le modèle différentes variables caractérisant les médecins, afin d’analyser les déterminants de cette hétérogénéité. Nous avons tout d’abord montré que les médecins exerçant en groupe (partageant les dossiers) sont davantage caractérisés par des niveaux élevés de MI par rapport aux médecins exerçant en cabinet seul. Ce résultat est d’autant plus intéressant que de précédentes études avaient mis en évidence que le regroupement des médecins était associé à des incitations d’ordre extrintrèque, liées par exemple au fait de pouvoir bénéficier d’horaires de travail plus souples, d’une charge de travail réduite et / ou d’un partage des coûts liés à l’organisation du cabinet (Bourgueil et al 2007). Le fait que nous ayons considéré une définition plus précise de la pratique en groupe, c’est à dire avec partage des dossiers patients, peut avoir amené à sélectionner des médecins acceptant de s’exposer au jugement des pairs et de s’impliquer dans des prises de décision collégiales, et donc des médecins ayant des niveaux de MI plus élevés. Deux autres variables avaient un impact positif sur le niveau de motivation intrinsèque : le fait d’avoir une activité salariée en plus de l’activité libérale, pouvant témoigner d’une volonté de diversifier son activité, et le fait de déclarer un très bon état de santé. Toutefois, près des trois quarts de la variabilité inter-médecin associée à l’ICMI restait inexpliquée dans le modèle. La variance résiduelle pourrait correspondre à des caractéristiques médecin non observées, ou d’autres caractéristiques non mesurables d’ordre psychologique par exemple.

179 Dans l’ensemble, cette étude a montré des résultats mitigés quant aux relations de substituabilité ou complémentarité entre MI et ME. En effet, les résultats diffèrent selon le type d’indicateur de ME utilisé. En considérant comme indicateur de ME, le chiffre d’affaire et le chiffre d’affaire moyen par acte, nous avons montré que l’ICMI n’était pas corrélé aux ME. Nous avons par ailleurs mené des analyses complémentaires considérant l’ICMI construit par le modèle de Birnbaum, mais celles-ci n’ont pas révélé de résultats différents.

Toutefois, le fait que près d’un MG sur cinq (19%) n’ait pas reporté son revenu de 2008 pourrait en partie biaiser les résultats de cette analyse et invite à considérer d’autres proxy des ME. En considérant comme indicateur de ME des variables plus qualitatives, nous avons obtenu plusieurs relations négatives significatives avec l’ICMI : les médecins déclarant se sentir contraints par les exigences des patients concernant les horaires d’ouverture du cabinet ou les durées de consultations avaient un niveau plus faible de MI. De façon similaire, les médecins plus motivés intrinsèquement semblaient avoir des exigences plus faibles concernant leur niveau de rémunération car, à niveau de revenu égal, ils étaient plus souvent satisfaits de leur rémunération. Ces résultats semblent aller dans le sens d’une relation de substituabilité entre MI et ME. Par exemple, les médecins se sentant contraints concernant la durée de leur consultation pourraient raisonner en termes d’arbitrage économique en considérant le coût d’opportunité plus élevé d’une consultation plus longue en termes notamment de perte d’activité économique. En effet, comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, les durées de consultation plus longues sont associées à un nombre d’actes plus faible dans l’annéeet dans un contexte du paiement à l’acte, une activité plus faible se traduit généralement par une perte de chiffre d’affaire.

Conclusion

Cette étude montre l’existence d’une relation négative entre motivations intrinsèques et extrinsèques des MGs français. En ce sens, cette étude relance le débat sur la pertinence et les effets à long terme des incitatifs économiques appliqués aux soins primaires. En effet, le régulateur devrait prendre en compte les effets indésirables potentiels d’une augmentation des motivations extrinsèques par l’introduction de bonus financiers de type P4P. Afin de confirmer et de préciser les résultats de cette étude exploratoire, les études futures devraient se concentrer tout d’abord sur la mesure des MI dans le contexte des soins primaires par l’élaboration de questionnaires plus standardisés. Par ailleurs, il serait intéressant de recueillir des données longitudinales permettant d’analyser l’évolution des motivations intrinsèques des

180 médecins dans le temps, de façon à tester de manière plus précise la théorie de l’effet d’éviction des motivations. En effet, du fait du caractère transversal des données utilisées, nos résultats ne permettent pas de conclure quant à une relation de cause à effet entre MI et ME.

En revanche, cette étude, combinée aux analyses des sections 2 et 3, peut être considérée comme préliminaire à un tel travail, dans le sens où elle a permis de mettre en évidence plusieurs indicateurs de MI ainsi que différentes méthodes statistiques permettant de mesurer ce concept dans le domaine des soins de premiers recours.

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b -  Secteur 1 avec droit de dépassements c -  Secteur 2

d -  Maison de santé pluridisciplinaire / centre de santé

e -  Autre, quelle structure :

………

……..

4. Si vous exercez en groupe partagez-vous …

A. les dossiers de vos patients avec vos associés ?  Oui  Non B. les dépenses professionnelles ? (salariales, locatives, etc.)  Oui  Non

b- Si oui, quelle est votre part moyenne des dépenses :

… ...%

5. Avez-vous informatisé vos dossiers patients ?  Oui  Non 6. « Télétransmettez-vous » à l’assurance maladie ?  Oui  Non 7. Si oui, quelle part des actes que vous réalisez : … … % des

consultations … … % des

visites 8. Pour la prise de RDV, avez-vous recours

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