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Discussion

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 48-51)

1. Impact du CAPI sur la durée de consultation des médecins généralistes français

1.6. Discussion

L’objectif de ce travail était de comprendre l’impact du dispositif de paiement à la performance introduit au travers du CAPI sur la durée de consultation des médecins généralistes français. Une méthodologie en deux étapes a été utilisée. A partir de plus de 20 000 observations de consultations effectuées par 128 médecins généralistes (MGs) et retranscrites entre 2011 et 2012, trois modèles emboîtés ont été estimés par une approche multi-niveaux. Dans ces modèles, nous avons ajouté progressivement les caractéristiques des patients, les caractérsitiques des médecins et les caractéristiques de la patientèle. Le modèle le plus adéquat a ensuite été estimé sur trois principaux motifs de consultations faisant l’objet d’un indicteur CAPI: le diabète, l’hypertension, et la vaccination antigrippale.

La principale difficulté de cette étude provenait de l’hypothèse de phénomènes d’auto -sélection associés à la signature du contrat, c'est-à-dire le fait que les signataires du CAPI aient des caractéristiques différentes des non signataires, pouvant biaiser les estimations de l’impact du CAPI sur la durée de consultation. Les résultats des tests d’indépendance n’ont pas révélé de différence significative entre signataires et non signataires en terme d’âge, sexe, localisation géographique ou encore pratique en groupe. En revanche, les signataires fournissaient un plus grand nombre de consultations en 2011 que les non signataires, mais il n’était pas possible de conclure sur le sens de la relation, le nombre d’actes n’ayant pas été observé avant la signature du contrat.

D’un côté, nous pourrions faire l’hypothèse (H1) que les médecins signataires du CAPI étaient plus productifs en termes d’activité médicale(hypothèse d’auto-sélection). Sous cette hypothèse, les résultats de l’étude révèlent un arbitrage quantité/qualité différent entre signataires et non signataires du contrat, les signataires privilégiant plutôt la quantité avec un nombre de consultations plus élevé, et les non signataires, la qualité, avec une durée moyenne de consultation plus élevée. Sous cette hypothèse, le CAPI n’aurait donc pas eu d’effet incitatif sur l’augmentation de la qualité des soins telle que mesurée par la durée de consultation.

D’un autre côté, il est possible que le CAPI ait engendré une augmentation de l’activité médicale telle que mesurée par le nombre de consultations (H2). Comme la durée de consultation est reliée de façon négative au nombre de consultations, cela signifierait que le CAPI ait engendré indirectement une diminution de la durée de consultation. En termes de politiques publiques, ce résultat doit être jugé au regard des objectifs du régulateur : l’objectif est-il d’augmenter la quantité de soins pour faire face à des problémes d’offre et

30 potentiellement d’accès aux soins ? Dans ce cas, sous l’hypothèse H2, les P4P pourraient être un outil intéressant. L’objectif est-il d’améliorer la qualité des soins ? Dans ce cas, sous l’hypothèse H2, les P4P auraient un effet délétère sur la qualité. Toutefois, l’hypothèse H2 semble peu vraisemblable pour différentes raisons. La raison principale est que le CAPI ne contient pas en soi d’incitatifs à augmenter le nombre de consultations car le dispositif ne comptabilise pas le nombre de sessions dédiées à un problème de santé. Il est vrai que les médecins pourraient « recruter » davantage de patients pour augmenter le montant des bonus mais, à notre connaissance, il n’existe pas de travaux empiriques ayant montré cet effet. En outre, les montants associés au CAPI (seulement 7% du chiffre d’affaire moyen pour une amélioration de l’ensemble des indicateurs) sont faibles comparé aux montants proposés par exemple dans le cadre du QOF en Angelterre, ces montants s’élevant à environ 26% du chiffre d’affaire moyen des MGs anglais (Bras et Duhamel 2008).

Le résultat principal de cette étude est que le CAPI ne semble pas avoir eu d’effet significatif sur la durée de consultation, après ajustement sur l’ensemble des facteurs de confusion possibles. Les résultats obtenus sur les trois motifs de consultation spécifiques ont permis de valider cette conclusion. Néanmoins, il ne s’agit pas de conclure qu’un P4P en général n’a pas de conséquence sur la qualité des soins approchée par la durée de consultation. En effet, la rémunération additionnelle maximale du CAPI ne correspond finalement qu’à 7% du chifffre d’affaire des médecins ; ces incitatifs, sans être négligeables, ne constituent probablement pas des incitatifs suffisemment élevés pour engendrer une modification significative de la pratique médicale.

Limites

Une première limite de l’étude concerne le nombre limité de variables médecin pouvant expliquer la signature du CAPI et ainsi contrôler des phénomènes d’auto-sélection.

Par ailleurs, même si nous avons ajusté par un certain nombre de variables observables, il n’est pas possible d’exclure que certaines variables inobservables telles que le style de pratique, les préférences pour le loisir ou encore l’éthique, puissent influencer à la fois la signature du CAPI et la durée de consultation. Une variable potentiellement cachée dans la relation entre caractéristiques des médecins, signature du CAPI et durée de consultation est la motivation intrinsèque à fournir des soins de qualité. En effet, il a été montré que cette dernière a un impact positif sur le temps dédié à une activité (Deci 1972; Deci and Ryan 2000). Par ailleurs, un travail complémentaire à cette étude a cherché à comprendre les

31 déterminants de la non signature du CAPI et a révélé le poids prépondérant des considérations éthiques associées au CAPI (risques de conflits d’intérêt, risque d’exclusion des patients les plus précaires, manquement à l’éthique professionnelle) comme déterminants de la non signature du contrat (Saint-Lary et al 2013). En ce sens, une analyse précise des motivations et des préférerences des médecins associés à une pratique de qualité semble constituer un prolongement nécessaire à ce travail.

Une seconde limite de l’étude concerne la taille de l’échantillon. L’effectif de 128 médecins, bien que raisonnable, peut générer des problèmes de puissance dans l’estimation des paramètres au niveau médecin. Une autre limite concerne le mode de recrutement des médecins généralistes, qui sont tous maîtres de stages. Ainsi, par rapport à la population des MGs français, les médecins en groupe étaient légèrement sur-représentés (62 % vs 54 % (Gautier 2011)) tout comme les médecins signataires du CAPI (43% vs 38%). Une quatrième limite est liée au fait que pendant les deux tiers de la période d’étude (de Janvier à Avril 2012) le CAPI a été géneralisé à l’ensemble des MGs avec la ROSP. De fait, les médecins non signataires du CAPI ont été exposés au nouveau dispositif de paiement à la performance. En revanche, une analyse complémentaire a été effectuée en incluant une indicatrice temporelle (avant/après 2012) dans le modèle, mais n’a pas révélé d’impact significatif de la période considérée sur la durée de la consultation. Ainsi, l’implémentation de la ROSP ne semble pas avoir modifié la durée de la consultation. Enfin, comme aucun identifiant patient n’a été recueilli, il n’était pas possible de prendre en compte les corrélations entre les consultations d’un même patient.

Conclusion

En France, le CAPI ne semble pas avoir modifié la durée de consultation des médecins généralistes. Ce résultat apporte un message d’avertissement quant à la généralisation des paiements à la performance en France et leur capacité à générer des soins de meilleure qualité.

Comme la durée de consultation ne constitue pas une mesure unique de la qualité des soins, les recherches futures devraient examiner la question en tenant compte d’autres mesures de la qualité (contenu de la consultation, suivi des patients, satisfaction des patients) et comparer les résultats avec ceux obtenus dans cette étude. Ainsi, l’objectif de la deuxième section du chapitre est d’analyser l’impact du CAPI sur des indicateurs ciblés par le contrat, en particulier le dépistage des cancers.

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2. Impact des incitatifs économiques sur le

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