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CHAPITRE 2 : BANGANGTÉ, UNE VILLE MOYENNE EN MUTATION

5. Les déchets et l’environnement de Bangangté

Le lexique de géographie économique et humaine (1984) définit le concept « environnement » comme étant « l’ensemble des éléments naturels, artificiels, économiques et sociaux dans lequel se

déroule la vie humaine ». Selon ce même lexique, le mot « environnement » est la traduction du

terme anglais « environment » qui signifie milieu, cadre de vie, facteurs physiques et sociaux qui constituent le milieu et dont la combinaison exerce des effets positifs ou négatifs sur l’épanouissement des individus. Dans les villes où le cadre construit prédomine, le mot environnement fait d’abord référence aux aspects architecturaux, économiques et sociaux du milieu. Selon le dictionnaire de géographie de Pierre George (1974), il constitue le milieu global dans lequel les sociétés humaines se sont imposées. Autrement dit, l’environnement représente l’ensemble des éléments biotiques et abiotiques qui conditionnent l’existence de la vie sur terre. Dans la présente thèse, le concept d’environnement va s’apprécier sur le plan social, physique, économique, ethnoculturel et il est très analogue à celui de territoire.

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La loi n° 96 / 12 du 05 Août 1996 portant Loi Cadre relative à la gestion de l’environnement au Cameroun quant à elle définit le concept de l’environnement comme « l’ensemble d’éléments naturels ou artificiels et des équilibres biogéochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ». Dans un langage plus simple, il s’agit du cadre de vie, d’un agencement spatial de manière systémique des structures et mécanismes écologiques et sociaux.

Le désordre urbain qui se manifeste par l’occupation anarchique de l'espace public, la dégradation des infrastructures et des équipements collectifs, l'insalubrité et les gênes environnementales, la violation des règles élémentaires de la circulation routière, la crise environnementale, sont autant de phénomènes observables à Bangangté.

Ces approches soutiennent la faculté qu’a l’homme d’aller à ses propres périls à l’encontre des contraintes, des directives imposées par la nature. Delà, il est capable de réorganiser son cadre de vie en usant de son intelligence et de ses moyens. Ainsi, la nature propose, l’homme dispose. Ceci dit qu’il peut choisir entre les multiples possibilités que lui propose le milieu. Il peut ainsi choisir de fuir le danger en mettant sur pied des stratégies pouvant les contrôler ou faire face à la situation ou au phénomène. L’origine de cette théorie vient des travaux des géographes déterministes de l’école allemande du 19è siècle à l’instar de Von Humboldt (1759-1859), Karl Ritter (1779-1859), du darwinisme, etc. À l’aube du 20è siècle, cette théorie évolue grâce à l’école de la géographie française qui développe le possibilisme avec pour précurseurs Paul Vidal de la Blache (1845-1918) et ses paires (Emmanuel de Martonne, Jean Brunhes, Albert Demangeon, etc.).

Les débats sur la gestion des déchets, en particulier ménagers, pour la protection et la conservation du milieu urbain ne laissent personne indifférent. Cette politique de commun accord avec les populations et les gouvernements se traduit en ce temps par une réduction de la production des déchets, la mise en place d’un système efficace de ramassage et de traitement des déchets, l’encouragement à la valorisation, la récupération. Les premières stratégies de traitement des déchets ont privilégié l’incinération qui, pendant plus d’un demi-siècle, a été la méthode la plus efficace pour éliminer les déchets. Dans leur ouvrage intitulé « Incinération des déchets ménagers », (Le Goux et Le Douce, 1995 in Yao-Kouassi, 2010) ont étudié l’incinération sous ses aspects techniques, économiques, réglementaires et environnementaux. Malgré les points positifs qu’ils ont ressortis, les auteurs ne manquent pas de souligner que « l’incinération engendre des menaces sur

l’environnement comme sur la santé ». Ils relèvent aussi que les incinérateurs peuvent amoindrir la

proportion des résiduelles reçues de 70%. Mais il en reste 30% sous forme de cendres hautement toxiques que l’on doit enterrer. L’enfouissement en est aussi un risque pour l’environnement car

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susceptible de provoquer les glissements de terrain. Il a été constaté à travers nos sociétés les affaissements ou glissements répétés dus aux décharges sauvages. L’incinération et l’enfouissement qui ne sont que l’une des multiples méthodes de traitement des déchets qui rejettent des polluants dans l’environnement. Par ailleurs, quels que soient la nature et le traitement sophistiqué subit par les déchets, la perception environnementaliste du déchet reste mitigée car il n’existe pas de déchet ou de méthode de traitement avec un risque zéro ou une nuisance zéro. La détérioration de l’environnement par les déchets, en particulier dans les villes, peut avoir des effets graves sur la santé et le bien-être des habitants, surtout les plus démunis. Cette approche déchets et environnement relève d’une spécificité des territoires.

5.1. Insuffisante rentabilité des systèmes de production à Bangangté

Le secteur primaire est prépondérant et assure pour une large part la subsistance de la population qui vit en symbiose avec le monde rural. Sur 23776 personnes, 20073 en dépendent, soit 84,4% (Nganso, 1973). L’agriculture occupe ici une place de choix: 97,5% des actifs de sexe masculin et 99,8% des actifs de sexe féminin s’en occupent. Excepté l’élevage, les autres activités sont de peu d’importance. Il s’agit d’une agriculture dite traditionnelle qui est assurée essentiellement par les femmes (95,9%) contre (25%) d’hommes. Elle est rendue pratique à l’aide des outillages archaïques tels que la machette et la houe pour accomplir les tâches les plus difficiles des hommes. Ces derniers sont chargés d’entretenir les raphias, d’abattre les arbres, d’entretenir les bananes plantains, des cucurbitacées et d’assurer l’émondage des arbres fruitiers. La femme, quant à elle se sert de la houe, du plantoir nécessaire à la préparation des billons, aux semailles, à l’entretien des parcelles (sarclage, binage) et aux récoltes.

La topographie étant accidentée, la lutte antiérosive est pratiquée, les haies et les clôtures ralentissent la vitesse des vents et la force de ruissèlement des eaux. La disposition des sillons suivant les courbes de niveau préconisée par les services de l’agriculture se heurte ici à plus de réticences que dans les autres départements. Bref, tous les travaux d’entretien sont minutieusement exécutés. La période végétative commence à la fin de la saison sèche (mai-avril) pour prendre fin en juillet-août en pleine saison de pluie par la récolte de la majeure partie des plantes cultivées. C’est la période de nombreuses visites familiales dans le Ndé. Les retours entrainent une véritable saignée des denrées alimentaires, préjudiciable à un département aussi pauvre.

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5.2. Le nouveau visage de la ville de Bangangté : la création des nouveaux établissements comme facteurs du dynamisme urbain.

La création des nouvelles institutions scolaires et académiques a joué un rôle dans le développement de la ville. Les activités qui se développent autour de ces différentes institutions sont à l’origine de nombreuses mutations. Par conséquent, provoque le problème de déchets solides ménagers qui s’accroissent et l’on va assister à la prolifération de ceux-ci. On admet parfois que l’éducation, et plus précisément l’enseignement supérieur, constitue un facteur de développement socio- économique et culturel de toutes les nations.

Suite à nos enquêtes de terrain, nous avons observé plusieurs changements dus aux nouvelles installations des établissements qu’ils soient publics ou privés. Ces dynamiques territoriales vont de la construction de l’avènement d’une population nouvelle à la périurbanisation.

5.2.1. L’avènement d’une population plus nombreuse, mieux formée et très dynamique

Pour mieux appréhender le dynamisme qui sévit en zone périphérique, il est nécessaire de catégoriser la population qui y réside. Ainsi, nous voulons montrer la présence des immigrants. Pour atteindre cette idée, on a eu recours à quelques critères tels que la croissance démographique accélérée, la population active caractérisée par une pluralité d’activités et le rajeunissement de la population.

 L’évolution des effectifs dans les établissements supérieurs privés permettrait de comprendre soit l’augmentation rapide de la population de Bangangté, soit l’accroissement du taux de scolarisation. À cette population estudiantine, s’ajoute des migrants qui viennent soit pour développer une activité commerciale, soit pour s’approprier un terrain pour la construction de cités pour élèves et étudiants. Ces migrants de retour sont souvent constitués en grande partis de retraités, des jeunes désœuvrés de la ville ou les habitants proches de la ville et attirés par certaines potentialités qu’offrent le territoire. Désormais, l’arrivée de ceux-ci va réveiller les bangangtéens du sommeil de l’inconscience, qui va se lancer à la quête du gain comme tous les autres hommes.

En effet, le mouvement des personnes a facilité le développement agricole qui, d’antan était peu développé. Les parcelles sont louées aux allogènes pour la pratique des cultures maraichères. Ces activités ont rendu le marché compétitif avec la présence massive des jeunes qui se sont lancés dans les cultures saisonnières (maïs, tomates, piments, haricots, légumineuses, pommes de terre, etc.).

 La ville de Bangangté regorge de nos jours plus de jeunes que des personnes âgées (RGPH, 2005, commune de Bangangté, 2015). Les personnes de plus de 66 ans représentent 5,6% tandis que les jeunes dont l’âge est compris entre 26 et 40 ans constituent 47%. Puisqu’il

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s’agit de la tranche d’âge où l’on réfléchit sur son avenir, nous pouvons comprendre par-là l’idée d’un développement rapide de la ville.

 Population active aux activités diverses. Nos investigations ont montré une divergence de personnes quittant la périphérie pour travailler dans le centre-ville. Ceci concerne le plus certains fonctionnaires qui parcourent des distances pour les lieux de services. On ne peut s’en passer des ménagères, des agriculteurs, des commerçants, des retraités, etc. Ces facteurs cités permettraient d’affirmer une population nouvellement installée, ce qui modifie la composition de la population ancienne. La présence de cette nouvelle population encourage les anciens tout en les rendant plus stables. Ce phénomène va accentuer l’immigration tout en ralentissant l’exode rural : d’où l’augmentation rapide de la population. Il est aussi à noter que la plus part des personnes enquêtées ont des petits lopins de terres où elles exercent l’agriculture de subsistance. Ceci constitue une spécificité des villes en milieu rural.

Conclusion au chapitre 2

Au terme de ce deuxième chapitre, sur Bangangté, ville moyenne en mutation, une analyse spatio- démographique est réalisée, afin de montrer comment sa structuration morphologique découle d’une dynamique démographique et économique sur le territoire. Ce sont ces facteurs qui ont conduit à l’extension des terres occupées. Les travaux sur la gestion des déchets ménagers en Afrique et plus précisément au Cameroun ne sont pas novateurs. Cependant, aucun auteur n’a encore investigué sur cette problématique dans la ville de Bangangté, mais, elle reçoit des prix nationaux pour sa salubrité ou sa propreté, d’où notre idée de déblayer ces champs. Un état des lieux de la ville avant la mise en place de la structure d’Hygiène et Salubrité du Cameroun (HYSACAM) et des institutions privées d’enseignement supérieur est réalisé. Pour y parvenir, une analyse descriptive est réalisée sur son milieu naturel qui n’offre pas assez d’opportunités à ses habitants. Face à cette situation, les populations dans la recherche du bien-être, vont se livrer à un système migratoire amplifié. On constate une relation d’interdépendance et de corrélation entre ces différents facteurs. Plusieurs auteurs ont qualifié Bangangté à cette époque de « ville maudite plongée dans la léthargie » (Nganso, 1982 ; Franqueville, 1987).

L’agriculture, principale activité de la zone, est affectée et n’arrive pas à subvenir aux besoins locaux. La population doit donc trouver des voies et moyens pour pallier cette difficulté.

Les contraintes liées à la situation géographique de la ville de Bangangté et son climat constituent parfois un frein pour le développement des nouvelles activités. Le relief de la ville de Bangangté est

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accidenté et très contrasté. On retrouve les collines avec entre autre des altitudes de 1400 m (au niveau du lycée classique) et de 1500 m qui s’étire du centre de distribution des Brasseries du Cameroun au dispensaire Ad-Lucem. Le point culminant de la ville est de 1600 m d’altitude. Ceci constitue un véritable handicap dans la gestion des déchets car il ne facilite pas le transport et leur accès au sein de certains quartiers.

Des différenciations en matière d’accès au service public de collecte des déchets sont observables sur le terrain. Les quartiers à habitats spontanés (quartiers 4 et 8), les quartiers périphériques (Banekane et Feubat) et le quartier 7 (quartier à habitat moyen) ne bénéficient pas des services HYSACAM. Pourtant, l’État, devrait fournir les moyens à l’entreprise de collecte pour la salubrité de toute la ville. On assiste aussi à l’inégalité dans la pause des bacs à ordures dans les différents quartiers. Le quartier à habitat haut standing (1) possède plus de bacs à ordures que tous les autres quartiers (20 bacs). Cela pourrait se justifier par sa proximité par rapport au marché « A » du centre-ville.

Nous avons noté que 44,5% de personnes enquêtées habite dans les maisons construites en terre battue. 22% d’elles vit dans les maisons collectives, 30% vit dans la villa contre 3% qui vit dans les maisons en étages. Ces résultats pourraient justifier les différences en termes des conditions socio- économiques.

Au niveau de l’éducation, nos résultats ont montré que les habitants de la ville de Bangangté sont plus ou moins éduqués : 41,5% des enquêtés a un niveau secondaire (collège et lycée), 18,5% a le niveau de l’enseignement supérieur, 32% des ménages a le niveau primaire contre 7,5% qui constitue les personnes non scolarisées. Ces résultats permettent d’affirmer que les populations sont plus ou moins éduquées et trouvent des moyens pour réduire les déchets sur leur environnement tout en les valorisant.

La mise en place d’une structure en charge de la collecte des déchets et des institutions privées d’enseignement supérieur dans le département du Ndé est une action positive pouvant donner une impulsion au développement local. C’est ainsi que la ville de Bangangté bénéficie depuis 2008 des prestations du service d’Hygiène et de la Salubrité du Cameroun (HYSACAM).

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Conclusion partielle de la première partie

En conclusion, cette première partie nous a permis de mettre en évidence la divergence autour des concepts afin de choisir ceux qui lient à notre travail. Il ressort de notre recherche une complexité de points de vue sur les concepts (déchet, gestion, économie circulaire, proximité) employés due aussi aux différents territoires de recherche ainsi qu’aux politiques établis par chaque État. Au vue de la littérature scientifique, cette complexité des approches réside autour d’une absence d’interconnaissance pouvant définir clairement les concepts.

La mobilisation de différentes approches théoriques (innovation, systémique, économiste, sociologue) a permis de comprendre les innovations ou les adaptations sociales et territoriales ainsi que les jeux et stratégies d’acteurs dans la ville de Bangangté autour de gestion des déchets solides ménagers. Ces théories ont aussi permis de comprendre le système d’économie circulaire au sein d’une ville moyenne camerounaise aux spécificités distinctes de celles des grandes métropoles. Le caractère des habitats nous a permis de dresser une certaine inégalité à Bangangté en ce qui concerne quelques commodités. Ces inégalités peuvent être dues à certains facteurs géographiques qui semblent ne pas être favorables à la ville de Bangangté.

Face à cette situation, les acteurs du développement vont rechercher des moyens pour développer cette ville, d’où la gestion des déchets solides ménagers à Bangangté (Cameroun) et la logique de leurs acteurs.

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DEUXIÈME PARTIE : GESTION DES DÉCHETS MÉNAGERS ET LOGIQUE DES ACTEURS À BANGANGTÉ (CAMEROUN)

Le but de notre deuxième partie est d’étudier les différents acteurs qui interviennent dans la gestion des déchets à Bangangté. Pour mieux l’appréhender, nous allons dans le chapitre troisième nous pencher sur la complexité des textes institutionnels et juridiques en la matière de gestion des déchets à Bangangté au Cameroun. Une analyse de ces différents textes sera faite afin de positionner les nouveaux dispositifs pour leur amélioration. Le chapitre quatrième porte sur la production et la caractérisation des déchets solides ménagers dans la ville de Bangangté. Ce chapitre permettra d’avoir une idée sur la production journalière et annuelle des déchets solides ménagers pour entrevoir une gestion efficace. Il permettra également d’avoir une idée sur les constituants des déchets ménagers dans l’optique de penser aux potentiels économiques. Le chapitre cinquième va porter sur l’analyse des techniques organisationnelles et managériales de la gestion des déchets solides ménagers à Bangangté sans toutefois faire fi aux conséquences liées à la faible implication de la municipalité. Face aux situations d’insalubrité et de pollution, la formalisation de certaines lois va donner recours à la collecte, au transport ainsi qu’à la mise en décharge, incluant aussi la valorisation.

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CHAPITRE 3 : GESTION INSTITUTIONNELLE ET JURIDIQUE DES DÉCHETS