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CHAPITRE 1 : CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE : les déchets, une analyse par les

2. Les déchets vus sous l’angle théorique

La mobilisation de quelques théories dans notre travail de recherche nous permettrons de part et d’autre de montrer les relations entre les habitants et les différentes pratiques mises en place pour valoriser les déchets ménagers, les relations entre acteurs institutionnels et acteurs privés pour comprendre leur fonctionnement sur le terrain. On ne saurait s’en passer des relations hommes- milieux.

2.1. Les déchets sur l’angle de la théorie de la diffusion de l’innovation de Rogers Everett

Cette théorie proposée par (Everett, 1962 in Nya, 2014) a pour objectif d’expliquer comment l’innovation technologique évolue du stade de l’invention à celui d’utilisation élargie. Elle offre un cadre idoine au concept d’acceptabilité bien que ne concernant pas seulement les technologies informatiques. Pour mieux appréhender cette théorie, Everett, a adopté une étape d’innovation qui regorge plusieurs éléments.

 Les étapes de l’adoption d’une innovation

Selon Everett, il existerait cinq éléments qui influencent l’adoption ou la diffusion d’une nouvelle situation à savoir :

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L’avantage relatif : c’est le degré auquel une innovation est perçue comme étant meilleure que celle qui existe déjà. Il n’est pas nécessaire que cette innovation possède beaucoup plus d’avantages que les autres, mais ce qui est important, c’est que l’individu la perçoive comme étant avantageuse.

La compatibilité : c’est une mesure de degré auquel une innovation est perçue comme étant consistante avec les valeurs existantes, les expériences passées, les pratiques sociales et normes d’utilisateurs. Une idée qui serait incompatible avec les valeurs et les normes actuelles prendrait plus de temps à être adoptée qu’une innovation compatible. De même, dans certains cas, l’adoption d’une innovation compatible, nécessitera l’adoption au préalable d’un nouveau système de valeur, ce qui peut prendre un temps considérable. La complexité : c’est une mesure du degré auquel une innovation est perçue comme étant

difficile à comprendre et à utiliser. Les nouvelles idées qui sont simples à comprendre vont être adoptées plus rapidement que d’autres qui nécessitent de développer de nouvelles compétences avant de pouvoir les comprendre.

La testabilité : elle consiste en la possibilité de tester une innovation et de la modifier avant de s’engager à l’utiliser. L’opportunité de tester une innovation va permettre aux éventuels utilisateurs d’avoir plus de confiance dans le produit, car il aura eu la possibilité d’apprendre à l’utiliser.

L’observabilité : c’est le degré auquel les résultats et les bénéfices d’une innovation sont clairs. Plus les résultats de l’innovation seront clairs, plus les individus l’adopteront plus facilement.

Chacune de ces caractéristiques prise seule n’est pas suffisante pour prédire l’adoption d’une innovation, mais les études ont démontré qu’une combinaison de ces caractéristiques (des avantages, une compatibilité avec les croyances et les normes, un niveau de complexité bas, une possibilité de tester l’innovation et un fort degré d’observabilité) ouvre la voie plus à de grandes chances d’adoption de l’innovation que si les caractéristiques sont inversées (Everett, 1995 in Nya, 2014).

Leurs résultats ont démontré que les caractéristiques qui détermineraient l’adoption d’une innovation étaient celles mentionnées par la théorie de la diffusion de l’innovation d’Everett, mais avec quelques modifications. Leur apport a consisté à ajouter le concept d’image qui se réfère au degré auquel l’utilisation de l’innovation améliore le statut social de l’individu. En outre, ils ont distingué deux dimensions au sein de l’observabilité. Ces deux dimensions sont la visibilité de l’innovation et la possibilité d’en démontrer les résultats. En 1995, ces deux auteurs ont testé leur

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modèle et ont démontré que le volontarisme, les normes sociales en place et l’ensemble des caractéristiques décrites précédemment étaient les éléments qui influenceraient le plus l’adoption. L’application de la théorie de diffusion de l’innovation à cette thèse

Cette théorie de la diffusion spatiale dans mon travail de recherche aide à mieux saisir le processus d’innovation ayant cours dans la ville de Bangangté. L’innovation ici concerne les dispositifs ou les pratiques alternatifs mis en place par la population locale et le secteur informel pour réduire la quantité de déchets et leur valorisation. L’organisation d’un Service Public de gestion des déchets solides basée sur trois éléments principaux à savoir la représentation des usagers ; un service d’exploitation et de transformation des déchets en compost et un appui conseil et contrôle de la part de l’autorité locale et la structure semi-privée HYSACAM.

La présence de cet opérateur depuis 2008 a permis que Bangangté soit de plus en plus propre d’où de multiples prix sur l’échiquier national (ville la plus propre du Cameroun). Le placement des bacs à ordures et des poubelles dans quelques coins de la ville permet de tester cette innovation afin de construire un projet complet sur l’ensemble de la commune. L’utilisation des ordures ménagères pour le fumier (amendement des sols) et l’alimentation des bêtes, le réemploi des bouteilles plastiques constituerait aussi une innovation à l’échelle locale tandis que le recyclage des bouteilles plastiques (fabrication des pavés), les papiers et les cartons ; la récupération des métaux pourrait pour sa part constituer une innovation à l’échelle régionale et nationale voire globale. Puisque l’innovation résulte de plusieurs éléments, il est judicieux de parler de la systémique : d’où la théorie systémique.

2.2. Les déchets sur le prisme de la théorie systémique

Nous mobilisons la théorie systémique dans notre thèse comme base pour la compréhension des jeux d’acteurs, de l’organisation, du fonctionnement du service et des stratégies des populations sur un ensemble d’interactions qui réagit globalement. Elle analyse aussi les différentes mutations sociales ainsi que les incidences observées. L’économie circulaire étant un système, cette approche nous permet aussi de mieux le comprendre.

Pour être également précis et non exhaustif, l’analyse de notre travail scientifique doit adopter l’approche systémique. L’analyse systémique ou le système peut être entendu comme « toute recherche, théorique ou empirique, qui part du postulat que la réalité sociale présente les caractères d’un système pour interpréter et expliquer les phénomènes sociaux par les liens d’inter-dépendance qui les relient et qui les constituent en une totalité » (Schwartzenberg, 1998 in Pinghané, 2005). Hamza, (2014) définit unsystème-déchet comme étant « l’ensemble de tous les éléments ou facteurs

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socioéconomique et le sous-système moyens matériels et organisationnels qui déterminent la nature et la composition des déchets, les modes de leur production, les moyens de leur collecte, de leur évacuation, leur élimination ou valorisation ».

Dans ce sens, un système peut se définir comme un ensemble d’éléments structurés et organisés de manière à maintenir un certain équilibre interne et où les différents éléments sont interdépendants et interagissent dans la poursuite des objectifs communs. C’est une théorie qui embrasse presque tous les domaines scientifiques. La société en tant que système est donc régie par un ensemble de normes déterminant les fonctions de chaque élément socioculturel. Ces normes ne sont pas des données naturelles.

2.3. La théorie des économistes sur les déchets

Cette théorie des économistes nous permet de voir quelles stratégies financières, les institutionnels ainsi que la population locale usent pour résorber le problème de déchets dans la ville de Bangangté. Elle nous montre également les bénéfices que peuvent apporter les déchets solides ménagers en termes d’argent à ceux qui œuvrent dans la récupération et la vente.

C’est dans les pays du Nord que nait la pensée économiste sur les déchets. Les nations se sont investies dans les règlementations, la mise en place des services publics des déchets et la valorisation. Cette prise de conscience a émergé suite à l’accumulation des déchets produits et la nécessité d’en tirer profit ou tout simplement l’intérêt de les traiter pour le bien-être des personnes et la protection de l’environnement. Afin de mieux comprendre les potentialités économiques des déchets, certains chercheurs à l’exemple de Bertolini ont pensé qu’il faut réaliser la caractérisation pour connaitre les gisements. Ils font aussi allusion aux coûts de dépense pour la gestion des déchets solides ménagers (collecte, transport, décharge, traitement). Cette politique innovatrice ne va pas sans contraintes.

2.4. Théorie sociologique sur les déchets

Elle nous permet d’analyser les perceptions des populations sur l’objet déchet dans la ville de Bangangté. Vu la diversité ethnique sur le terrain et le nombre d’habitant par ménage, les déchets solides ménagers ne sont pas gérés de la même manière.

La littérature sur les déchets en sociologie est plus orientée sur la relation Homme-Déchet. Les recherches sont menées sur les comportements, l’analyse des interactions entre différents acteurs et les représentations des déchets en fonction des types de sociétés. Les auteurs s’attèlent d’abord à décrire les relations sociales liées aux déchets entre les membres d’une même famille, entre les habitants d’un même immeuble, entre les ménages et les autorités publiques. Les déchets ménagers, quel que soit l’aspect pris (juridique, interaction sociale), permettent de distinguer l’entité

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domestique de l’espace public. Les déchets comme source d’informations contribuent à la définition de l’identité collective ou individuelle. L’auteur béninois Eyebiyi dans « Gérer les déchets

ménagers en Afrique. Le Benin entre local et global », va enrichir cette prise de position en

décrivant les relations sociales autour des déchets ménagers. Ces relations sont même l’essence d’un développement allant du global au local. Les jeux d’acteurs se conjuguent entre négociations et conflits, les savoir-faire et les rôles basés sur les dynamiques locales, endogènes et exogènes pour impulser le développement et le changement social. On note aussi que la gestion moderne des déchets a beaucoup influencé les comportements des citadins à travers la mise en place de la collecte sélective. Celle-ci a connu du succès grâce à plusieurs règlementations qui ont facilité son application. Le tri sélectif a été une grande avancée dans la gestion des déchets. Mais son expansion n’a pas été facile dans plusieurs localités à cause des attitudes réfractaires de certains habitants et des moyens logistiques mis à la disposition des collectivitéslocales parfois insuffisants.

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Conclusion au chapitre 1

Au terme de ce chapitre, il était question de bien éclairer les lecteurs sur les concepts et les théories par rapport à la gestion et à la valorisation des déchets. Il ressort de ce travail scientifique que plusieurs concepts à l’exemple du déchet, déchet solide ménager, gestion des déchets solides, économie circulaire, valorisation, proximité, etc. ont été mis en exergue afin de mieux appréhender la problématique de notre thèse qui est « Quelle économie circulaire spontanée pour une ville moyenne camerounaise ? Le cas des déchets solides ménagers de Bangangté (Cameroun). Cette problématique peut être mieux comprise grâce à ces théories par rapport au mode de fonctionnement des acteurs qui interagissent dans la gestion et la valorisation des déchets, les perceptions de chaque personne et les gains économiques que produisent les déchets. Toutefois, ces concepts sont variables en fonction des territoires où l’on se trouve et dépendent aussi des différentes politiques mises en jeu par les États. Mieux, la complexité des approches autour des concepts réside dans l’absence d’un vocabulaire et d’un cadre conceptuel unanime et clairement défini. Ainsi, il y’a une pertinence à lier « le déchet », « l’économie circulaire » à ce territoire semi- urbain. La mobilisation de différentes théories (innovation, systémique, économiste et sociologiste) a permis une liaison avec la gestion de déchets ménagers à Bangangté dans le sens de comprendre l’interconnexion entre les acteurs. Les données qu’on a exploitées dans cette analyse sont issues de l’espace susmentionné. Ces théories sont utilisées pour comprendre le processus de la gestion des déchets afin d’implémenter une gestion durable et rentable des déchets. Elle est basée sur l’observation participante des faits suivie de leur interprétation. Au regard de tout ce qui précède, il ressort que les différentes théories suscitées ont permis de comprendre certaines situations en rapport à la gestion des déchets et l’économie circulaire.

Une présentation de la ville de Bangangté est pertinente pour que les lecteurs puissent bien comprendre cet environnement.

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