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6.1 Devenir des plaques lithosphériques dans le manteau profond

6.1.1 Les contraintes géophysiques, géochimiques et géodynamiques

6.1.3 Pétrologie et densité des MORB dans le manteau inférieur

6.2 Phase transformations of subducted basaltic crust in the uproots lower mantle 6.2.1 Introduction

6.2.2 Experimental details 6.2.3 Results and discussion 6.3 Conclusion

6.1 Devenir des plaques lithosphériques dans le manteau profond

Le devenir des plaques en subduction est une question centrale qui conditionne la nature de la convection mantellique, et par là l'évolution chimique, dynamique et thermique de la planète. De nombreuses études géophysiques, géochimiques et géodynamiques se sont attachées à déterminer jusqu'où descendent les plaques. Traversent-elles la discontinuité des 670 km, pénétrant ainsi dans le manteau inférieur? Et dans ce cas de figure, poursuivent-elles leur plongement jusqu'à l'interface noyau-manteau, constituant ainsi un réservoir profond?

6.1.1 Les contraintes géophysiques, géochimiques et géodynamiques

L'interruption de la séismicité profonde à ~700 km de profondeur a longtemps été un argument contre la pénétration des plaques dans le manteau profond. Depuis les années 80, cependant, l'imagerie sismique a révélé des échanges de matière massifs entre le manteau supérieur et le manteau inférieur. Dès 1984, Creager & Jordan expliquent les anomalies de temps de trajet et de formes d'ondes sismiques sous les marges convergentes d'Amérique et de l'ouest Pacifique, par la présence de plaques subductées dans le manteau inférieur. Ces premières preuves de la pénétration des plaques au travers de la discontinuité des 670 km ont depuis été confirmées par la tomographie sismique. Wen & Anderson (1995) ont montré l'existence d'une bonne corrélation à l'échelle globale entre les zones de subduction actuelles et fossiles et les anomalies tomographiques rapides (localisation, amplitude) situées entre 800 et 1100 km de profondeur. Cette signature sismique rapide des plaques s'explique par le fait qu'elles sont plus froides et/ou plus denses que le manteau environnant. A l'échelle régionale, la tomographie haute résolution a permis de cartographier les plaques dans le manteau profond de la majorité des zones de subduction péri-Pacifique (Figure 6.1) et de la suture Thétysienne (e.g. van der Hilst et al., 1997; Grand et al., 1997). Toutefois, cela ne signifie pas que l'ensemble des plaques pénètre dans le manteau inférieur sans difficultés, ni qu'elles atteignent toutes la frontière noyau-manteau. Au niveau des Philippines ou des Tonga par

exemple, la plaque semble se plisser et s'aplatir au niveau de la zone de transition (Figure 6.1). Alors que la plaque Farallon a été repérée de façon très claire jusqu'à la couche D" (van der Hilst, 1997); dans de nombreux cas la signature sismique de la plaque disparaît au delà de 1700 ± 200 km. Seules quelques structures rapides isolées semblent atteindre la zone D" (Grand et al., 1997; van der Hilst & Karason, 1999). Par ailleurs, les sismologues ont identifié à la base du manteau inférieur une zone sismique très hétérogène, caractérisée par de nombreuses diffractions (Weber, 1994), une anisotropie (Vinnik et al., 1998), et des contrastes de vitesses d'ondes sismiques (Garnero & Helmberger, 1995). Ces observations ne sont pas explicables par des effets uniquement thermiques et impliquent des hétérogénéités compositionnelles. Cette zone pourrait correspondre à un "cimetière" de plaques (e.g. Christensen & Hofmann, 1994). Les études gravimétriques sont elles aussi en faveur d'une pénétration des plaques dans le manteau inférieur. Les anomalies du géoïde sont en effet en bon accord avec les hétérogénéités de masses liées à la subduction actuelle et passée de plaques dans le manteau profond (e.g. Ricard et al., 1993). Ainsi, l'ensemble des données géophysiques favorise très nettement un manteau convectant à l'échelle globale.

Figure 6.1 - Images tomographiques (ondes P) de divers zones de subduction péri-Pacifique (d'après Albarède & van der Hilst, 2002 et Karason & van der Hilst, 2000).

Le devenir des plaques océaniques en subduction apparaît plus complexe que celui prédit par les modèles de convection globale ou à deux couches.

Un modèle de convection à une seule couche au sein d'un manteau homogène ne permet cependant pas de satisfaire les contraintes géochimiques. Celles-ci requièrent la présence de réservoirs profonds de composition chimique et isotopique distinctes du reste du manteau (pour une revue, voir Hofmann, 1997). Plusieurs arguments suggèrent cette zonation chimique du manteau:

- A partir des différences de composition isotopiques et en éléments traces entre les basaltes des rides médio-océaniques (MORB) et les basaltes des points chauds (OIB), la source des MORBs a été reliée au manteau superficiel appauvri en éléments incompatibles, et celle des OIBs au manteau profond moins appauvri, voir enrichi (e.g. Hart & Zindler, 1986). Alors que les MORBs sont très homogènes, la grande variabilité des OIBs refléterait l'hétérogénéité du manteau profond.

- La valeur élevée du rapport 3He/4He de certains OIBs (Hawaï, Islande) serait la manifestation d'un réservoir primitif non dégazé (e.g. Allègre et al., 1996). D'une manière plus générale, la systématique des gaz rares indique la coexistence de réservoirs avec des degrés de dégazage variés.

- Le déficit en éléments réfractaires lithophiles de la croûte et du manteau superficiel par rapport à une composition chondritique implique la présence d'un réservoir enrichi, non échantillonné par les basaltes océaniques (e.g. McDonough & Sun, 1995).

- L'existence d'un réservoir de "chaleur", enrichi en éléments radioactifs par rapport au manteau superficiel, permet de réconcilier le flux de chaleur en surface et la production de chaleur du manteau par désintégration du Th, K, U (e.g. Kellogg et al., 1999)

D'autre part, les techniques géochimiques récentes ont permis de distinguer dans la source des basaltes hawaiiens la contribution des différents niveaux d'une lithosphère océanique subductée. La mesure des rapports isotopiques de l'osmium 187Os/188Os (Lassiter & Hauri, 1998) et du δ18O (Eiler et al., 1996) des basaltes a permis d'isoler une participation de basaltes océaniques altérés par hydrothermalisme; les anomalies en éléments majeurs (Hauri, 1996) ainsi que les isotopes de Hf (Blichert-Toft et al., 1999) ont révélé une contribution des sédiments pélagiques; enfin la composition en éléments majeurs et traces d'inclusions vitreuses dans les olivines de Mauna Loa signe la présence de gabbros (Sobolev et al., 2000) dans la source des OIBs hawaiiens. Des traces de ce recyclage de matériel lithosphérique ont aussi été repérées dans la source des basaltes islandais (Chauvel & Hemond, 2000).

Ainsi, la géochimie nous décrit un manteau composé de plusieurs réservoirs: (i) la région source des MORBs, appauvrie; (ii) une région qui par rapport à la précédente est

enrichie en éléments incompatibles; enfin (iii) des volumes plus réduits contenant des fragments de lithosphères subductées.

Les géodynamiciens s'attachent à trouver des scénarios conciliant une convection à l'échelle globale et la persistance de réservoirs profonds. Comment une convection globale peut elles préserver des zones primitives aux côtés de zones bien mélangées et recyclées? Des études de convection numérique (Kellogg et al., 1999) ont montré qu'une couche dense (+4%) et d'épaisseur 0-1000 km à la base du manteau serait dynamiquement stable (Figure 6.2). Si cette couche est constituée de manteau primitif, elle expliquerait les signatures géochimiques différentes des MORBs et des OIBs. Les travaux analogiques de Davaille (1999) conduisent à des résultats voisins, indiquant qu'un contraste de densité de 1 % permet de créer un régime convectif transitoire dit de dômes, au cours duquel la topographie d'un réservoir profond forme des dômes qui oscillent verticalement dans le manteau, et à la surface desquels naissent de fins panaches ascendants.

Figure 6.2 - Modèle géodynamique du manteau terrestre (Kellogg et al., 1999) illustrant la présence d'une couche dense dans le manteau inférieur.

La limite supérieure de cette couche s'étend de ~ 1600 km à la limite noyau-manteau lorsqu'elle est défléchie par une plaque océanique plongeante. La circulation au sein de cette couche est contrôlée par le chauffage interne et le flux de chaleur au travers de la limite noyau-manteau. Une couche limite thermique se développe dans la partie supérieure, donnant naissance localement à des plumes. Ces plumes entraînent du matériel primordial et des matériaux lithosphériques recyclés.

Ce réservoir profond pourrait aussi dériver de la tectonique des plaques et ainsi être compatible avec une convection globale. Christensen & Hofmann (1994) et Coltice & Ricard (1999) proposent un modèle de ségrégation des lithosphères océaniques à la base du manteau inférieur. La partie crustale des plaques subductées se détacherait de la partie harzburgitique pour alimenter la zone D", tandis que la fraction harzburgitique resterait au dessus (Figure 6.3). Ce type de modèle permet de rendre compte des rapports 3He/4He élevés de certains OIBs sans faire intervenir un manteau inférieur primitif. Les points chauds, s'ils prennent leur source à l'interface noyau-manteau, échantillonnent en proportions variables des contributions de la zone D" et du manteau résiduel sus-jascent, et présentent un rapport 3He/4He d'autant plus élevé que la fraction crustale (enrichie en U et Th et pères de 4He) échantillonnée est faible. Ainsi les sources HIMU contiendraient une grande fraction de croûte océanique, tandis que les basaltes hawaiiens proviendraient majoritairement du résidu harzburgitique. Ces modèles de ségrégation reposent cependant sur l'hypothèse forte que les plaques lithosphériques subductées sont constamment plus denses que le manteau environnant, qu'elles peuvent descendre jusqu'à la base du manteau inférieur, et pénétrer dans la zone D" où elles stagnent.

Figure 6.3 - Modèle géochimique du manteau terrestre d'après Coltice & Ricard (1999). Les plaques lithosphériques subductées descendent jusqu'à la base du manteau inférieur. La partie crustale des plaques se détache de la partie harzburgitique pour alimenter la zone D", tandis que la fraction harzburgitique reste au dessus (RDM). Les plumes prennent leur source à l'interface noyau-manteau, et échantillonnent en proportions variables la zone D" et le manteau sus-jacent.