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Les comportements opportunistes en matière d’informations prévisionnelles

En matière budgétaire, le cumul des quatre rôles tels que présentés en section 1 peuvent être contradictoires : en effet, le conflit coordination – planification – motivation – évaluation est bien connu, les responsables ont tendance à sous-évaluer leurs capacités d’action réelles pour être sûrs de tenir leurs engagements, les dirigeants auront tendance à répliquer par une demande à la hausse des prévisions des responsables, rendant les prévisions budgétaires peu réalistes. (Bouquin, 1998, Göx et Wagenhofer, 2006).

Les problèmes de ce type ont été largement adressés dans la littérature : on peut citer à cet égard l’étude complète de Antle et Fellingham (1997). Ces analyses démontrent généralement qu’en utilisant leur pouvoir coercitif, les sièges peuvent efficacement réduire la consommation par la division de la marge de manœuvre budgétaire. Cependant, ainsi que le font remarquer Rankin, Schwartz et Young (2003) suite à une expérience menée en laboratoire sur ce thème, ces analyses supposent toutes que ce pouvoir du siège est total et non coûteux, ce qui est rarement le cas dans la pratique. D’autre part, en étant trop dirigiste, le siège risque de se priver d’une information de qualité supérieure détenue par la division (Antle et Eppen, 1985 ; Göx et Wagenhofer, 2006). D’un autre côté, un résultat détenu par la division et non divulgué sera consommé par le manager de la division, ce qui n’est pas optimal pour l’entreprise. Demski et Frimor (1999) montrent que, de fait, siège et division arrivent souvent à une situation où les deux parties auraient intérêt à renégocier.

Il est en tout cas démontré par ces recherches successives que la sincérité et la neutralité ne sont pas de mises en matière prévisionnelle et que les prévisions existant au niveau du siège présentent le risque d’être peu réalistes.

Faces à ces risques, quels sont les moyens de mieux garantir la sincérité et la neutralité de l’information de gestion ?

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2..22..22.. ULLeess nonorrmmeess iinntteerrnnaattiioonnaalleess cocommmmee lliimmiitteess dedess ccoommppoorrtteemmeennttss opopppoorrttuunniisstteess etet cocommmmee lalannggaaggee cocommmmuunn :: unun apapppoorrtt enen mmaattiièèrree ddee sisinnccéérriittéé eett ddee nneeuuttrraalliittéé ddeess ccoommpptteess

Hope (2003) a récemment montré que l’obligation pour les dirigeants d’utiliser les normes prescrites les encourage à les suivre, ce qui tendrait à diminuer les comportements opportunistes de gestion de la comptabilité évoquée précédemment.

Les normes IAS prônent explicitement la neutralité : l’information comptable n’est pas conçue pour aboutir à un résultat ou à un comportement déterminés. La définition des contenus tels qu’énoncés précédemment empêche les dirigeants d’avoir des comportements opportunistes et limite singulièrement la possibilité pour le dirigeant de

« gérer » son résultat, ce qui améliore la neutralité et la sincérité de l’information. Comme pour la qualité de régularité, la sincérité de la comptabilité de gestion est garantie par son intégration ou sa réconciliation avec la comptabilité générale. Nous pouvons donc énoncer les deux propositions suivantes :

L’information comptable présente les qualités de sincérité et de neutralité si elle est établie dans le respect des normes internationales.

L’information de la comptabilité de gestion présente les qualités de sincérité et de neutralité si elle est intégrée et réconciliée avec l’information de la comptabilité générale.

22..22..33.. ULLaa gagarraannttiiee dede llaa sisinnccéérriittéé eett dede lala nneeuuttrraalliittéé dede ll’’iinnffoorrmmaattiioonn cocommppttaabbllee gégénnéérraallee etet ddee ggeessttiioonn : : lele coconnttrrôôllee dedess cocommpptteess paparr lleess a

auuddiitteeuurrss eexxtteerrnneess

Si les informations sont fiables au sens de régulières, grâce à l’utilisation de normes, et si l’utilisation de normes garantit a priori la sincérité et la neutralité, encore faut-il qu’un organe externe à l’entreprise en contrôle à la fois la bonne utilisation, mais également les bonnes intentions du dirigeant. Ce sont ici les deux qualités de sincérité et neutralité qui sont vérifiées.

L’audit légal des comptes d’une entreprise peut se définir comme le contrôle indépendant de la représentation donnée par les dirigeants de la position financière à un moment donné,

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de manière à constituer une base objective et sûre pour la prise de décision des investisseurs » (Richard, 2003). Les auditeurs chargés de mener cette mission à bien sont donc des intervenants appartenant à des sociétés indépendantes externes à l’organisation. A ce titre, ils jouent « un rôle central dans la gouvernance des entreprises » (Prat dit Hauret, 2003) dans le sens où ils sont garants de la fiabilité de l’information diffusée. Leur travail de contrôle se place en aval des normes, mais il est évident que ce travail est complémentaire de celui des normes, et n’est pas sans leur faciliter la tâche.

Traditionnellement, la compétence et l’indépendance sont les deux conditions pour que l’opinion émise soit de qualité. La compétence est supposée acquise par l’appartenance à des sociétés dont le métier est l’audit comptable, associée à une formation rigoureuse, des études jusqu’à la formation sur le terrain, les jeunes assistants étant formés par des chefs de mission eux-mêmes ayant été formés par des managers, les aînés apportant leur propre expérience à la réalisation des tâches des cadets.

Le problème de l’indépendance est plus crucial, et cette préoccupation s’est renforcée ces derniers mois avec la disparition du cabinet d’audit Arthur Andersen, suite à des complicités avérées dans les fraudes d’Enron. L’indépendance de l’auditeur a été définie par De Angelo (1981) en 1981 comme « la probabilité conditionnelle selon laquelle, étant donné une infraction découverte, l’auditeur rendra compte de cette infraction ».

L’indépendance peut être étudiée sous l’angle de l’objectivité : elle est en effet définie légalement, et réglementairement. Ainsi la loi récente interdisant aux auditeurs de vendre

« tout conseil ou prestation de service n’entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes » va dans le sens d’un renforcement de la légalité.

Le code de déontologie de la profession d’auditeur, précise l’obligation d’indépendance.

Mais l’indépendance peut s’analyser de manière plus subjective : d’une part en étudiant la manière dont l’auditeur paraît indépendant selon la perception des parties prenantes de la gouvernance, d’autre part en étudiant la manière dont l’auditeur est réellement indépendant, et fait référence au processus mental de l’auditeur, tiraillé entre l’émission d’une opinion sincère et la poursuite de relation d’affaires (Prat dit Hauret, 2000). En effet, ainsi que l’indique Prat dit Hauret (2003), « dans quelle mesure, l’auditeur peut-il réellement exprimer son opinion de certification des comptes alors que sa nomination, décidée par l’Assemblée générale ordinaire des actionnaires, dépend le plus souvent des dirigeants qui l’ont sollicité ? ».

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Si nous restons dans le cadre théorique de la théorie de l’agence, l’audit permet de s’assurer que les intérêts dirigeants – actionnaires convergent. Il est alors essentiel de comprendre les mécanismes agissant autour de l’auditeur pouvant compromettre son indépendance, dans le but d’en tenir compte pour renforcer la légitimité de l’auditeur. Mais l’audit doit aussi permettre la réduction de l’asymétrie d’informations entre l’actionnaire et le dirigeant : il peut y avoir alors « production conjointe de connaissances » (Richard, 2003), mécanisme de coopération qui peut permettre une maîtrise comptable et financière de l’entreprise plus productive en matière de réelle transparence de la relation transitive dirigeant – auditeur - actionnaire.

Nous pouvons donc énoncer la proposition suivante :

L’information comptable présente les qualités de sincérité et de neutralité si elle est contrôlée par des auditeurs externes indépendants.

L’auditeur doit en principe lors de sa mission de certification auditer la comptabilité de gestion : en effet c’est par elle que l’auditeur sera à même de certifier de la sincérité du résultat. Cet audit n’étant pas obligatoire, nous devrons valider cette proposition par notre étude exploratoire. Nous pouvons donc énoncer la proposition suivante :

L’information de la comptabilité de gestion présente les qualités de sincérité et de neutralité si elle est contrôlée par des auditeurs externes indépendants (à valider par l’étude exploratoire).

22..22..44.. ULLaa ggaarraannttiiee dede lala ssiinnccéérriittéé eett dede lala nneeuuttrraalliittéé ddee l’l’iinnffoorrmmaattiioonn dede llaa cocommppttaabbiilliittéé ddee ggeessttiioonn :: lleess pprriixx ddee ttrraannssffeerrtt ccaallccuullééss àà ppaarrttiirr ddeess ccooûûttss Nous avons vu que selon la méthode utilisée pour le calcul des prix de transfert, le résultat calculé entre les secteurs peut varier assez fortement. Deux méthodes ont été présentées précédemment : fixation des prix de manière négociées entre divisions ou fixation du prix par le siège à partir d’une méthode basée sur les coûts, en particulier les coûts complets pour diminuer l’intensité concurrentielle inter firmes. Si aucune méthode ne paraît supérieure à l’autre en matière de maximisation de la performance pour l’entreprise, en matière de sincérité des comptes, et notamment lorsqu’il s’agit de publier ces informations à l’actionnaire, ce qui est notre but ultime, la méthode de fixation par les coûts nous paraît mieux éviter les comportements opportunistes : elle présente l’avantage de la régularité (la

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méthode ne change pas au gré des négociations et peut être clairement expliquée), elle est moins propice aux tentatives d’appropriation du résultat par une division au détriment d’une autre division et quelles que soient les conséquences pour l’entreprise, enfin elle permet une plus grande clarté vis-à-vis des partenaires extérieurs. (Göx et Wagenhofer, 2006). Nous pouvons donc énoncer la proposition suivante :

L’information de la comptabilité de gestion présente les qualités de sincérité et de neutralité si les prix de cession sont fixés par le siège à partir d’une méthode basée sur les coûts.

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2..22..55.. ULLaa gagarraannttiiee dede llaa ssiinnccéérriittéé eett ddee lala neneuuttrraalliittéé dedess iinnddiiccaatteeuurrss phphyyssiiqquueess etet ququaalliittaattiiffss :: lala ququaalliittéé dduu ccoonnttrrôôllee inintteerrnnee etet lele nnéécceessssaaiirree rereppoorrttiinngg ddee cceess iinnddiiccaatteeuurrss

La mesure des indicateurs physiques et qualitatifs s’effectue localement par les opérationnels. Si ces indicateurs ne remontent pas à la Direction Générale, ils ne présentent aucun intérêt pour notre propos : en effet, ces indicateurs peuvent exister localement, à l’initiative des opérationnels, mais ne pas être intégrés au reporting de la Direction Générale. Cette information sera donc perdue pour l’entreprise, et donc à terme pour l’actionnaire. La condition sine qua non pour que ces indicateurs augmentent la qualité du système de gestion dans la vision pour l’actionnaire, est que ces indicateurs soient intégrés au reporting central, cela d’autant plus si ce sont des indicateurs clés de suivi de la performance (cette question de la valeur ou de la pertinence sera étudiée ultérieurement dans la sous-section 4). Sous cette hypothèse, il faut s’assurer de la sincérité et de la neutralité de ces informations. Compte tenu des effets pervers envisagés précédemment, il n’existe à notre avis pas d’autres moyens pour s’assurer de la sincérité de ces indicateurs que de faire jouer le contrôle interne. Plus précisément, dans les entreprises décentralisées, des contrôleurs de gestion sont en général placés auprès de chaque niveau de la structure.

(Naulleau, 1997). Leur liaison fonctionnelle ou hiérarchique avec le contrôle de gestion central permet de garantir la sincérité et la neutralité des résultats fournis : ces contrôleurs, à la fois proches des opérationnels et déontologiquement tenus d’agir pour le bien-être de l’entreprise, maîtrisent parfaitement les évolutions et performances de tels ou tels indicateurs, tout en assurant la transparence vis-à-vis du siège. Par ailleurs, si ces indicateurs remontent au niveau de la direction générale, le contrôle de gestion peut également réaliser des contrôles par sondages ou contrôles de cohérence, et ainsi s’assurer

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de la fiabilité de ces informations non financières notamment au fil du temps. Cette organisation de la fonction permet de penser qu’il existe au sein de l’entreprise un contrôle interne de qualité. Nous pouvons ainsi énoncer la proposition suivante :

Les indicateurs physiques et qualitatifs présentent les qualités de sincérité et de neutralité si ces indicateurs sont suivis au niveau de la direction générale et font l’objet d’un contrôle interne de qualité.

22..22..66.. ULLaa gagarraannttiiee dede lala ssiinnccéérriittéé eett ddee lala neneuuttrraalliittéé dedess iinnffoorrmmaattiioonnss prpréévviissiioonnnneelllleess :: l’l’iimmppoorrttaannccee dede llaa prprooccéédduurree bubuddggééttaaiirree etet dede llaa ququaalliittéé dduu ccoonnttrrôôllee iinntteerrnnee

En matière d’informations prévisionnelles, nous avons vu que le problème majeur réside dans le manque de sincérité des prévisions des niveaux hiérarchiques inférieurs, qui veulent pouvoir conserver une marge de manœuvre en cas de difficultés, notamment lorsqu’ils sont jugés par rapport à leurs résultats versus leur budget. Deux solutions sont proposées par la littérature : le dirigisme budgétaire ou la capacité du siège à utiliser son pouvoir d’engagement (Antle et Fellingham, 1997, Göx et Wagenhofer, 2006) ou le budget participatif (Shields et Young, 1993, Demski et Frimor , 1999, Rankin, Schwartz et Young, 2003) dans lequel les prévisions sont issues des divisions, dans le but à la fois d’obtenir des prévisions plus réalistes mais surtout d’intégrer les personnes de l’entreprise dans un processus global de comportement positif et d’apprentissage organisationnel (Shields et Young, 1993). L’étude de Shields et Young (1993) n’a pas pu mettre en évidence que l’asymétrie d’informations était réduite grâce à la méthode participative. Si nos nous référons à l’étude terrain menée par Umapathy en 1987 auprès de 400 entreprises aux Etats-Unis, il ressort que les orientations les plus fréquentes étaient la fixation d’objectifs et l’approbation des budgets en concertation avec les niveaux concernés, l’utilisation de procédures budgétaires pour coordonner, prévoir, communiquer, motiver, valoriser, former. En France, une étude menée par Bescos en 1997 au sein du groupe Danone met en avant la décentralisation budgétaire, chaque niveau est impliqué, mais avec une intégration forte à chaque niveau entre opérationnels et contrôleurs de gestion chargés de la planification et des budgets.

Au vu de ces différents résultats, il nous semble que nous pouvons prendre position plutôt en faveur d’un processus budgétaire top-down, dans lequel des objectifs clairs sont fixés par le siège, ce qui n’empêche pas la participation des niveaux hiérarchiques à

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l’établissement des prévisions. Mais cette participation est plutôt là pour garantir aux prévisions un certain réalisme, donc participe à la pertinence des informations prévisionnelles (cf. section 4 de ce chapitre). C’est véritablement à notre avis le processus top-down qui garantit la sincérité des prévisions. Cette position devra cependant être validée par notre étude exploratoire, car il nous semble que les études récentes ne sont pas toutes en phase quant au choix de la méthode à privilégier afin d’éviter le « slack » budgétaire. Nous pouvons donc énoncer la proposition provisoire suivante :

Les informations prévisionnelles présentent les qualités de sincérité et de neutralité si elles sont établies selon un processus top-down. (À vérifier par l’étude exploratoire) Par ailleurs, nous retrouvons l’importance de la fonction contrôle de gestion, qui doit veiller par l’intermédiaire de son réseau, à la fois à obtenir des prévisions réalistes mais également en liaison avec les objectifs du siège (Naulleau, 1997). Le réseau des contrôleurs de gestion, par la mise en place d’un contrôle interne, est donc le garant d’une certaine sincérité des prévisions. Nous pouvons ainsi énoncer la proposition suivante : Les informations prévisionnelles présentent les qualités de sincérité et de neutralité si le contrôle interne est de qualité.

En résumé de cette 2PèmeP section, nous pouvons dire que la fiabilité est garantie par l’utilisation de normes et le contrôle par les auditeurs en ce qui concerne l’information comptable et financière. L’information de la comptabilité de gestion, à condition qu’elle soit identique ou tout au moins rapprochée de l’information comptable, sera également fiable. L’information non normée, c’est-à-dire l’information non financière, et l’information prévisionnelle devront faire l’objet de définitions claires et partagées de tous, d’un contrôle interne efficace pour limiter les comportements opportunistes et d’un reporting interne vers la direction générale dans un souci à la fois de définitions communes et de langage commun et de pilotage au plus haut niveau.

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Le concept de représentativité, énoncé au chapitre 1 sous-section 1.2, signifie que l’information est le reflet de la réalité économique. Pour que cette condition soit remplie, nous avons vu qu’il fallait de plus une juste combinaison d’exhaustivité et d’importance relative. Ce concept de représentativité est traduit dans le vocabulaire comptable par la notion d’image fidèle. Rappelons qu’il existe également une contrainte de coût et de temps, entre une information très représentative mais obtenue dans un délai long, et une information moins représentative obtenue rapidement. En fonction de la délimitation établie en sous-section 1.3 du chapitre 1 de la notion d’information de gestion, s’agissant de la représentation de la réalité économique, nous nous intéresserons en priorité aux informations réelles, c’est-à-dire la comptabilité de gestion, les informations sur la trésorerie, les indicateurs physiques et qualitatifs. Les informations prévisionnelles par essence ne peuvent pas être représentatives d’aucune réalité, puisque celles-ci n’existent pas encore.

Une information pertinente, concept développé au chapitre 1 sous-section 1.2, est une

Une information pertinente, concept développé au chapitre 1 sous-section 1.2, est une