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Chapitre I Génétique & Epigénétique

I.2. B Le nucléosome

3. Les complexes de remodelage

Les modifications d’histones et l’incorporation de variants d’histones ne sont pas les seuls mécanismes capables d’agir sur la structure de la chromatine. Les complexes de remodelage, comme leur nom l’indique, assurent également un remodelage de la chromatine. Les complexes de remodelage, constitués de plusieurs protéines, permettent le mouvement des nucléosomes le long de l’ADN. Ils peuvent déplacer un nucléosome en cis par glissement (Figure 14), en trans par transfert ou même réaliser l’éviction complète du nucléosome. Ces complexes multiprotéiques comportent tous une sous-unité ATPase. C’est en effet en utilisant l’énergie fournie par l’hydrolyse de l’ATP, que les complexes de remodelage altèrent les liaisons entre les histones et l’ADN, permettant le mouvement des nucléosomes (Becker and Horz 2002). Ainsi, les complexes de remodelage sont capables de faciliter ou de restreindre l’accès de l’ADN à des facteurs de transcription et constituent le dernier mécanisme épigénétique agissant sur le nucléosome (Hogan and Varga-Weisz 2007).

Complexes de remodelage

ATP

Figure 14 : Déplacement des nucléosomes par les complexes de remodelage ( d’après

(Boyer, Latek et al. 2004)). En présence d’ATP, les complexes de remodelage déplacent les nucléosomes

le long de l’ADN. Ainsi, le site de fixation (ADN rouge) du facteur de transcription (jaune) devient accessible.

a) Les différentes familles

Les facteurs de remodelage sont classés en quatre principales familles en fonction de certains domaines additionnels présents au sein de l’unité contenant l’activité catalytique ATPase (Figure 15).

• La famille SWI/SNF :

Le domaine fonctionnel additionnel caractéristique de la famille SWI/SNF est un bromodomaine, capable de se lier aux histones acétylées. Les complexes SWI/SNF, à travers la lecture de ces marques épigénétiques, participent ainsi à l’activation de la transcription (Kasten, Szerlong et al. 2004).

• La famille ISWI

La famille ISWI présente de nombreuses similarités avec la famille SWI/SNF. Cependant, la présence d’un domaine SANT (Swi3, Ada2, N-Cor, TFIIB) dans la sous unité ATPase et l’absence d’un bromodomaine permettent de distinguer cette deuxième famille. Le domaine SANT serait un domaine de liaison aux histones non modifiées (Boyer, Latek et al. 2004). Le complexe ISWI est impliqué dans la réplication de l’ADN. Ce complexe de remodelage se lie en effet aux sites de réplication, grâce à son interaction avec la protéine de réplication PCNA, et participe à l’assemblage de la chromatine (Poot, Bozhenok et al. 2005).

• La famille INO80-SWR1:

La famille INO80-SWR1 ne possède pas de domaine particulier dans la sous unité ATPase mais une séquence espaceur au sein même de celle-ci. Le complexe INO80 est capable de se lier au variant d’histone gamma H2AX enrichi au niveau des cassures double brins de l’ADN. Ainsi, ce complexe de remodelage participerait à la réparation de l’ADN en favorisant le déplacement des nucléosomes (Cairns 2004; van Attikum, Fritsch et al. 2004). Le complexe SWR1 quant à lui facilite l’échange de l’histone H2A contre son variant H2AZ (Korber and Horz 2004).

• La famille CHD :

La famille CHD se différencie des autres par la présence d’un chromodomaine au sein de la sous unité ATPase. Ce chromodomaine permet notamment l’interaction de CHD1 avec l’histone H3 méthylée sur la lysine 4, facilitant ainsi l’ouverture de la chromatine (Sims, Chen et al. 2005). Cependant, un autre complexe appartenant à la famille CHD, le complexe NurD possède deux sous unités bien connues que sont HDAC1 et HDAC2. Le recrutement de ce complexe contribuerait donc à la répression de la transcription des gènes (Kantor, Makedonski et al. 2003).

ISWI SANT ATPase SWI/SNF ATPase Bromo CHD ATPase Chromo INO8O-SWR1 ATPase Variant d’histone

Figure 15 : Les différentes familles de complexes de remodelage (d’après (de la Serna,

Ohkawa et al. 2006)). Tous les facteurs de remodelage contiennent un domaine ATPase. Les membres de

la famille SWI/SNF possèdent un bromodomaine capable de se lier aux histones acétylées. Les membres de la famille ISWI contiennent un domaine SANT supposé se lier aux histones non modifiées. Les membres de la famille INO80-SWR1 facilitent les échanges entre certains variants d’histones et les histones classiques. Enfin, les membres de la famille CHD possèdent un chromodomaine capable de se lier aux histones méthylées.

b) Régulation des complexes de remodelage

Les facteurs de remodelage permettent de réguler l’accès à l’ADN à la machinerie de transcription. Mais ils peuvent aussi faciliter la réplication de l’ADN et sa réparation. Leur régulation est donc essentielle pour assurer une activité

spatio-temporelle correcte. Ainsi, au cours de la mitose, des complexes de remodelage sont inactivés et exclus de la chromatine facilitant ainsi sa compaction et inhibant par la même occasion la transcription. L’éviction du facteur de remodelage SWI/SNF est corrélée à la phosphorylation de deux de ses ATPases. Ce processus est parfaitement réversible, une fois la mitose terminée, par une simple déphosphorylation (Muchardt, Reyes et al. 1996; Sif, Stukenberg et al. 1998). Un mauvais contrôle de l’activité de ces complexes de remodelage peut se révéler désastreux. En effet, de nombreuses pathologies, telles que les cancers, sont associées à une dérégulation de l’expression des complexes de remodelage (Cho, Elizondo et al. 2004).

En conclusion, l’unité de base de la chromatine, le nucléosome, est le siège de processus hautement dynamiques permettant notamment la régulation de l’expression génique. Il existe trois voies de modification des nucléosomes : les modifications post-traductionnelles des histones, l’incorporation de variants d’histones et enfin l’intervention de complexes de remodelage. Ces trois voies sont inter-dépendantes. Ainsi, les modifications post-traductionnelles des histones peuvent servir de cibles pour la fixation des complexes de remodelage. Les variants d’histones sont capables de réguler la fixation de ces mêmes complexes. Le variant d’histone MacroH2A, par exemple, empêche le complexe de remodelage SWI/SNF de déplacer les nucléosomes (Agelopoulos and Thanos 2006; Doyen, An et al. 2006).