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Les  collaborations  scientifiques  et  techniques

Chapitre  3   -­‐  La  bioluminescence

3.4   Vers  un  véritable  observatoire  sous-­‐marin

3.4.1   Les  collaborations  scientifiques  et  techniques

De nombreux instruments ont été développés spécifiquement pour ANTARES, comme les hydrophones acoustiques d’Erlangen ou encore le sismomètre du laboratoire Géosciences Azur. De même, le site ANTARES est aujourd’hui identifié comme site d’observation par un certain nombre de réseaux nationaux ou européens, tels que MOOSE (INSU), EuroSITES [246] (projet FP7) ou encore le réseau européen ESONET [247]. Le but ici n’est pas d’être exhaustif, mais plutôt de décrire les collaborations techniques et/ou scientifiques impliquant plus particulièrement le CPPM, souvent en coopération avec le Centre d’Océanologie de Marseille (COM), et pour lesquels je me suis impliquée, de près ou de loin. Les exemples concernent le développement du nouvel instrument IODA6000, la collaboration scientifique pour la compréhension de la bioluminescence provenant des macro-organismes, et enfin un aperçu de la valorisation des données ANTARES dans un contexte international, le réseau d’observation HydroChanges.

Auparavant nous décrivons la ligne instrumentale IL07 (Instrumented Line 2007), qui est la nouvelle version de la ligne MILOM. Redéployée en juillet 2007, la ligne IL07 a été connectée en décembre 2007 et récupérée en avril 2010.

3.4.1.1 La ligne instrumentée IL07

La ligne instrumentée IL07 [248] est la descendante de la ligne MILOM, récupérée au printemps 2007 après deux années de prise de données. Trois étages ont été ajoutés sur la ligne, principalement dédiés à la détection acoustique de neutrinos d’ultra haute énergie avec des hydrophones AMADEUS [249]. Cette ligne inclut aussi de nombreuses sondes à buts océanographiques, biologiques ou géophysiques, comme illustré sur la Figure 3.20. Les composantes océanographiques se composent d’une sonde CTD15, d’une sonde CT16, de deux courantomètres (ADCP), d’une sonde à oxygène (O2)17, d’un transmissiomètre (C-Star) et d’une sonde de vitesse du son (SV). L’aspect biologique est étudié grâce à deux modules optiques (OM) et deux caméras Biocam, et enfin la contribution géophysique est symbolisée par la présence d’un sismomètre, qui est représenté sur la ligne IL07 par simplicité, mais qui en pratique est connecté à la ligne 12 d’ANTARES. La ligne 12 a en effet la particularité d’avoir son dernier secteur dédié à l’instrumentation, incluant trois étages de détection

15 Sonde SBE 37-SMP MicroCAT de Seabird

16 Sonde SBE-Si MicroCAT de Seabird

3.4 Vers un véritable observatoire sous-marin 69 acoustique du même type que ceux de l’IL07, et un étage comportant un nouvel instrument appelé IODA6000.

Figure 3.20

Schéma de la ligne instrumentée IL07.

3.4.1.1 Le In situ Oxygen Dynamics Auto-sampler (IODA6000)

En océanographie, l’oxygène dissous représente, après la température (T) et la salinité (S), une des grandeurs physiques fondamentales pour caractériser une masse d’eau. Les variations de la teneur d’oxygène sont riches d’informations car elles sont influencées par l’activité biologique : l’activité photosynthétique en surface augmente voir sature la concentration d’oxygène, tandis que la dégradation des matières organiques en profondeur, qui nécessite une consommation d’oxygène, en diminue la concentration.

Pour l’étude des milieux profonds, le déficit d’oxygène est déterminé par le paramètre U.A.O. (Utilisation Apparente de l’Oxygène), défini comme la différence entre la solubilité de l’oxygène, calculée à partir de T et S [250], et la concentration in situ, mesurée par une optode O2. Cette quantité fournit une estimation de la consommation biologique d’oxygène depuis le moment où les eaux ont quitté la surface, mais est donc moyennée sur plusieurs mois, voire plusieurs années. C’est dans ce contexte qu’a été développé un nouvel instrument baptisé IODA6000 pour In situ Oxygen Dynamics Auto-sampler, et dont un schéma est donné sur la Figure 3.21.

Figure 3.21

Le IODA6000 a pour but d’effectuer une mesure de la consommation d’oxygène, et donc de l’activité biologique, à l’échelle de quelques jours. Son principe repose sur une chambre d’incubation emprisonnant un volume d’eau, typiquement pendant quelques jours, et effectuant une mesure de la teneur d’oxygène toutes les trois minutes. Initié en 2006 et développé en étroite collaboration entre le CPPM (maître d’œuvre) et le COM (maître d’ouvrage, financement ANR POTES18), ce projet a donné lieu à la réalisation de plusieurs prototypes [251][252], dont un est connecté actuellement sur la ligne 12 d’ANTARES. Cet instrument présente d’autre part l’avantage que les moteurs assurant le mouvement de la chambre d’incubation, ainsi que l’électronique de l’instrument, fonctionnent en équipression, dans un bain d’huile. Le IODA6000 est finalement un bel exemple de la synergie entre laboratoires issue de la multidisciplinarité.

3.4.1.2 L’étude de la bioluminescence des macro-organismes

Une autre facette des collaborations pour lesquelles le CPPM est impliqué concerne l’étude des organismes bioluminescents. En effet, certains macro-organismes bioluminescents sont indéniablement présents sur le site ANTARES, responsables des pics de lumière observés par les photomultiplicateurs. Dans quelques cas, les émissions lumineuses affichent une véritable structure temporelle, comme le témoigne la Figure 3.22a, et il serait même envisageable d’identifier les animaux marins en fonction de leur courbe de lumière, en fonction d’une classification des formes disponibles dans la littérature, comme par exemple celles répertoriées dans [253] et illustrées sur la Figure 3.22b.

Figure 3.22

Intensités lumineuses en fonction du temps, (a) observée par un photomultiplicateur d’ANTARES et (b) issues de la littérature (répertoriées par [253]) pour différentes catégories d’organismes marins.

Une voie d’étude complémentaire consiste à observer ces macro-organismes directement avec une caméra de haute sensibilité, qui serait immergée aux profondeurs d’ANTARES. Ce projet a donné lieu à la réalisation de la caméra Biocam dès 2005, qui utilise une caméra du commerce AXIS 221. Financée et implémentée grâce à une étroite collaboration CPPM-COM, la Biocam a été intégrée en deux exemplaires sur la ligne IL07. Elle est accompagnée d’un flash infrarouge afin de ne pas perturber les photomultiplicateurs d’ANTARES (longueurs d’onde de 850 nm sur l’étage 1 et de 940 nm sur l’étage 5), qui peut s’allumer sur commande ou automatiquement afin de filmer les organismes entiers, et pas simplement leurs organes lumineux. De belles images d’animaux marins des grandes profondeurs représenteraient en outre une vitrine fabuleuse pour ANTARES en tant que plate-forme multidisciplinaire.

18 Le projet POTES est un programme ANR porté par C. Tamburini du COM.

3.4 Vers un véritable observatoire sous-marin 71

3.4.1.3 Le réseau HydroChanges

ANTARES est donc reconnu comme observatoire sous-marin par de nombreux réseaux, dont le programme HydroChanges [254] soutenu par la Commission Internationale pour l’Exploration Scientifique de la mer Méditerranée (CIESM). Le but est d’assurer le suivi des caractéristiques hydrologiques de la Méditerranée dans le contexte du réchauffement climatique, bien qu’aujourd’hui on parlerait plus facilement de changements climatiques globaux. La stratégie d’observation repose sur un réseau de sondes CTD déployées sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, comme illustré sur la Figure 3.23, permettant de suivre temporellement et spatialement l’évolution des masses d’eau caractérisées par leur température et leur salinité. Initié en 2002, ce réseau a intégré le site ANTARES en mars 2006, lui conférant les moyens de valoriser ses données hydrologiques avec un rayonnement international.

Figure 3.23

Illustration représentant le réseau des stations CTD du programme HydroChanges.

Ces collaborations, qu’elles soient locales, nationales ou européennes, ont permis de consolider les partenariats afin d’anticiper l’avenir des grands observatoires sous-marins. Par exemple, le réseau d’excellence ESONET a pour but de promouvoir l’implémentation d’un réseau d’observatoires sous-marins multidisciplinaires autour de l’Europe, regroupant aussi bien les infrastructures câblées qu’autonomes, celles étudiant le fond marin que celles sensibles à toute la colonne d’eau.