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II. Tumeur et immunité

1. Etablissement de la tumeur

1.3. Le microenvironnement tumoral

1.3.1. Les cellules myéloïdes

Parmi les cellules immunes infiltrantes, les macrophages et les MDSC sont abondantes et participent fortement à l’élaboration du microenvironnement ainsi qu’à son influence pro- tumorale.

1.3.1.1.Les macrophages

Les macrophages sont une population de cellules remarquables impliquées dans des fonctions vitales, non immunes, comme le développement de l'organisme pour former les tissus, les vaisseaux mais également l’élimination des débris cellulaires au quotidien. Par ailleurs ils contribuent fortement aux réponses immunitaires. Les macrophages regroupent des populations très hétérogènes en fonction de leurs origines et de leurs localisations tissulaires (Encart n°1). Les TAM, pour tumor-associated macrophages, sont retrouvés en grande quantité dans les tumeurs murines et humaines, et leur densité dans des tumeurs en croissance est en général un facteur de mauvais pronostic (Lewis and Pollard 2006). Les études menées sur l’origine des TAM montrent qu’ils regroupent des macrophages résidents, mais aussi des macrophages dérivés de monocytes recrutés (Lahmar et al. 2016). Les macrophages sont des cellules qui s’adaptent à leur environnement (et qui influencent ce dernier). Deux phénotypes distincts ont été proposés: les macrophages de type M1 à activité inflammatoire et les macrophages de type M2, fréquemment retrouvés dans les tumeurs, à activité pro-tumorale (Mills et al. 2000). Cependant cette classification est considérée aujourd'hui comme trop simplificatrice en raison du continuum phénotypique de ces cellules, et plusieurs chercheurs proposent de nouvelles nomenclatures

(Martinez and Gordon 2014). C’est le cas du groupe d’Alberto Mantovani qui a complexifié sa nomenclature initiale en proposant de distinguer les M1 des M2a, des M2b et M2c en fonction des facteurs d’activation, comme illustré dans la figure 5.

Figure 5 : Alberto Mantovani propose une classification des macrophages dépendante de leur stimulation. Les macrophages sont polarisés vers un phénotype de type M1 suite à des stimulations IFN+LPS ou TNF. Les macrophages de type M2 sont eux divisés en différentes sous-populations, avec les M2a induits par l’IL-4 et l’IL-13, les M2b induits par les complexes immuns et les TLR, et enfin les M2c induits par l’IL-10 et les glucocorticoïdes. Ces distinctions ont été établies essentiellement à partir de données obtenues in vitro.

Dans les tumeurs en progression, l’environnement est propice à une différenciation des macrophages à activité pro-tumorale, marquée par exemple par la production d’EGF, ou de MMP 2 et 9, qui favorisent la néoangiogénèse et un remodelage de la matrice extracellulaire. Par

la production de telles molécules, les macrophages soutiennent le développement des tumeurs et participent à la formation d’un microenvironnement défavorable au rejet de la tumeur. En parallèle de cette activité pro-tumorale, ces macrophages ont aussi une forte activité

Encart n°1 : origine et hétérogénéité des macrophages

Les macrophages présentent une très grande hétérogénéité cellulaire, que ce soit dans l’activité ou dans le phénotype. Ces cellules ont pour origine la moelle osseuse et dérivent des monocytes, excepté certains macrophages, résidents des tissus, qui sont originaires de l’enveloppe vitelline ou du foie foetal, et qui ont la capacité à proliférer. Les macrophages forment des sous-groupes de cellules spécialisées en fonction de leur localisation tissulaire, et donc de leur « fonction », car ce sont les signaux environnementaux qui dictent à ces cellules leurs activités. Par exemple, nous pouvons distinguer les macrophages alvéolaires dans les poumons, les cellules de Kupffer dans le foie ou encore les cellules de Langerhans au niveau de l’épiderme, qui ont tous des rôles importants dans le maintien de l’homéostasie, alors que d’autres macrophages présents au niveau des organes lymphoïdes, eux, interviennent lors de la réponse immune, comme les macrophages sous-scapulaires des ganglions lymphatiques, qui vont repérer les pathogènes présents dans la lymphe et initier une réponse antivirale.

Les macrophages résidents des tissus ont initialement une activité anti-inflammatoire, mais peuvent provoquer le recrutement de monocytes inflammatoires et proliférer, suite à la rencontre d’un pathogène. Les monocytes fraichement recrutés peuvent se différencier en macrophages au sein des tissus, mais restent distincts des macrophages résidents.

Figure 6 : Adapté de (Ginhoux et al. 2016). Schéma récapitulatif de l’ontogénie des macrophages Cette figure montre bien que : 1) en fonction de leurs origines, les macrophages n’ont pas les mêmes tissus d’affectation 2) ils sont impliqués dans de nombreuses pathologies, notamment à cause des facteurs environnementaux qui 3) dictent la différenciation et donc les actions des macrophages.

1.3.1.2. Les MDSC

Dans un contexte tumoral, les cellules malignes envoient des signaux capables d’altérer la myélopoïèse, et de favoriser la sortie de la moelle de cellules non différenciées, appelées MDSC, que l'on retrouve d'abord dans la circulation sanguine. Ces cellules peuvent ensuite être recrutées au sein de la tumeur et de la rate, notamment grâce à la production de CCL2 et de CSF-1 par la tumeur (Priceman et al. 2010; Qian et al. 2011). En ce qui concerne les signaux altérant la myélopoïèse, il ne fait plus aucun doute que la production de GM-CSF, G-CSF et M-CSF par la tumeur permet l’expansion de MDSC et leur accumulation au niveau de la rate et du site tumoral

(Dolcetti et al. 2010; Peranzoni et al. 2010; Talmadge and Gabrilovich 2013).

Comme leur nom l’indique, les MDSC sont des cellules à activité immunosuppressive. Présentes dans d'autres conditions pathologiques, elles participent aussi au développement du microenvironnement tumoral. En effet, les MDSC contribuent au développement de la tumeur par la production de facteurs pro-angiogéniques comme le VEGF (Vascular endothelial growth

factor), le bFGF (Basic fibroblast growth factor) ou la protéase MMP9 (Tartour et al. 2011). Comme les macrophages, elles peuvent participer indirectement à l’édification de la matrice extracellulaire. Nous verrons par la suite que ces cellules ont non seulement des activités immunosuppressives, mais peuvent en outre favoriser la dissémination métastatique. Plusieurs études montrent la corrélation entre la fréquence de MDSC et la présence de lésions métastatiques, dans le cancer du poumon (A. Huang et al. 2013) et le cancer du sein (Yu et al. 2013) par exemple. De multiples mécanismes peuvent expliquer leur implication dans cette dissémination, comme l’induction de l’EMT (Toh et al. 2011), la production de MMP (Yang et al. 2008), de TGF(Pang et al. 2013)

ou des cytokines telle que l’IL-6, pouvant conférer au cancer un potentiel invasif (Oh et al. 2013).

Les MDSC jouent donc un rôle majeur dans la croissance de la tumeur par leur forte influence sur le microenvironnement pro-tumoral, mais aussi dans le développement des niches métastatiques.