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I. Régression tumorale déclenchée par la stimulation d'une coopération

4. La coopération LT/cellules myéloïdes

Nos travaux montrent que les cellules myéloïdes peuvent contribuer, dans certains contextes inflammatoires, à une réponse immune anti-tumorale. Dans notre modèle, le vaccin STxB permet, en stimulant la différenciation de LT CD8+ anti-E7, d'activer les cellules myéloïdes, sans

doute grâce à la production d’IFN par les LT.

En effet, l’IFN active efficacement les cellules myéloïdes lorsqu’il est combiné à une interaction CD40/CD40L (Heusinkveld and van der Burg 2011). L’IFN joue bien un rôle central dans l’établissement de la réponse anti-tumorale dans notre modèle, car son absence bloque toute régression normalement induite par la combinaison vaccin E7 + IFN, et inhibe totalement l’activation des cellules myéloïdes (Figure 19). La déplétion des cellules CD8+ in vivo rappelle que

celles-ci participent à l’activation des cellules myéloïdes (Figure 15A et 17C). Même si les cellules NK sont en général une source importante d'IFN, leur déplétion dans notre modèle n'affecte par la régression (données non montrés). L'ensemble de ces données suggère que les cellules myéloïdes, à la suite de la présentation de l'Ag E7 aux LT CD8+, sont activées en partie par

l'IFN produit par ces derniers. Pour vérifier cette hypothèse, il est envisageable de vacciner des souris MHC I-/-, et d'effectuer un transfert adoptif de LT CD8+ spécifiques de l’Ag E7 (pour

pallier au défaut de priming), et d'observer l’effet de ce traitement en l’absence d’interactions antigène-spécifiques LT CD8+/cellules myéloïdes. Je suppose que, dans ces conditions, une plus

faible activation des cellules myéloïdes, due à l’absence d’interactions avec les LT CD8+ et leur

production d’IFN, devrait inhiber partiellement les effets du traitement, et nous devrions alors observer une fraction plus importante de souris dont les tumeurs ne régressent pas (comparé à la situation de transfert adoptif dans des souris contrôles).

Les données générées durant cette thèse suggèrent que l'activation LT CD8+ et cellules myéloides

se produisent, au moins en partie, au sein de la tumeur. Tout d’abord, dans les temps précoces après la vaccination, les cellules myéloïdes présentent des marqueurs d’activation tels que MHC II et CD86, en même temps que la première vague d’infiltration de LT CD8+, peu abondants mais

probablement capables de produire de l’IFNlocalementFigures 13A et 20A). De plus, malgré la très faible fréquence de TIL à ce moment-là dans les tumeurs, ceux-ci sont fréquemment en contact avec des cellules myéloïdes F4/80+ (Figure 14B). Enfin, il est peu probable que les

cellules myéloïdes activées dans les ganglions par les LT CD8+ migrent en retour dans la tumeur,

mais il n’est pas exclu qu’une coopération similaire ait lieu également dans des ganglions drainants.

Ces résultats suggèrent fortement qu’une coopération entre les cellules T et les cellules

myéloïdes est mise en place suite à la vaccination, notamment par la production d’IFN

par les LT, qui active les cellules myéloïdes.

Ces données sont en accord avec d’autres études qui ont rapporté des phénomènes semblables lors de transferts adoptifs de LT, producteurs d’IFN (Hollenbaugh and Dutton 2006; Textor et al. 2014). Ces travaux montrent que l’activation des cellules myéloïdes est retrouvée dans le cadre d’autres immunothérapies comme l’ACT de TIL ou de CAR T cells. Le rôle des cellules de l’immunité innée a aussi été démontré lors de l’immunoediting, notamment grâce à la production d’IFN par les cellules NK, que les macrophages activés participaient à l’élimination des cellules tumorales (O’Sullivan et al. 2012). En revanche, aucune étude n'a mis en évidence un tel phénomène suite à une vaccination mimant une infection virale et surtout, ces études mettent peu l'accent sur l'importance de cette coopération positive entre cellules T et cellules myéloïdes. Finalement, rares sont les travaux qui évoquent la possibilité d’une coopération entre les cellules myéloïdes et les LT (Haabeth et al. 2011; Vicetti Miguel et al. 2010).

Nous avons montré que cette coopération engendrait la différenciation de cellules myéloïdes cytotoxiques. Lors de l’analyse de la cytotoxicité des cellules immunes triées à partir des tumeurs, il était logiquement attendu que l'ajout de LT CD8+ devrait augmenter la cytotoxicité dans les co-

cultures de myéloïdes et de cellules tumorales TC1 in vitro. Or, seule une fréquence élevée de LT CD8+ augmentait légèrement la cytotoxicité (Figure 21D). Le fait que ces cellules ne proviennent

pas de tumeurs, mais du ganglion drainant et de la rate, est à prendre en compte, car si les LT CD8+ anti-E7 dans les tumeurs présentent environ 40% des TIL CD8+ selon nos mesures lors de

(pourcentages obtenus dans des expériences séparés). En revanche, ces LT ont moins de chance d’être anergiques que les TIL. Les conditions complexes rencontrées dans la tumeur, comme la proximité avec d’autres types cellulaires et l’environnement cytokine probablement moins restrictif, doivent participer à la coopération cellule T/cellule myéloïde, et peuvent également expliquer l’absence d’une meilleure cytotoxicité dans ces conditions.

Il serait intéressant de réaliser d’autres analyses de cytotoxicité in vitro cette fois à partir de TIL, soit ajoutés seuls à une culture TC1-GFP, soit en association avec les cellules F4/80+ de tumeurs,

à différents ratios. Ensuite, il serait très intéressant de reproduire ce type expérience en utilisant des TIL de souris déficientes pour la perforine. De ce fait, nous pourrions observer si l’effet en association avec les monocytes/macrophages est dû à une coopération ou bien à un effet additif des cytotoxicités.

Les LT CD4 helper infiltrent très peu les tumeurs après vaccination, et ont peu de chance d’être la source des interactions CD40/CD40L. Leur déplétion n’a d’ailleurs aucun effet sur la régression tumorale. En revanche, il est possible que les LT CD8+ expriment CD40L, et engagent eux-

mêmes cette interaction (Frentsch et al. 2013). Cela n’étant qu’une hypothèse, elle devrait être vérifiée, dans un premier temps par l’analyse de l’expression de CD40L à la surface des LT CD8+,

dans la tumeur et dans le ganglion drainant.

La coopération des LT CD8+ avec les cellules myéloïdes est donc importante à deux niveaux :

pour l'activation réciproque (activation par le TCR et production d'IFN) et également pour leur activité cytotoxique directe sur les cellules tumorales. Cette configuration pourrait être différente lors d’une réponse mettant en jeu les LT CD4+. Pour répondre à cela, nous pourrions vacciner les

souris avec le peptide long E7 (qui inclut un épitope CD4 et CD8), sans STxB qui cible uniquement une réponse CD8, accompagné d’un adjuvant. La réponse immune déclenchée par le peptide long, en l’absence de STxB, permettrait d’une part la présentation croisée aux LT CD8+,

mais stimulerait également les LT CD4+. Dans ces conditions, le remplacement de la Shiga toxine

par un autre adjuvant serait probablement accompagné d’une réponse plus « classique », avec une induction de LT CD8+ cytotoxiques mais aussi de LT CD4+ capables de soutenir la

différenciation des LT CD8+, d’activer les APC par la production de cytokines et les interactions CD40/CD40L. Dans ce contexte, quelle que soit l’intensité de la réponse et de la régression tumorale, je pense que les macrophages pourraient être tout aussi bien activés et capables de cytotoxicité envers les cellules tumorales.