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III. Immunothérapie des cancers

3. Blocage des récepteurs inhibiteurs et combinaisons

3.2. Les combinaisons

En prenant en compte nos connaissances sur le microenvironnement tumoral, il ne fait alors aucun doute que ces anticorps, délivrés seuls, n'agissent pas de manière optimale. Malgré leurs différences, ces récepteurs inhibiteurs ont un point commun car ils participent à la modération de la réponse T. Mais pour qu’un tel traitement soit bénéfique encore faut-il que les LT puissent répondre aux antigènes tumoraux et infiltrer la tumeur. Comme nous l’avons vu plus tôt dans cette partie, les vaccins font partie des pistes prometteuses de l’immunothérapie. Ils bénéficient

des avancées de l’immunologie et permettent de cibler des antigènes tumoraux détectés au sein des tumeurs. Cependant leur efficacité, aussi, est relative, car si les réponses immunes peuvent être spécifiquement dirigées contre les antigènes souhaités, les mécanismes de régulation de la réponse T sont aussi déclenchés. C’est pourquoi, d’un côté, le blocage des récepteurs inhibiteurs nécessite une activation du système immunitaire pour être efficace, et de l’autre, les réponses immunes spécifiques déclenchées par les vaccins pourraient être plus robustes et/ou prolongées par le blocage des récepteurs inhibiteurs tels que PD-1 ou CTLA-4.

De telles combinaisons de traitements ont été étudiées chez la souris, apportant beaucoup d’espoir par des résultats satisfaisants. Déjà très tôt, sur le modèle de tumeurs B16, A.van Elsas avait comparé les effets d’un anti-CTLA-4, d’un vaccin composé de cellules tumorales irradiées, et de leur association (van Elsas, Hurwitz, and Allison 1999). Seule la combinaison des traitements menait au rejet des tumeurs grâce à un effet synergique. Depuis, d’autres études précliniques ont confirmé l’intérêt d’une telle combinaison, et ont montré que l’efficacité du traitement est corrélée à une augmentation du ratio T effecteur/Treg dans les tumeurs (Avogadri et al. 2014). Mais qu’en est-il des essais cliniques avec ce type de combinaison ? A l’image de l’étude menée par Stephen Hodi, l’effet synergique attendu de cette combinaison n’est pas visible

(Hodi et al. 2010). Bien que l’efficacité de cette association ait été corrélée à l’augmentation du ratio T effecteur/Treg au sein de la tumeur, il est rare d’obtenir ces informations sur les tumeurs humaines. Néanmoins, l’allongement de la survie par un traitement anti-CTLA-4 après vaccination est lié à une activation des LT en périphérie, mais aussi à une l’apparition de réactions auto-immunes (Sarnaik et al. 2011). Les données de la littérature ne permettent malheureusement pas d’expliquer la différence d’efficacité de certaines combinaisons d’anti-CTLA-4 avec des vaccins entre les modèles précliniques et les essais en cours. Plusieurs paramètres peuvent

influencer les réponses à ce traitement, à commencer par le type d’Ig utilisées, mais aussi l’aspect cinétique du traitement car il a été montré dans un modèle murin que la délivrance de l’anti-CTLA-4 était plus efficace après la vaccination (Wada et al. 2013). En nous appuyant sur les données précliniques, l’optimisation de cette association de traitements devrait permettre de mieux stimuler le système immunitaire.

En ce qui concerne l’association d’un anti-PD-1 avec une vaccination, cela provoque aussi une synergie d’action dans les modèle murins, avec une augmentation de l’infiltrat T CD8+ spécifiques

au sein de la tumeur (Sawada et al. 2015; Soares et al. 2015). Les mécanismes par lesquels l’anti- PD-1 peut améliorer cette activité anti-tumorale peuvent être multiples. Il peut principalement bloquer l’interaction de PD-1 avec ses ligands, mais aussi inhiber l’immunosuppression des LT

par les Treg (W. Wang et al. 2009). L’inhibition de l’activité des Treg peut être due au blocage des interactions PD-1/PD-L1, ou à changement phénotypique comme le suggère la diminution de l’expression de FoxP3 dans cette étude. Cela a été montré par des expériences faites in vitro sur des PBT (peripheral blood T cell) de patients atteints de mélanomes, vaccinés contre gp100 et MART-1.

L’ajout de l’anti PD-1 permet aussi de restaurer la production de TNF, IFN et IL-2 par les cellules T spécifiques. De telles études chez l’humain sont encore rares. Une équipe a tout de même étudié la corrélation entre des marqueurs sanguins et la réponse à une vaccination combinée à un anti-PD-1 sur les patients atteints de mélanome (Weber et al. 2013). De manière inattendue, la progression des tumeurs non répondeuses est corrélée à un taux élevé de LT CD8+

spécifiques des antigènes tumoraux MART-1 et NY-ESO-1. Les auteurs émettent l’hypothèse que ces LT sont dysfonctionnels et qu’ils ne répondent pas au traitement anti-PD-1 probablement dû à l’expression d’autres récepteurs inhibiteurs. Cependant, ce taux de réponses cliniques, avec une moyenne de 25%, n’est pas différent entre les conditions avec et sans vaccination. Cette équipe a récemment commencé un essai de phase I dans lequel ils traitent les patients atteints de mélanome métastasé avec l’anti-PD-1 (nivolumab) et des peptides gp100, MART-1 et NY-ESO-1 (Gibney et al. 2015). Les résultats sont satisfaisants, avec une survie générale de 80% à 47 mois, corrélée à une augmentation du taux de LT CD8+ spécifiques dans le

sang, une diminution de leur expression de PD-1+, mais aussi une augmentation des Treg,

probablement en réponse à l’immunité adaptative mise en place. Malheureusement, il n’est pas possible d’analyser l’effet de la combinaison car les traitements uniques ne sont pas testés dans cet essai. A l’image de cette dernière étude, les données concernant une combinaison de vaccin et d’anti-PD-1 sont rares, il est donc difficile de conclure quant à un éventuel effet de cette

association chez l’humain. En outre, les données récoltées concernent le compartiment sanguin et il est possible, et même très probable, que l’analyse de ces marqueurs révèle tout autre chose au niveau du site tumoral. C’est pourquoi l’étude de la réponse immune anti-

tumorale déclenchée par l’association d’un vaccin à base de peptide et d’anticorps bloquant des récepteurs inhibiteurs s’avère délicate.

La combinaison entre le blocage de ces récepteurs et un vaccin est une idée très pertinente, et pleine d’avenir. Malgré le fait que les résultats soient difficilement analysables chez l’humain, et que ceux-ci ne montrent pas d’effets aussi nets que les modèles murins, de telles combinaisons sont à mon sens nécessaires. Les associations ici évoquées entre les anti-CTLA-4 ou anti-PD-1 avec des vaccins peptidiques pourraient être encore améliorées, par exemple par l’utilisation

d’adjuvants ligands de PRR. Cela pourrait améliorer la présentation de l’antigène et la réponse adaptative. Il est aussi envisageable de combiner le blocage de récepteurs inhibiteurs à un vaccin basé sur les DC, cela pourrait lever l’inhibition liée aux contacts effecteurs/APC. Ces

associations peuvent être très diverses et aboutir à une amélioration du traitement, à condition que ces combinaisons soient complémentaires, car dans ce cas elles pourraient améliorer la qualité de la réponse immune déclenchée.

Les résultats de cette thèse seront partagés en deux parties. Je vais d’abord présenter les données

portant sur l’analyse de la cinétique de la réponse immune dans le cadre d’une régression tumorale induite par une vaccination. Dans un second temps, je présenterai des données préliminaires sur un essai de combinaison thérapeutique afin de prévenir l’échappement des tumeurs suite à larégression.

I. La régression tumorale induite par une vaccination requiert la