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II. Etiologies des troubles de l’oralité

4. Les causes post-traumatiques ou anorexies post-traumatiques

Souvent classées avec les causes psychogènes, les anorexies post- traumatiques sont davantage une réaction physique et psychologique au traumatisme, qu’un véritable trouble psychiatrique.

Les troubles alimentaires sont fréquemment retrouvés chez les nourrissons hospitalisés dès la naissance et subissant une nutrition artificielle, que nous expliquerons et détaillerons ci-après.

Les causes les plus fréquentes de traumatismes précoces, et donc de recours à une nutrition artificielle sont la prématurité, la réanimation, la bronchodysplasie pulmonaire, les anomalies congénitales du tube digestif (entérocolite ulcéronécrosante avec perte de l’organe intestinal, les chirurgies de l’atrésie de l’œsophage, les diarrhées graves rebelles, les anomalies du carrefour aérodigestif…), ainsi que certaines pathologies neurologiques ou génétiques nécessitant une nutrition artificielle.

Les nourrissons risquent de présenter plusieurs symptômes :

- Une absence d’expérimentation orale lorsque la pathologie est néonatale - Un investissement négatif de la sphère orale

- Une perturbation du rythme faim/satiation/satiété induite par la nutrition artificielle

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- Une perturbation du lien mère-enfant, provoquée par ces pathologies précoces graves

Le vécu psychique parental, et en particulier maternel, joue un rôle prépondérant dans la survenue d’un trouble du comportement alimentaire après une nutrition artificielle. En effet, la pathologie de l’enfant, source d’angoisse et de questionnements chez les parents, leur provoque également un lourd sentiment de dévalorisation et de culpabilité, renforcé lorsque la mère n’a pu ni allaiter son enfant ni au sein ni au biberon. La fonction maternelle se construit sur des bases pathologiques, et force est d’avouer que la tâche de réalimenter l’enfant est confiée aux parents à domicile, le plus souvent sans soutien extérieur. S’ensuit alors une tension relationnelle au cours du repas, aggravée par l’inquiétude, et souvent le désarroi des parents.

4.2. La nutrition artificielle

Elle a pour but de « corriger ou prévenir la dénutrition de l’enfant »56. Il en existe deux

types : la nutrition entérale et la nutrition parentérale. 4.2.1. La nutrition entérale

On appelle alimentation entérale (AE) « l’administration d’un mélange nutritif liquide directement dans l’estomac ou l’intestin grêle proximal »57. Elle est envisagée lorsque

l’alimentation orale est impossible, contre-indiquée, ou insuffisante pour couvrir les besoins nutritionnels de l’enfant, mais que les fonctions intestinales sont préservées. Il existe deux types d’alimentation entérale : par sonde naso-gastrique et par gastrostomie.

a. Par sonde naso-gastrique

C’est la plus utilisée. Il s’agit d’un tuyau souple que l’on passe par le nez, qui descend dans l’œsophage et s’arrête dans l’estomac. Elle permet un apport nutritionnel régulier, grâce à une pompe. Si la sonde naso-gastrique est la plus courante, son emploi peut parfois être limité à cause d’une difficulté à l’accepter psychologiquement, ou alors à cause des risques d’œsophagite, de complications infectieuses ORL ou d’un syndrome diarrhéique qu’elle peut engendrer.

56 THIBAULT C., Orthophonie et oralité : la sphère oro-faciale de l’enfant, 2007.

De plus, la sonde naso-gastrique est un frein à plusieurs acquisitions58 :

- Les sensations proprioceptives sont très peu développées, puisque la cavité buccale et la langue ne sont pas sollicitées, de même que le réflexe de déglutition. Le réflexe nauséeux diminue également.

- Les praxies oro-bucco-faciales sont peu présentes, car non stimulées. b. Par gastrostomie

La gastrostomie est un geste chirurgical qui permet de mettre en place au niveau de l’abdomen un orifice faisant communiquer l’estomac avec l’extérieur. Une sonde est mise en place à travers cet orifice afin d’introduire l’alimentation directement dans l’estomac, et de permettre l’apport nutritionnel indispensable au patient.

4.2.2. La nutrition parentérale

Il s’agit du type de nutrition utilisé lorsque l’axe digestif n’est pas fonctionnel et/ou lorsqu’il ne peut pas assurer des apports caloriques suffisants. Elle est envisagée chez tout enfin malnutri ou risquant une malnutrition, dès que l’apport nutritionnel n’est plus suffisant par le tube digestif. Elle est parfois également utilisée afin de mettre au repos le système digestif en cas d’inflammation ou d’obstacle anatomique ou fonctionnel.

C’est la nutrition privilégiée chez les très grands prématurés et les nourrissons en service de néonatalogie, mais aussi dans les cas d’amputation ou d’insuffisance fonctionnelle de l’intestin.

Il s’agit d’un cathéter posé sous anesthésie par un chirurgien, le plus fréquemment sur le trajet de la veine jugulaire, et dont la sortie cutanée se situe au niveau du thorax. Le cathéter permet d’obtenir une perfusion continue, discontinue ou cyclique.

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Figure 9 - Nutrition artificielle (Dessins extraits de la bande-dessinée Narcisse : de l’hôpital à la maison sous nutrition parentérale, réalisée par l’association « La vie par un fil ». Service de gastro-

entérologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants Malades

Véronique ABADIE pose la question de l’utilisation d’un type de nutrition artificielle plutôt qu’un autre. Il est évident que le choix de la nutrition entérale ou parentérale ne prend pas en priorité en compte l’avenir « oral » de l’enfant. Si la nutrition parentérale semble être la plus propice à un investissement de la sphère buccale du fait de la mise au repos du tube digestif (ce que la nutrition entérale ne permet pas), elle prive néanmoins l’enfant de toute mise en place du rythme faim-satiété, surtout si l’alimentation est nocturne. L’enfant ne peut alors pas construire le rythme régulier des repas, essentiel à la structuration de la notion de temps, mais provoque également des troubles importants du sommeil. La nutrition entérale, comme nous l’avons évoqué, entraine des traumatismes de la sphère oro-faciale (irritation nasale, pharyngée, reflux gastro-œsophagien…) et est un frein à plusieurs acquisitions et sensations. Cependant, l’alimentation entérale par gastrostomie laisse la place à cet investissement de la sphère oro-faciale, même si elle constitue un geste invasif et parfois difficile à accepter psychologiquement.