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Les bio-agresseurs des productions légumières

4.4. Les productions légumières

4.4.1. Les bio-agresseurs des productions légumières

Il n’est ni simple ni satisfaisant de traiter globalement de l’ensemble de productions aussi diverses.

Elles seront ici regroupées en 2 grandes classes, additionnées d’une classe intermédiaire :

- les cultures légumières de plein champ (productions de plein champ et maraîchage de plein air), autour des principales productions que sont la carotte, les choux, les haricots verts et les Alliacées (oignon, poireau…).

- les cultures hors-sol, avec principalement tomate, concombre, melon et endive.

- les cultures en sol sous-abris représentent, du point de vue des questions soulevées en matière de gestion des bio-agresseurs, un intermédiaire entre les 2 grands types de production cités ci-dessus (cultures en sol comme la première classe, mais dans un environnement clos comme la deuxième). On y retrouve principalement la tomate, les salades, la courgette, le melon et le concombre.

Sur de multiples modes et situations de productions, ainsi que de nombreuses familles, espèces botaniques et variétés, il est clair que peut se manifester une très grande diversité de bio-agresseurs potentiels. De plus, face aux évolutions parfois très rapides, ainsi qu’aux échanges très importants entre pays, le risque d’émergence de nouveaux problèmes est permanent.

Plein champ Sol sous abris Hors-sol Champignons s.l.

au sol aériens champignons

du sol insectes

Tableau 4.4-1. Importance des bio-agresseurs, en productions légumières, considérée sous l’angle des difficultés de gestion

Plein champ Sol sous abris Hors-sol Champignons et bactéries

associés au sol Haricots verts Rhizoctonia solani

Chalara spp.

Fusarium solani Oignon Sclerotium cepivorum

Peronospora destructor

Ditylenchus dipsaci Poireau Pyrenochaeta terrestris

Phytophthora porri

Endive Erwinia atroseptica Chalara elegans Sclerotinia sclerotiorum Phytophthora cryptogea

Grande diversité

Tableau 4.4-2. Principaux bio-agresseurs d’origine tellurique des productions légumières

Plein champ Sol sous abris Hors-sol

Champignons aériens

Virus, viroïdes et mycoplasmes

transmis par insectes

Insectes

Carotte Alternaria dauci CDMV Mouche carotte

Pucerons

Choux Alternaria brassicicola CMV Mouche chou

Noctuelles Pucerons Altises Teigne Haricots verts Anthracnose

Sclerotinia spp.

Botrytis cinerea Graisse du haricot

Mosaïques (B.C.M.V, B.Y.M.V.)

Mouche des semis Pyrale du maïs

Oignon Mouche oignon

Mouche mineure Thrips

Poireau

Rouilles Alternaria porri Botrytis allii

Graisse du poireau Thrips

Teigne poireau Mouche oignon

Courgette

Salades Pucerons

Melon Tomate Concombre puis Endive

Tableau 4.4-3. Principaux bio-agresseurs aériens des productions légumières

4.4.1.1. Notion de pertes sur cultures légumières

La relation épidémie-dégât-dommage-perte évoquée ci-dessus s'exprime d'une manière particulière dans le cas de la plupart des cultures légumières. En effet :

- les dégâts induits par les bio-agresseurs se traduisent souvent directement en pertes de récolte car les organes attaqués sont souvent les organes récoltés ("légumes-feuilles", "légumes-racines").

- la production est majoritairement consommée sans transformation industrielle. Les pertes qualitatives sont donc extrêmement préjudiciables économiquement, et la fonction de pertes (économique) est de ce fait fortement discontinue, une dépréciation qualitative même très réduite pouvant induire d’énormes pertes économiques dans le contexte actuel de forte concurrence (refus de lots, déclassements, par exemple).

Ces points amènent à appréhender les notions de seuil et de situation de production d'une manière spécifique dans le cas des cultures légumières, dans le cas de chacune de ces cultures, voire dans le cas de chacune des filières de production auxquelles ces cultures sont rattachées.

4.4.1.2. Spécificités des productions légumières en matière de gestion des problèmes parasitaires

Les cultures légumières présentent d’importantes spécificités pour appréhender la gestion des parasites et ravageurs. Il s’agit de productions à haute valeur ajoutée, conduites de façon intensive (intrants, conduites culturales) et nécessitant généralement une main d’œuvre importante. Il s’en suit des coûts de production très élevés, et de ce fait :

- l’aversion de l’exploitant aux risques devient ici un facteur majeur de décision quant aux méthodes de contrôle qui sont employées, et quant à la marge de manœuvre pour d'éventuelles évolutions;

- le coût des pesticides ne représente qu’un faible poids par rapport à l’ensemble des charges;

- toute pratique de protection impliquant un surcroît de main d’œuvre ou réduisant l’exploitation des surfaces par des cultures commerciales est a priori mal considérée par l’exploitant.

La lutte chimique apparaît donc pour la plupart des producteurs en cultures maraîchères comme le moyen de gestion des bio-agresseurs le plus simple, le plus efficace et le moins coûteux.

Pourtant, pour certains modes de production (cas des environnements clos, à climat partiellement maîtrisable), des possibilités supplémentaires de gestion du parasitisme sont offertes par la maîtrise de l’environnement (gestion du climat, possibilité de vide phytosanitaire). De plus, les producteurs ont de tous temps eu l’habitude et le souci d’assurer une surveillance rapprochée de leurs cultures, autorisant une prise en compte fine de l’apparition et de l’évolution des problèmes. D’autre part, les possibilités d’application de techniques spécifiques complexes (paillages…) sont beaucoup plus importantes dans ce type de productions que par exemple en grandes cultures.

Les consommateurs et citoyens sont particulièrement sensibilisés aux impacts négatifs de l’utilisation des pesticides sur légumes car :

- les zones de production sont souvent des zones sensibles (côtières, péri-urbaines) auxquelles les citoyens sont attachés,

- les consommateurs sont d’autant plus vigilants à la qualité des légumes qu’ils les consomment généralement sans transformation industrielle.

Les attentes sont donc fortes, tant du point de vue des citoyens que des consommateurs, pour infléchir des changements profonds en matière de gestion des problèmes parasitaires.

4.4.2. Les pratiques actuelles

4.4.2.1. Les pratiques de désinfection des sols par fumigation

Les fumigants sont des substances liquides ou solides qui génèrent des gaz toxiques qui, par diffusion dans le sol, agissent sur les organismes telluriques (microorganismes, nématodes, semences d’adventices). Leur spectre d’activité est donc généralement très large, et ils visent aussi bien les formes actives que les formes de conservation dans le sol (kystes de nématodes, sclérotes de champignons, spores de conservation, semences dormantes d’adventices). Bien que très coûteuse (1000 à 10 000 € par hectare), cette pratique est très courante sur cultures légumières (12 000 à 15 000 hectares par an), car le producteur y trouve une façon simple de s’affranchir à court terme des différents problèmes parasitaires potentiels de ses cultures. Cependant, les effets non intentionnels de ces fumigants sont importants, et le protocole de Montréal (1997) a imposé une limitation progressive de l’utilisation du bromure de méthyle, jusqu’à interdiction totale (hors usages critiques) en 2005. Les alternatives chimiques à cette substance active sont très limitées, moins polyvalentes, et elles aussi soumises, via les écotaxes, à de sévères restrictions. Il s’agit de 3 fumigants aux propriétés fongicides et nématicides (métam-sodium, tétrathiocarbonate de sodium et dazomet) et d’un fumigant nématicide (dichloropropène). Les producteurs légumiers en sont encore extrêmement dépendants, y trouvant des bénéfices additionnels au simple objectif visé : réduction des risques fongiques et nématologiques proprement dits, mais aussi technique simple de désherbage avant implantation de la culture, et moyen de garantir régularité et gains de rendements. Dans le contexte économique actuel, et face à l’absence d’alternatives aussi « performantes » que les fumigations, ces pratiques de désinfections "d’assurance"

sont encore très prisées des producteurs légumiers et donc très utilisées.

4.4.2.2. Cultures mineures et restriction d’emploi des produits phytosanitaires

Le marché des pesticides utilisables sur cultures légumières ne représente qu’une faible proportion du revenu des firmes phytosanitaires. Celles-ci ne les considèrent donc pas comme prioritaires en termes de stratégies d’homologation. La directive 91/414/CE a encore complexifié la situation de la gestion de la lutte chimique. Sur 800 matières actives homologuées en Europe en 1990, moins de la moitié le

seront encore en 2010. Certaines productions légumières se trouvent ainsi en situation d’impasses techniques liées à ce retrait de molécules toxiques ou à usage mineur. La survie de certaines productions en est compromise, et les risques économiques sont tels que le recul pour appréhender cette situation nouvelle n’est pas suffisant : force est de constater que, face à cette situation, on assiste actuellement, même au niveau des programmes d’expérimentation, à une "course aux molécules de remplacement" plutôt qu’à une anticipation suffisante pour construire des stratégies alternatives à la lutte chimique.

Adventices (1) (1) sarclages,

binages

Tableau 4.4-4. Les pratiques actuelles et les innovations possibles en cultures légumières de plein champ

(1) existante ; (2) existante mais non utilisée ; (3) potentielle