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Les antennes et leur LNA : Butterfly, LPDA et SALLA

Radio détection des rayons cosmiques d’ultra haute énergie dans le domaine

2.3 AERA - The Auger Engineering Radio Array

2.3.2 Les antennes et leur LNA : Butterfly, LPDA et SALLA

Le choix de la LPDA (small Black-Spider) pour AERA-I a été principalement fondé par la dispo-nibilité immédiate d’un lot suffisant de ces antennes pour construire un premier réseau. Pour le choix de celle utilisée pour AERA-II une étude précise de trois différents types d’antenne, présentés dans

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Fig. 2.14 – Spectres mesurés sur le site d’installation d’AERA de 1 à 120 MHz pendant 5 jours d’acquisition pour la voie NS (en haut) et EO (en bas) après installation d’un filtre passe-bande entre 30 et 80 MHz. L’échelle de couleur représente l’amplitude du signal mesuré. Les cycles de lever/coucher du plan galactique sont visibles sur les deux voies d’acquisition avec une période correspondant à un jour sidéral (23h56’). La figure est extraite de [98].

la figure 2.15, Butterfly, LPDA small Black-Spider et SALLA24, a été effectuée. Ces trois antennes mesurent les deux polarisations horizontales du champ électrique, EO et NS.

Le choix de l’antenne utilisée pour AERA-II s’est porté sur celle introduisant le minimum de dis-torsion dans la forme du signal mesuré et présentant la meilleure sensibilité possible au signal radio. En Argentine, la vitesse du vent peut atteindre les 160 km/h, l’antenne doit donc être assez robuste pour y résister. De plus, dans l’optique de construire un grand réseau de stations radio, le coût individuel d’une station a également été pris en compte dans ce choix.

Butterfly. L’antenne Butterfly, présentée dans la figure 2.15, a été développée à Subatech pour l’expérience CODALEMA et a été installée pour la première fois à Nançay en 2008 comme vu dans le chapitre 1. La Butterfly est composée de deux antennes de type Bowtie [89, 85] consistant en des triangles isocèles de dimension 2 × 2 m2. Il s’agit d’une antenne active, les signaux des dipôles sont alimentés directement dans les deux voies d’entrée du LNA situé dans la noix de l’antenne. Le sol est utilisé pour augmenter le signal, en effet à 1,5 m du sol, emplacement privilégié pour la noix de l’antenne, une addition constructive des ondes directes et réfléchies est obtenue pour la plupart des combinaisons fréquence/direction d’arrivée. La Butterfly permet de mesurer une large bande de fré-quence grâce à la dépendance de l’impédance d’entrée de son LNA avec la fréfré-quence. Ceci permet de

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Fig. 2.15 – En haut, de gauche à droite : antennes Butterfly et LPDA, en bas : antenne SALLA. mesurer des longueurs d’onde plus grandes que la dimension de la structure de l’antenne. Le LNA utilisé pour l’antenne Butterfly a été développé à Subatech en 2004. Il s’agit d’un ASIC25 utilisant une technologie AMS BiCMOS 0,8 µm. L’antenne est adaptée aux conditions environnementales de la pampa argentine, la structure des deux dipôles entraîne en effet une prise au vent minime de la Butterfly. Afin réduire au maximum cette prise au vent, une barre de renfort, dont l’étude et la réa-lisation ont été effectuées par le groupe d’Aachen, a été ajoutée à chaque triangle, comme ont peut le voir dans la figure 2.15. La sensibilité de la Butterfly au sol et à la direction d’arrivée des rayons cosmiques a été étudiée et caractérisée [49].

LPDA small Black-Spider. Les LPDAs, l’une d’entre elles est présentée dans la figure 2.15, sont constituées d’un assemblage de dipôles de plus en plus grands permettant de maintenir une résistance de rayonnement26 constante sur une large bande de fréquence (principe du log-périodique). Ces an-tennes ont été utilisées pour MAXIMA. Une antenne LPDA small Black-Spider est constituée de deux plans indépendants présentant la même structure en aluminium, de dimension 4 × 4 × 3,4 m3. Cette antenne est dotée d’un système pliable afin de faciliter son transport sur le lieu d’installation. La taille des plus petits et des plus grands dipôles détermine la bande de fréquence disponible. Le LNA de la LPDA utilise la technologie Infineon avec un amplificateur BGA420 MMIC alimenté par un T-Bias en sortie [99]. La robustesse de cette antenne a été prouvée lors son utilisation pour MAXIMA et AERA-I.

SALLA. L’antenne SALLA, présentée dans la figure 2.15, est utilisée pour l’expérience Tunka-Rex [86], elle est composée de deux boucles de 1,2 m de diamètre, correspondant à une antenne de type Beverage [100]. Le design de cette antenne est optimisé pour combiner une sensibilité maximale

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2.3 - AERA - The Auger Engineering Radio Array 61 et des coûts de production et de maintenance minimales. Les dipôles sont chargés par une résistance de 500 Ω qui les relie. La résistance de charge permet de donner une forme spécifique à la directivité, correspondant au rapport entre la puissance rayonnée par unité d’angle solide dans une direction θ, φ et la puissance qui serait rayonnée dans le cas d’une source isotrope émettant la même puissance to-tale27. Le LNA est placé au sommet de l’antenne entrainant la suppression de la réception des signaux provenant de sous l’antenne, sa sensibilité au sol, source d’erreurs systématiques, est donc négligeable. L’antenne SALLA présente une sensibilité constante avec la fréquence, sa structure compacte en fait une antenne robuste et facile à fabriquer.

Les données mesurées par les stations radio correspondent à la convolution du signal incident avec les réponses de l’antenne et de l’électronique. Cette dépendance aux différentes composantes de la station doit donc être supprimée des données, c’est ce que l’on appelle la déconvolution du signal. L’antenne en particulier présente une réponse en fréquence non-linéaire dépendant de la direction d’arrivée du primaire et de la polarisation du signal mesuré.

De la combinaison antenne/LNA utilisée dépend la sensibilité de l’antenne à son environnement radio. Afin d’étudier ces trois antennes, leur réponse aux signaux transitoires ont été comparées. Pour cela, la variable hauteur effective de l’antenne est utilisée, ainsi que la fonction de transfert du LNA.

La hauteur effective

La hauteur effective est le rapport entre le voltage et le champ électrique mesuré au niveau de l’antenne, elle s’exprime en mètre. Afin de la calculer on se place dans un repère sphérique centré sur la position de l’antenne comme présenté dans la figure 2.16. Dans ce système de coordonnées, le champ électrique incident produit par une gerbe considérée avec un front d’onde plan et provenant d’une direction d’arrivée θ, φ est contenu dans le plan formé par les vecteurs unitaires ~eθ, ~eφ. Le champ électrique mesuré dans ce repère est appelé champ électrique instantané et s’exprime comme suit : ~E(t) = Eθ.~eθ+ Eφ.~eφ.

La corrélation entre le voltage mesuré au niveau de l’antenne V (t) et le champ électrique du signal incident ~E(t) est donné par la hauteur effective de l’antenne ~H(t) dont le vecteur est indiqué en rouge

dans la figure 2.16. Comme pour le champ électrique instantané, la hauteur effective peut s’exprimer sous la forme d’un vecteur complexe à deux composantes : ~H(t) = Hθ.~eθ+ Hφ.~eφ.

Le voltage mesuré par la station est alors donné par le produit scalaire du champ électrique ins-tantané et de la hauteur effective : V (t) = ~E(t). ~H(t).

La réponse de l’antenne est dans ce cas exprimée dans le domaine temporel, mais elle est plus généralement utilisée dans le domaine fréquentiel par ~H(ω) avec ω = 2πν où ν est la fréquence. Cette

réponse dans le domaine fréquentiel est donné par : ~H(ω) = F(Hθ).~eθ+ F(Hφ).~eφoù F représente la transformée de Fourier du signal :

F(ν) = Z

−∞f (t) e−2iπνt dt

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Fig. 2.16 – Repère sphérique, centré sur l’antenne, utilisé pour le calcul de la hauteur effective. Le vecteur hauteur effective ~H(t) est indiqué en rouge. La figure est extraite de [96].

Le voltage dans le domaine fréquentiel est alors exprimé comme suit : V(ω) = ~E(ω) ∗ ~H(ω). Le

vol-tage dans le domaine temporel peut-être obtenu en appliquant une transformée de Fourier inverse :

V (t) = F−1(V(ω)).

La hauteur effective d’antenne est donnée par la simulation. Le logiciel NEC2 est utilisé [101]. Le résultat de ces simulations pour l’antenne LPDA est présenté dans la figure 2.17. On peut voir que la hauteur effective de l’antenne varie avec la direction du ciel observée.

Fig. 2.17 – Hauteurs effectives obtenues à partir de simulations pour les deux polarisations de la LPDA, indiquées en rouge et en bleu, pour une fréquence arbitraire de 75 MHz. L’antenne est située au centre du repère.

2.3 - AERA - The Auger Engineering Radio Array 63 En plus de la hauteur effective de l’antenne, la réponse de l’électronique et de la chaîne d’acquisition doit également être prise en compte. Il faut pour cela calculer la fonction de transfert associée à chaque composante de la chaîne électronique. Les détails de ces calculs sont présentés dans [96].

Comparaison des réponses des trois antennes à un transitoire

Le logiciel NEC2 a été utilisé afin de simuler la réponse ~Ha(ω) des trois antennes à un front d’onde plan. Cette valeur correspond à la conversion du spectre mesuré par les antennes et leur LNA en spectre incident émis par la gerbe. Pour chaque antenne, le comportement de leur hauteur effective combinée à la réponse du LNA, ainsi que le temps de propagation de groupe ont été simulés dans le domaine fréquentiel de 20 MHz à 90 MHz, utilisable sur le site, comme vu à la section 2.3.1. Les résultats correspondant sont présentés dans la figure 2.18.

Le LNA de la Butterfly ayant le plus gros gain, la hauteur effective associée présente donc les plus grandes valeurs. Les antennes SALLA et LPDA possèdent un système d’amplification similaire, mais la charge de la SALLA par une résistance de 500 Ω entraîne la diminution de la hauteur effective associée. On peut voir que la réponse de LPDA est très piquée au niveau des limites de la bande passante. La Butterfly quant à elle atténue le signal pour des fréquences inférieures à 30 MHz afin de supprimer les émetteurs à ondes courtes.

Le temps de propagation de groupe a lui aussi été étudié, celui-ci nous donne le retard induit par les antennes et leur LNA dans la propagation du signal en fonction de la fréquence. Ce retard doit être le plus constant possible dans la bande d’intérêt afin de ne pas déformer le signal. On peut voir que les variations de temps de propagation de groupe induites par la Butterfly et la SALLA sont relativement faibles dans la bande d’intérêt, contrairement à la LPDA pour laquelle une variation importante est observée. Une distorsion du signal est donc attendue pour cette dernière.

Fig. 2.18 – À gauche : hauteurs effectives simulées en fonction de la fréquence pour une direction d’arrivée correspondant au zénith, θ = 0, pour les trois antennes. À droite : temps de propagation de groupe simulés pour les trois antennes au zénith. Les figures sont extraites de [96].

La distorsion du signal induite par chaque antenne et son LNA dans le domaine temporel a ensuite été évaluée, elle doit être minime. Une transformée de Fourier inverse est appliquée sur la réponse

~

64 Chapitre 2 - Radio détection dans le MHz à l’observatoire Pierre Auger antennes est comparé à celui obtenu par l’utilisation d’un Dirac dans une bande passante limitée ser-vant de fonction de transfert idéale. Cette dernière étant plate, elle n’entraîne aucune distorsion du signal. Ces signaux sont présentés dans la figure 2.19. On peut voir que, du fait de la constance de leur temps de propagation de groupe, les réponses des antennes Butterfly et SALLA sont très proches de la réponse idéale en temps mais aussi en amplitude. Dû à son temps de propagation de groupe non constant dans la bande 30-80 MHz, la LPDA entraîne une distorsion du signal non négligeable, ainsi qu’un retard temporel d’environ 70-80 ns visible avec le décalage du pulse principal.

La conservation de l’amplitude du signal mesuré par les trois antennes a été quantifiée. Pour cela, les valeurs des maximums d’amplitude des trois signaux ont été comparées à l’amplitude maximale idéale obtenue avec un Dirac étudié dans une bande passante limitée. Les antennes Butterfly et SALLA conservent plus de 95 % de l’amplitude contrairement à la LPDA, qui comme on peut le voir dans la figure 2.19, entraîne une réduction visible de l’amplitude (environ 25 %). Les distorsions du signal incident induites par la LPDA doivent être corrigées avant les analyses de données. Les antennes Butterfly et SALLA, induisant des distorsions minimes, sont quant à elles plus adaptées à la détection de signaux radio transitoires.

Fig. 2.19 – Réponses des trois antennes à un signal transitoire dans le domaine temporel. Le cas idéal, réalisé avec un Dirac étudié dans une bande passante limitée, est présenté pour comparaison. Le déphasage de π observé pour les trois antennes est dû au LNA. La figure est extraite de [96].

2.3 - AERA - The Auger Engineering Radio Array 65 Comparaison de la sensibilité des trois antennes au bruit galactique

Comme vu dans la section 2.3.1, la source dominante de bruit de fond radio continu est le fond radio galactique. La contribution principale de cette émission est celle du plan galactique pour laquelle les antennes, au sol, observent les cycles de lever/coucher. La mesure des variations observées par les antennes lors de ces cycles peut être utilisée comme indicateur de leur sensibilité. Les mesures ont été effectuées simultanément pour les trois antennes, sur la voie EO, à l’observatoire de Nançay (voir la section 1.4.2) qui fournit un environnement radio calme et des conditions d’observation similaires à celles rencontrées en Argentine. Les mesures sont réalisées dans la bande 22-82 MHz en plusieurs balayages effectués avec le même analyseur de spectre. Un spectre est mesuré toutes les 4 s pour cha-cune des trois antennes. Les résultats de cette campagne de mesures sont présentés dans la figure 2.20. Les variations des cycles de lever/coucher du plan galactique sont observées par les trois antennes mais avec des intensités différentes. Les amplitudes de variation mesurées par l’antenne SALLA sont beaucoup plus faibles que celles obtenues avec la Butterfly ou la LPDA. Les mesures de variation de la contribution radio associées au plan galactique les plus précises sont obtenues avec l’antenne Butterfly.

Fig. 2.20 – Spectres mesurés simultanément par les trois antennes à l’observatoire de Nançay durant 4 jours. Afin de présenter les résultats avec une échelle commune en fréquence, le spectre mesuré est normalisé par la bande passante de chaque antenne représentée par un décalage en puissance spectrale :

Pof f setButterf ly = −50, 1 dBm/MHz, PSALLA

of f set = −67, 5 dBm/MHz et PLP DA

of f set = −62, 9 dBm/MHz. Les

transmetteurs FM et à ondes courtes sont visibles aux plus hautes et plus basses fréquences (lignes horizontales). La figure est extraite de [96].

66 Chapitre 2 - Radio détection dans le MHz à l’observatoire Pierre Auger Ces mesures ont ensuite été comparées à des simulations de bruit de fond. Ce dernier correspon-dant à la convolution du bruit de fond mesuré, extrait du code de génération de cartes radio du ciel LFmap [102], avec la réponse de l’antenne. Les variations maximales du niveau de bruit galactique en fonction de la fréquence obtenues à partir des mesures a été comparées avec les simulations. Afin de reproduire les observations, un niveau de bruit interne à chaque antenne, constant en fréquence, a dû être ajouté aux simulations, celui-ci est exprimé en pourcentage des valeurs maximales de variation simulées. Cette comparaison est présentée dans la figure 2.21. On peut voir que la densité spectrale mesurée par l’antenne Butterfly est dominée par le bruit de fond galactique ; en effet il n’a fallu ajouter que 15 % de bruit interne à l’antenne au bruit simulé pour reproduire les mesures. Pour l’antenne LPDA, 25 % du fond radio mesuré correspond au bruit de fond interne de l’antenne. La densité spec-trale mesurée par l’antenne SALLA est quant à elle dominée par le bruit de fond interne à l’antenne.

Fig. 2.21 – Comparaison, pour les trois antennes, des variations maximales du niveau de bruit ga-lactique en fonction de la fréquence obtenues à partir des mesures (points avec barres d’erreur) avec les simulations auxquelles un niveau de bruit interne à chaque antenne, constant en fréquence, a été ajouté pour reproduire les mesures. La figure est extraite de [96].

L’antenne Butterfly offre les meilleures conditions d’observation des signaux transitoires radio. En effet, contrairement à l’antenne LPDA, la constance de son temps de propagation de groupe dans la bande de fréquence d’intérêt permet de minimiser la distorsion du signal. De plus, la mesure du bruit de fond radio continu a montré que la puissance spectrale mesurée par l’antenne Butterfly est dominée par le bruit de fond galactique avec un faible niveau de bruit interne à l’antenne, contrairement à l’antenne SALLA. L’antenne Butterfly présente la plus grande sensibilité au signal radio avec une réponse aux signaux transitoires qui conserve les propriétés du signal. Elle a donc été, logiquement, choisie pour équiper les 100 stations d’AERA-II.

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