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Partie I : Contexte

A. PREPARATION DE MEDICAMENTS ANTICANCEREUX INJECTABLES

A. 6. Les alternatives de calcul des posologies d’anticancéreux

Nous venons de voir que de nombreuses études ont montré que le calcul des posologies en fonction de la SC n’était pas adapté à la plupart des anticancéreux. Une des principales

37 conséquences est le nombre de patients sous-dosés, comme l’a souligné Gamelin [59] dans son étude où 80% des patients, après une première dose de 5-FU calculée selon la SC, étaient en dessous de l’ASC désirée. Face à ces résultats, les auteurs préconisent de trouver d’autres méthodes pour ajuster les doses d’anticancéreux [44] [54].

Pour la population obèse, la pratique courante est de plafonner la SC à 2 m² ce qui revient à diminuer leur posologie. L’étude de Sparreboom [60] démontre que cette pratique n’est pas à encourager car elle entraîne une diminution d’exposition (ASC) par rapport à l’utilisation du poids réel pour la majorité des molécules. De plus cela implique un sous-dosage fréquent pouvant se traduire par une perte de chance en termes de survie [60] [61]. Chez ces patients obèses, la question de l’utilisation du poids réel ou du poids idéal se pose. Ce dernier est défini comme « le poids perçu comme étant le plus sain pour un individu, déterminé principalement en fonction de sa taille, et pondéré par le sexe, l’âge, et le degré de développement musculaire ». Selon que le médecin utilise le poids idéal ou le poids réel, l’écart entre les doses peut atteindre jusqu’à 20% [62].

Pour certaines molécules anticancéreuses, la posologie n’est plus adaptée à la SC mais à un paramètre biologique, au dosage d’une concentration plasmatique ou de marqueurs enzymatiques.

La dose de carboplatine à administrer est fonction du débit de filtration glomérulaire (DFG). Ce système de calcul de posologie est possible car la filtration glomérulaire, responsable de la majorité de l’élimination du carboplatine, est estimable à l’aide de la clairance à la créatinine. L’étude de Calvert [63] a établi un lien entre la DFG et l’ASC désirée :

Dose prescrite = ASC désirée x (DFG + 25)

Pour le méthotrexate, le dosage sanguin après 48h, permet d’identifier les patients à haut risque présentant un défaut d’excrétion. Cela permet de réduire leurs doses pour les cures suivantes ou de majorer les protocoles entraînant l’élimination du méthotréxate (hyperhydratation, folinate de calcium plus ou moins bicarbonate) et ainsi éviter des toxicités importantes [64] [65]. Ces modes de calcul de doses sont utilisés en routine et figurent aux RCP de ces molécules.

Pour d’autres molécules, des modes de calculs peuvent être utilisés en routine seulement dans certains centres, ou à l’étude avec des résultats encourageants mais manquent de données pour être utilisés dans la pratique courante. C’est le cas pour des médicaments anticancéreux dont le calcul des doses devrait prendre en compte le polymorphisme génétique qui est au cœur de la variabilité individuelle des paramètres pharmacocinétiques de métabolisme et d’élimination

38 [54]. Par exemple, certains patients présentant des allèles particuliers du gène codant pour différentes enzymes (thiopurine-methyltransferase, uridine-diphosphate glucuronidase) sont plus sujets aux toxicités générées respectivement par la 6-mercaptopurine et l’irinotécan [58]. De même, la perte d’activité du gène p53 entraîne une résistance au cisplatine dans les cancers ovariens [66]. Dans l’idéal, il faudrait effectuer un génotypage et un monitoring afin de déterminer pour chaque patient et chaque anticancéreux, la potentielle efficacité et lASC, ce qui permettrait d’ajuster au plus près la dose à administrer [67]. Les différents paramètres pour parvenir à éviter les variations interindividuelles (dosage d’activité des enzymes, dosage des concentrations plasmatiques, etc.) ne sont pas encore adaptés en routine et ne sont pas tous identifiés. Les techniques de dosage et les moyens mis à disposition à l’heure actuelle ne permettent pas d’avoir recours à ces méthodes en routine.

En mars 2019, une note d’information de la DGOS a été publiée, relative à la nécessité de mesurer l’uracilémie chez tous les patients dont l’activité en DPD (dihydropyrimidine dehydrogenase) n’est pas connue, avant tous traitement par fluoropyrimidines. Ce dosage est rendu obligatoire chez tous les nouveaux patients avant l’instauration de 5-FU, et chez tous les patients ayant déjà été traité par du 5-FU mais chez lesquels une recherche de déficit en DPD n’a jamais été entreprise.

Tableau 5 : Sources potentielles de variabilités (adaptée de Zavery & Marsh (2011) [68])

Enfin, la classe des anticancéreux non-cytotoxiques per os (inhibiteurs de tyrosines kinases, agents immuno-modulateurs…), ont leur posologie initiale fixée par la RCP ce sont des doses fixes qui ne dépendent plus de la SC du patient, avec des ajustements possibles selon la tolérance. Certaines thérapies ciblées par voie injectable sont prescrites en fonction du poids des patients et non en fonction de leur SC (bevacizumab, trastuzumab, etc.). Des anticorps monoclonaux (comme l’alemtuzumab, le trastuzumab, etc.) sont administrés uniquement par voie sous cutanée (Sc) à doses fixes. Le développement d’études [77]et d’essais cliniques de phases II/III ont été réalisés sur des anticorps monoclonaux (trastuzumab, rituximab) pour

39 valider l’injection Sc à doses fixes. Ainsi sur 69 molécules d’anticancéreux commercialisées en France en 2007, 80%ont une posologie adaptée à la SC, 9%adaptée au poids, 10%ont une dose fixe et 1% (carboplatine) voit sa dose adaptée au DFG [97].

Ces études montrent l’intérêt et la possibilité de standardiser le calcul de doses de ces anticorps monoclonaux et des chimiothérapies en créant des doses arrondies.

En conclusion, l’individualisation des traitements avec une seule et même variable pour l’ensemble des individus n’est pas envisageable. La prescription de doses individualisées en fonction de la SC n’est donc qu’apparente. A partir de ce constat, le principal obstacle à l’utilisation du concept de dose arrondie et des DS n’est scientifiquement pas recevable.

B. STANDARDISATION DES DOSES EN CANCEROLOGIE

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