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hydrophiles à base d’alginates

IV.2 Les alginates

Origines IV.2.1

Les alginates sont des polysaccharides naturels extraits d’algues brunes, nommées Phéophycées. Ils sont présents dans les parois cellulaires des algues sous formes de sels de sodium, de calcium et de magnésium. Ils furent découverts par Stanfort dans les années 1880, qui publia un brevet sur leur extraction par une solution alcaline.4

Les algues marines sauvages sont la principale source d’alginates car les algues cultivées ont généralement un coût trop élevé pour permettre leur production. Les principales algues exploitées relèvent des espèces suivantes : Laminaria, Ascophyllum, Fucus. Les alginates peuvent être également

produits par des bactéries telles que la Azobacter vinelendii et la Pseudomonas aeruginosa.5 Mais pour

des raisons économiques, cette voie de synthèse n’a pas été industrialisée.

Applications industrielles IV.2.2

La production annuelle mondiale d’alginates est d’environ 30 000 tonnes par an. A titre d’exemple, en

2009, elle s’élevait à 26500 tonnes pour une valeur totale de 318 millions US$.6 Les principaux pays

producteurs sont les États-Unis, la Chine et la Norvège, suivis par la France, le Royaume-Uni et le Japon. Les applications des alginates sont nombreuses et variées.7, 8 Dans l’industrie du textile, ils sont utilisés comme épaississants pour fixer le colorant. Dans l’industrie de la transformation alimentaire,

ils interviennent comme épaississants, gélifiants, émulsifiants et stabilisants8. En solution, les sels

d’alginates n’ont ni goût, ni odeur, ni couleur; ils ne modifient donc pas les qualités organoleptiques des produits de l’industrie agroalimentaire dans lesquels ils sont introduits. Les propriétés épaississantes de l’alginate sont exploitées par exemple dans les sauces, les sirops et certains produits à base de lait. Pour leur capacité de gélification en présence de cations, ils sont très utilisés dans les produits reconstitués, qu’il s’agisse de viande (steaks hachés), de poisson, de fruits ou de légumes. Les alginates de sodium sont référencés comme additif alimentaire sous le terme E 401. La forme acide, les sels de potassium, d’ammonium et de calcium ont respectivement les références E 400, E 402, E 403 et E 404. Le reste de la production est principalement dirigé vers l’industrie pharmaceutique et

celle des pâtes et papiers. Les applications pharmaceutiques et biotechnologiques sont diverses9, 10 :

Composition chimique et structure des alginates

IV.2.3

Les alginates sont des copolymères linéaires constitués de deux unités saccharidiques de base, l’acide

β-D-mannuronique (M) et l’acide α-L-guluronique (G). Ces acides uroniques sont épimères en C5, leur différence réside dans la position spatiale de la fonction acide (Figure IV.2).

Figure IV.2 : Structure de l’acide β-D-mannuronique (M) et de l’acide α-L-guluronique (G).

La chaîne de polymère est constituée de blocs d’homopolymères d’acide mannuronique (liés en β-1→4) et d’acide guluronique (liés en α-β-1→4) formés de plus de 50 unités et de blocs de copolymères

alternés plus court (environ 30 à 40 unités) (Figure IV.3).11, 12 Ces différents blocs possèdent des

conformations bien particulières. Le bloc mannuronane (MM) a une conformation chaise 4C1 (les

carbones 1 et 4 sont respectivement au-dessus et en-dessous du plan moyen de la molécule) et la liaison entre les unités est diéquatoriale. Cette structure est stabilisée par des liaisons hydrogène entre le groupe hydroxyle en C3 et l’oxygène du cycle du motif suivant. Le bloc guluronane (GG) adopte un arrangement plus rigide. La conformation chaise est de type 1C4 et la liaison entre les unités est axiale. Cette structure est également stabilisée par de fortes liaisons hydrogène entre le groupe carboxylique et le groupe hydroxyle en C2 du motif suivant. Le bloc MG est caractérisé par un enchaînement de liaisons axiales et équatoriales qui lui confèrent une certaine souplesse.

La longueur, la distribution, la proportion de ces segments ainsi que la proportion relative des deux acides uroniques varient suivant l’origine de l’alginate. La structure chimique est ainsi dépendante du type d’algues dont est extrait l’alginate, de son âge et de la période à laquelle l’algue a été récoltée.9, 12 En jouant sur le procédé d’extraction, il est possible de préparer des alginates de masses molaires très

différentes (Mw = 104-107 g mol-1). Ces différences structurales modifient les propriétés

Figure IV.3 : Structures chimiques des différents blocs composant l’alginate.

Propriétés physicochimiques IV.2.4

Les propriétés physicochimiques sont directement liées à la composition chimique de l’alginate, plus particulièrement au rapport M/G.

La solubilité des alginates en solution aqueuse dépend fortement du pH, mais également de la force ionique et de la nature du contre-ion associé. L’alginate sous sa forme basique, associé à un contre-ion

monovalent, est soluble dans l’eau. A pH acide, l’alginate peut précipiter ou former des hydrogels.13

Les pKa de l’acide mannuronique et de l’acide guluronique sont respectivement de 3,38 et de 3,65.12

Le pKa apparent de l’acide alginique peut varier de 3,7 à 4,2 en fonction de sa composition chimique

et de sa masse molaire.13 Les alginates contenant plus de sections alternées (blocs MG) précipiteront à

des valeurs de pH plus faibles que les alginates contenant plus de blocs homogènes (M et poly-G).14

Les solutions aqueuses d’alginate sont visqueuses. La viscosité dépend certes de la concentration en polymère et de la distribution en masses molaires mais aussi du rapport M/G. Des études de viscosité

ont montré que la rigidité des blocs constituant la chaîne augmentait dans l’ordre GG > MM > MG.15

En effet, la liaison diaxiale entre les unités guluronane gêne la rotation autour la liaison glucosidique. Au contraire l’alternance de motifs guluronane et mannuronane apporte une certaine souplesse à la chaîne d’alginate. Les solutions d’alginates ont un comportement de fluide non newtonien, la viscosité

Bloc poly(α-guluronane) Bloc poly(β-mannuronane)

Bloc poly(α-guluronane-alt-β-mannuronane)

Conformation 1C4 Conformation 4C1

Liaison diéquatoriale

diminue lorsqu’on augmente la vitesse de cisaillement.9 Une augmentation de la température permet aussi de diminuer la viscosité.

L’ajout de cation multivalent, comme le calcium Ca2+ ou le barium Ba2+, à une solution aqueuse

d’alginate provoque la formation d’un hydrogel par complexation de cet ion avec des blocs guluronanes de chaînes adjacentes. Pour des teneurs en calcium faibles, le gel peut être partiellement réversible. Au contraire, pour des teneurs en calcium plus élevées, on obtient des gels stables selon le

mécanisme de la « boîte à œufs » (Figure IV.4).16 Selon la théorie de Rees, en présence de cations

divalents, les zones riches en acide guluronique se disposent les unes au-dessus des autres et forment des structures de type « boîtes à œufs ». De récentes études ont montré que les blocs GG n’étaient pas les seuls impliqués dans la formation du gel, les blocs MG peuvent également être impliqués et former

des jonctions de type GG/MG ou GM/GM.17, 18

Figure IV.4 : Représentation schématique de la coordination du calcium avec des blocs guluronanes de chaînes adjacentes selon le modèle de la boîte à œufs (schéma provenant de la ref 19).

Utilisation des alginates comme stabilisant de particules IV.2.5

Les alginates ont fait l’objet de nombreuses études en raison de leur capacité à former des hydrogels en présence de cations divalents. Mais l’utilisation d’alginates comme stabilisant de particules de polymère2, 3, de particules inorganiques20, 21 ou encore de particules hybrides polymère/inorganique a très peu été décrite dans la littérature. Or ces polymères possèdent des propriétés très intéressantes : ils sont biocompatibles, biodégradables, non toxiques et leur coût est relativement faible.

Depuis quelques années, les biopolymères sont employés comme stabilisant pour la synthèse de nanoparticules métalliques biocompatibles. L’alginate a ainsi été employé dans la synthèse de particules inorganiques telles que des particules d’argent20 et d’oxydes de fer.21

Comme il a été mentionné dans le chapitre I, peu d’études ont été menées sur la synthèse de particules

de polymères produites en présence d’alginates.2, 3 Des particules de poly(méthacrylate de méthyle)

(PMMA) ont notamment été préparées en suspension dans l’eau en présence de ces polysaccharides. Cependant, ces particules mesuraient plusieurs micromètres et les alginates non modifiés étaient simplement adsorbés à la surface.

En conclusion, la formation de nanoparticules de polymère stabilisées par des alginates liés de façon covalente à la surface n’a jamais été décrite. Le caractère innovant de cette recherche est renforcé par l’utilisation d’oligomannuronanes et des oligoguluronanes bien définis.