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Les événements traumatiques et ses répercussions sur l’enfant

Caractère personne Facilités scolaires

2.3 Les événements traumatiques et ses répercussions sur l’enfant

Le cumul de difficultés (économiques, mais également familiales, sociales et liées à la santé) se répercute de manière directe sur l’ensemble du système familial. Lors de divorce, par exemple, parents et enfants vivent une « transition émotionnelle douloureuse »92, pouvant créer un « sentiment persistant de tristesse, de nostalgie, d’anxiété et de regret qui côtoie un fonctionnement psychologique et social normal »93, ceci particulièrement dans les familles précaires. La maladie d’un parent, pour citer un autre exemple, constitue également un

90ROCHE, Sébastien. Délinquance des jeunes, p. 10

Adresse URL :http://www.fnb.to/FNB/Article/Bastion_61/Jeunes.htm

91CHABERT-MENAGER, Geneviève. Des élèves en difficultés, p.113

92AMBERT, Anne-Marie. Divorce : faits, causes et conséquences, p.19 Adresse URL : http://www.vifamily.ca/library/cft/divorce_09_fr.pdf

93 Ibid. p.19

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« chamboulement émotionnel » pour la famille, notamment quand il s’agit de pathologies psychiques et de dépendances à l’alcool et aux drogues. A ce propos, Etienne Maffli attache beaucoup d’importance aux conséquences de modèles comportementaux inadéquats : « il est contestable que le fait de grandir dans une famille où l’un des deux parents a des problèmes d’alcool représente un facteur de risque sérieux pour la santé physique et mentale des enfants concernés »94.

Si nous reprenons les trajectoires de vie de nos témoins, nous constatons que de nombreux événements traumatisants ont parsemé leur parcours de vie, qu’il s’agisse du divorce de leurs parents, d’un conflit familial persistant, d’un déménagement ou de la maladie d’un parent, notamment l’alcoolisme. Parallèlement, il est intéressant de relever que plus de la moitié nous confie avoir adopté des comportements déviants pendant la période de l’enfance et/ou de l’adolescence (comportements violents et antisociaux, vols, consommation de stupéfiants) et avoir souffert de troubles psychiques pendant cette même période (état dépressif, tentatives de suicide, troubles alimentaires). Ce mal-être qui résulte de situations familiales difficiles pourrait expliquer les difficultés que rencontrent les enfants à l’école.

Dans les situations de précarité financière, les familles cumulent de nombreuses difficultés, entravant souvent le bon développement des enfants. Dans ce sens, si les enfants et adolescents issus de familles précaires se retrouvent plus fréquemment livrés à eux-mêmes, ces derniers assument davantage de responsabilités. Ces propos sont illustrés par deux de nos témoins. La première décrit comment, en tant qu’enfant, elle a dû se débrouiller, notamment lors du divorce de ses parents et de l’augmentation du pourcentage de travail de sa maman : « (…) à dix ans je faisais le dîner, je préparais tout, je m’occupais de mes sœurs tout le temps, le soir c’est moi qui les couchaient, j’aidais souvent ma mère à préparer le souper, à faire des tâches ménagères, je faisais pas mal de chose à la maison (…). J’ai eu beaucoup de responsabilités en tant qu’enfant » (témoin 6). La seconde nous a fait part des responsabilités qu’elle a prises par rapport à sa maman : « A dix ans, c’est moi qui couchais ma mère. […]. A l’adolescence, des fois, les copains m’appelaient parce que ma mère traînait dans les bars. Elle n’était même plus capable de rentrer. C’était dur, surtout quand les autres se moquaient » (témoin 3).

Ces enfants sont particulièrement bousculés, malgré le jeune âge de certains, et doivent régulièrement endosser un rôle d’adulte. En d’autres mots, il est très fréquent que les enfants de parents précaires, souvent séparés, malades et/ou isolés entrent dans un processus de « parentification ». C’est le psychiatre américain Iván Böszörményi-Nagy qui a donné naissance à ce concept dans les années 1950 pour son travail de pionnier dans le domaine de la thérapie familiale et de la psychogénéalogie. L’auteur parle de parentification lorsque : « l’enfant est appelé à donner plus que ne le voudrait son âge, sa maturation et le contexte social »95.

S’il peut s’agir d’un processus normal qui peut favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de l’autonomie, d’une manière générale, ce type relationnel n’est pas favorable au bon développement de l’enfant. Certaines études montrent effectivement des manques douloureux chez ces sujets à l’âge adulte : «La parentification peut peser lourdement sur un enfant lorsque les exigences imposées dépassent son degré de développement et s’avérer destructrice sur la suite de son parcours de vie.»96

Ainsi, nous pouvons comprendre dans quelle mesure l’environnement familial peut être responsable de différents désordres psychoaffectifs et relationnels chez les enfants de ces familles. Dans les familles précaires, le divorce des parents, les déménagements répétés, l’absence d’un parent (liée au divorce, à l’emploi, à la maladie, etc.) et/ou les changements

94MAFFLI, Etienne. Abus d’alcool : conséquences pour les proches, p.5

Adresse URL : http://www.great-aria.ch/pdf/dependances/Revues/17/1_article.pdf

95MICHARD, Pierre. La Thérapie contextuelle de Iván Böszörményi-Nagy, p.210

96Ibid. p. 212.

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d’établissements scolaires sont à l’origine de nombreuses fragilisations chez les enfants.

Ces derniers éprouvent très souvent un sentiment d’abandon et d’insécurité, qui peut être identifié dès l’entrée à l’école enfantine.

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En effet, l'entrée à l'école enfantine est une rupture violente pour l'enfant, qui doit renoncer à l'appartenance exclusive à sa famille. Il n'est plus uniquement l'enfant de ses parents mais devient également l'élève de l'école. La rencontre de ce nouveau monde bouscule l'univers mental de l'enfant, pour qui les valeurs connues deviennent moins fiables. Pour s'adapter à son nouveau monde, l'enfant effectue un travail psychique le conduisant à l'acceptation de cette double appartenance. Selon l'ouvrage des élèves en difficultés97, « la bonne insertion scolaire résulte de la capacité à s'affranchir pour un temps de sa famille parce qu'on sait qu'on y retrouvera sa place ». Ainsi, on entend bien que plus l'enfant a conscience des liens qui l'attachent à sa famille, mieux il pourra s'en défaire, car il comprend vite qu'il pourra les renouer. Au contraire, l'inadaptation pourrait être qualifiée comme une difficulté à se dégager des influences familiales, qui entraînent sans cesse ces élèves hors de la classe. Le malaise scolaire de l'élève qui ne trouve pas sa place à l'école serait alors lié à une problématique confuse de la place de l'enfant dans sa famille. Le témoignage d'une jeune femme que nous avons interrogée reprend bien ce processus. Cette personne évoque son sentiment d'exclusion vis-à-vis de l'école. Lorsque nous la questionnons concernant ce sentiment, elle répond: « peut-être trop de problème à côté de l'école, souvent on est tête en l'air et pis on n'écoute pas. Ou alors on dort mal, à cause des problèmes à la maison, et pis pendant l'école ben on n’arrive pas à suivre, on est juste à côté de la plaque » (témoin 7).

Dans ce sens, les situations et événements difficiles vécus par les enfants dans le milieu familial peuvent expliquer les difficultés que ces mêmes enfants rencontrent souvent à l’école, notamment en termes d’intégration. De plus, depuis que l’on a connaissance de la spirale infernale de la pauvreté et des ruptures familiales, on ne s’étonnera pas que les enfants de ces familles éprouvent plus souvent que les autres des difficultés à s’intégrer en classe. L’un de nos témoignages confirme exactement ce processus : « Quand j'ai commencé la troisième, on a dû déménager. Là, il y a tout qui a foiré, j'ai dû refaire la quatrième. [...]. Après deux semaines, normalement t'es acceptée à l'école mais là-bas, ils m'emmerdaient tout le temps, ils me tapaient. Pendant deux mois, [...], je ne voulais plus aller à l'école à cause de ça et c'est pour ça que j'ai dû refaire la quatrième » (témoin 2).

Figure 13 : obstacles à l’intégration scolaire

97CHABERT-MENAGER, Geneviève. Des élèves en difficultés, p. 89

Recompositions familiales

Déménagements Ruptures

familiales Déménagements

Difficultés d’intégration

Pauvreté économique Pauvreté

économique

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