1.4 Conclusion
2.1.1 Les équations fondamentales des modèles de circulation générale
Les équations primitives des écoulements océaniques dérivent des équations fondamentales de
la dynamique des fluides sur la Terre en rotation, le fluide considéré dans ces équations, l’eau de
mer, comportant du sel en concentration variable. Ces équations fondamentales sont composées des
équations de Navier Stokes (équations du mouvement), des équations de conservation de quantités
liées aux variables thermodynamiques (essentiellement la température et la salinité), de l’équation
de conservation de la masse, et d’une équation empirique d’état liant la densité d’une particule
élémentaire d’eau ρ à sa température T, sa salinité S, et à la pressionp qui s’exerce sur elle.
On s’appuie sur l’hypothèse de la terre sphérique pour écrire les équations primitives : les surfaces
géopotentielles sont supposées sphériques et la force gravitationnelle dans la direction du rayon de
la Terre, qui définit alors la direction verticale. Avec l’hypothèse de la couche mince selon laquelle la
profondeur de l’océan est très faible devant le rayon de la Terre, cela permet d’avoir une projection
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La capacité de ces adaptations est cependant limitée : les configurations côtieres dont la résolution est inférieure
aukmnécessitent l’emploi de modèles fondamentalement différents des OGCM, du fait de l’invalidation à trop haute
résolution de certaines hypothèses, notamment de l’hypothèse hydrostatique.
puis une application simple des équations dans un repère cartésien local tournant (suivant la rotation
de la Terre) dont l’origine est à la verticale de la particule de fluide considérée, à une distance de
référence par rapport au centre de la Terre (dans la suite elle sera considérée comme celle de la
surface de l’océan au repos), dont deux directions se trouvent dans le plan horizontal (orthogonal
à la verticale en repère géocentrique), dont la troisième suit la verticale, et dont le système de
coordonnées est fondé sur la mesure des distances. On note le système des coordonnées de ce repère
(x, y, z) où z est la coordonnée verticale géopotentielle locale (qui mesure donc la profondeur des
niveaux géopotentiels par rapport au niveau de référence ; on a choisi ici, et dans toute la suite, de
définir sa valeur croissante du fond vers la surface de l’océan comme cela est fait traditionnellement)
3
.
L’approximation hydrostatique, caractéristique de la circulation à grande échelle que
repré-sentent les OGCM, est également très souvent utilisée pour écrire les équations primitives : elle
revient à simplifier l’équilibre vertical de quantité de mouvement sous la forme
∂p
∂z =−ρg (2.1)
où g est l’accélération gravitationnelle. Dans cet équilibre hydrostatique, on ne tient pas compte
des accélérations verticales qui peuvent pourtant ponctuellement être importantes (par exemple
lors des phases de grandes convections) et les modèles doivent donc traiter le problème de
l’appa-rition des déséquilibres hydrostatiques. Cette approximation se fonde sur l’hypothèse selon laquelle
H
c/L
c≪1oùH
cetL
csont les distances verticales et horizontales caractéristiques de la dynamique
des océans. Cela rend cette approximation a priori inadaptée pour les modèles dont la résolution
spatiale est de moins de 1km.
La plupart des OGCM ont des équations fondamentales dérivées des équations primitives
hy-drostatiques, qui s’écrivent, dans le système de coordonnées (x, y, z) :
∂ρ
∂t +∇ ·(ρu) = 0 (2.2)
∂θ
∂t +u· ∇θ=D
θ+E
θ(2.3)
∂u
h∂t + (u· ∇)u
h+fk∧u
h+1
ρ∇
hp=D
uh+E
uh(2.4)
∂p
∂z =−ρg (2.5)
ρ=ρ(T, S, p) (2.6)
où k est le vecteur unitaire vertical,θ désigne normalement T ouS (mais l’équation (2.3) est
éga-lement valable et peut être utilisée pour d’autres variables thermodynamiques), u est le vecteur
vitesse, u
hle vecteur vitesse horizontale, f est le paramètre de Coriolis, ∇
hdésigne le gradient
ho-rizontal.E
θetE
uhregroupent les termes de forçages, de sources ou de puits respectivement pourθ
et pour la quantité de mouvement dans le plan horizontal. EnfinD
θetD
uhdésignent les termes de
3En pratique, les directions orthogonalesxetysuivent généralement les directions de la rotation de la terre (zonale)
et de sa normale (méridionale), le système (x, y, z) suivant ainsi les directions des axes du repère des coordonnées
sphériques terrestre.
diffusion et de dissipation relatifs respectivement aux équations (2.3) d’évolution des variables
ther-modynamiques θ et à l’équation (2.4) de quantité de mouvement dans le plan horizontal. D’après
les équations de Navier Stokes, on a normalement D
uh=ν∆u
hoùν est un coefficient de viscosité,
mais on verra que le choix est souvent fait de formuler autrement ce terme de dissipation.
L’approximation de Boussinesq est également très souvent employée pour simplifier ces
équa-tions : on considère que le terme de variaéqua-tions de densité δρ est négligeable dans l’équation de
conservation de la masse, tout en tenant compte des effets de la compressibilité dans l’équation
d’état
4. Cette approximation se fonde sur la caractéristique des courants océaniquesδρ/ρ≪1. Elle
conduit à l’hypothèse dite d’incompressibilité :
∇ ·u = 0 (2.7)
par simplification de l’équation de conservation de la masse (2.2), qui est la seule équation
fon-damentalement modifiée dans le système (2.2)-(2.6). Cette approximation remplace ainsi la loi de
conservation de la masse par celle de la conservation du volume. Elle est également utilisée pour
modifier dans la pratique l’équation (2.4) avec l’emploi d’une densité de référenceρ
rà la place de la
densité ρ dans le calcul du terme
1ρ
∇
hp, qui devient
1ρr
∇
hp (on néglige les variations de la densité
pour l’équilibre de quantité de mouvement, excepté dans le calcul de la force gravitationnelle). Enfin,
comme cette approximation suppose que l’on néglige une grande part des effets de compressibilité
liés aux variations de pression, elle peut être indirectement utilisée pour simplifier l’équation d’état
(2.6) sous la forme ρ=ρ(T, S, z) (l’approximation de Boussinesq étant fortement liée à l’emploi de
coordonnées verticales dérivées des mesures de profondeur z, comme on va le voir en section 2.1.2
5
).
Modèles à deux dimensions
Du fait de l’hypothèse H
c/L
c≪ 1, on rencontre également de nombreux OGCM régis par
des systèmes d’équations à 2 dimensions (sur le plan horizontal) comme les modèles QG (Quasi
Géostrophiques) ou les modèles shallow water. Les équations shallow water ou équations de
Saint-Venant sont supposées décrire l’équilibre de quantité de mouvement et de masse sur les variables
barotropes (vitesses horizontales intégrées sur la verticale et masse totale de la colonne d’eau)
dans les modèles à 3 dimensions théoriquement régis par les équations primitives hydrostatiques.
Elles sont cependant fondées sur l’approximation que le fluide est incompressible (approximation
plus forte que celle de Boussinesq), de masse volumique uniformeρ
0. Elles s’obtiennent en intégrantverticalement (sur une couche supposée mince) les équations (2.7) et (2.4), et en supprimant certains
termes négligeables
6:
∂h
∂t +∇
h·[(h+H)u
h] = 0 (2.8)
4Le fluide est alors dit quasi-incompressible.
5Cette approximation n’est pas beaucoup employée pour les modèles atmosphériques (reposant sur des équations
primitives semblables) du fait de la plus forte compressibilité de l’atmosphère, et il y a un développement important
de modèles océaniques à coordonnée verticale liée à la pression, comme le modèle HYCOM, qui ne l’utilisent pas non
plus.
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On ne détaille ici ni les conditions aux limites cinématiques imposées aux extrêmités verticales de la couche de
fluide, en particulier les conditions de surface libre, critiques pour le résultat de l’intégration, ni l’intégration des
termes de dérivation lagrangienne de la vitesse horizontale reposant sur certaines considérations supplémentaires.
∂u
h∂t + (u
h· ∇
h)u
h+fk∧u
h+g∇
hh=D
uh+E
uh(2.9)
où H est la profondeur (en valeur absolue) du fluide sous le niveau de référence (le fond de l’océan
est situé à z = −H : on suppose en effet ici et dans toute la suite que ce fond est déterminé en
fonction de x et y), h est la hauteur de la surface libre du fluide mesurée par rapport au niveau
de référence (cette surface libre est située à z = h, le terme “libre” étant associé à la possibilité
donnée par les équations àh de varier), etu
h=
h+H1R
h−H
u
hdz est la vitesse horizontale barotrope.
On peut ajouter à ces équations des équations d’évolution de température et de salinité similaires
à l’équation (2.3) pour obtenir un système océanique plus complet, sous réserve de donner une
définition cohérente aux champs de température et de salinité associés.
Certains modèles à 3 dimensions sont en fait construits comme un empilement de couches dont
l’évolution est régie par des équations ressemblant aux équations shallow water (ou QG). Dans la
pratique, des modèles MICOM (comme la plupart des modèles à coordonnée verticale isopycnale)
et HYCOM ont un mode de fonctionnement proche de ce type de modèles, bien qu’ils soient fondés
sur les équations primitives.
Paramétrisation de la physique sous-maille
L’application des équations primitives dans des modèles numériques et donc leur discrétisation
numérique à une résolution limitée, nécessite dans leur écriture l’emploi de l’hypothèse de fermeture
turbulente : les processus qui ne sont pas résolus par le modèle d’application parce que leurs échelles
sont trop faibles, sont supposés être paramétrisables en utilisant des termes dits d’effets “sous-maille”
dans les équations. Ils sont en fait supposés être caractérisés par les termes de diffusion D
θet de
dissipation D
uh(et doncD
uh).
Du fait de l’anisotropie entre les mouvements latéraux et verticaux, les paramétrisations de
la physique sous-maille se divisent en une composante latérale
7et une composante verticale. Les
composantes latérales ou verticales du terme de dissipation D
uhet du terme de diffusionD
θsont
donc en général associées à un opérateur Laplacien ou bilaplacien (biharmonique), même si dans le
cas du terme de dissipation D
uh, le respect des équations de Navier Stokes devrait conduire au seul
emploi d’un opérateur Laplacien. Verticalement, le mélange n’est important et donc paramétré que
dans la couche de mélange océanique, située sous la surface de l’océan et soumise très fortement aux
forçages atmosphériques, constituant une zone de forte turbulence. Cette paramétrisation verticale
est un problème complexe et est à l’origine du développement de plusieurs méthodes de résolution
pour le seul modèle HYCOM. Les mélanges latéraux sont généralement paramétrés d’une des deux
façons suivantes : pour φ=u
hou θ, et par extension u
h,
Laplacien D
φlat=∇ ·(A
φlat∇φ) (2.10)
Bilaplacien D
φlat= ∆(A
φlat∆φ) (2.11)
oùA
φlatest un coefficient de diffusion qui varie avec la taille des mailles du modèle (on reviendra sur
leur expression quand se posera la question du réglage de ces paramètres pour notre configuration
du Golfe de Gascogne au chapitre 4).
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