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1.3 Circulation dans le Golfe de Gascogne

1.3.2 Circulation le long du talus et sur le plateau

C’est sur le plateau et le long du talus que le cycle saisonnier est le plus important. Il existe un

déphasage entre les parties Nord et Sud de cet ensemble : les courants vers le pôle sont maximum

en été dans le Nord et en hiver dans le Sud.

Le long du talus, un courant de pente sépare la dynamique du plateau de celle de l’océan

profond. Cependant, ses instabilités au voisinage d’accidents topographiques génèrent des tourbillons

permettant des échanges entre les deux régions. Le courant de pente peut parfois dépasser le talus

et pénétrer sur le plateau, favorisant là encore les échanges.

Le courant de pente

Le courant de pente est un courant de bord Est, longeant le talus continental en moyenne vers

le pôle, dans les couches près de la surface. Il a été étudié en détails par Pingree et le Cann (1989,

1990), en particulier à l’aide de mesures courantométriques eulériennes de longue durée, en surface

et à mi-profondeur, sur la pente continentale. Certaines de ces données sont exposées en figures 1.9

et 1.10.

Le courant de pente est fortement barocline (les courants sont parfois dirigés perpendiculairement

à la pente), surtout dans la partie Sud où l’on voit par exemple en figure 1.10 que les directions des

courants mensuels moyens à 200m et 500m peuvent être opposés au niveau du point (44˚01 ;6˚58).

Dans les 500 premiers mètres sous la surface, sa vitesse moyenne est généralement de l’ordre de 5

cm.s

−1

et vers 48˚N son transport est de l’ordre de 4 Sv. Sa variation saisonnière est bien marquée :

son cycle annuel est attribué à la distribution saisonnière du vent même s’il n’est pas à proprement

parler un courant induit par le vent (qui aurait tendance à s’opposer au courant de pente le long

du plateau Armoricain, puisque venant en général de l’Ouest et du Sud-Ouest), comme on va le

voir : en été se développe le régime d’upwellings et de courant de surface vers le Sud. En hiver, la

composante sud du vent se relaxe et permet le développement du courant vers le pôle. C’est alors

que le courant présente son signal de surface le plus clair et sa plus grande extension vers le Nord.

L’existence du courant de pente sur la partie du talus au Nord du cap Ferret peut être expliquée

par les distributions du gradient de densité à grande échelle : d’après Hutnance (1984), ce gradient

méridien dans le Golfe (dirigé vers le pôle), engendre, dans les couches supérieures, un transport

vers l’Est des eaux en surface, qui viennent ainsi s’accumuler sur le plateau. La dénivellation de

surface génère alors le courant de pente en équilibre géostrophique.

Ce courant advecte les eaux du Sud vers le Nord, ce qui se traduit par un déplacement des

isopycnes vers le Nord en surface, le long du talus. En hiver, les vents d’Ouest poussent les eaux

vers l’Est sur le plateau et accentuent l’effet de pente, mais un contre courant (dirigé vers le Sud-Est),

généré par le vent sur le plateau peut s’opposer au courant de pente (dirigé vers le Nord-Ouest) le

Fig. 1.9 – Courants moyens mesurés à l’aide de mouillages de longue durée (environ 20 ans) sur la

pente. Les courants de surface, mi-profondeur et près du fond, sont respectivement indiqués par des

pointillés, des traits pleins et des traits discontinus. Source : Pingree et Le Cann (1990, 1995).

Fig. 1.10 – Courants moyens (sur 30 jours) sur la pente continentale nord espagnole (44˚01 ;6˚58).

Les axes du diagrammes sont dirigés Est-Ouest. L’échelle du diagramme c) est dilatée. Source :

Pingree et Le Cann (1990, 1995).

s’opposent également au courant de pente.

Le courant de pente favorise les échanges entre les eaux du plateau et celles de l’océan profond.

Il advecte des eaux chaudes en surface à des vitesses de plusieurs cm

−1

. Il arrive qu’il déborde sur

le plateau, répendant alors ces eaux chaudes dans les zones peu profondes. Enfin, il est à l’origine,

par son instabilité au voisinage des canyons, de tourbillons qui piègent les eaux chaudes et qui sont

déplacés vers la région d’océan profond. Il a été montré qu’à une faible pente du talus est associée

une forte pénétration de l’anomalie du niveau de la mer sur le plateau, laissant ainsi un courant de

pente large et peu intense déborder sur la région peu profonde. Inversement, plus la pente du talus

est forte, plus le courant de pente est intense et étroit, constituant alors plutôt une barrière entre

les eaux du plateau et celles du large.

En hiver, la couche de mélange peut atteindre 600mde profondeur et modifie alors la structure

verticale des isopycnes au voisinage du talus, et donc la nature du courant de pente. Les inclusions

d’eau chaude et salée le long du talus, régulièrement observées en hiver, modifient la structure

horizontale du champ de densité en surface, entre le plateau et la région de l’océan profond : une

compensation entre l’effet de pente et l’effet associé au gradient de densité local normal au talus et

dirigé vers le large peut avoir lieu, et peut affaiblir le courant de pente.

La “Navidad”

Ce phénomène apparaît dans la région méridionale du Golfe de Gascogne, à la période de Noël,

d’où son appellation de Navidad (“Nativité”) parPingree et Le Cann (1992b). Il s’agit de l’advection

épisodique d’eau superficielle chaude et salée le long de la côte Nord espagnole. D’après La Cann,

Pingree (1995), c’est le prolongement d’un courant situé sur la pente portugaise décrit parFrouin

et al. (1990). Cette advection d’eau chaude longe le talus vers le Nord et peut s’étendre jusqu’au

plateau Celtique. Cela peut être lié au fait que la Navidad s’associe à la composante de surface du

courant de pente qui s’intensifie en hiver, mais une partie de cette eau chaude semble aussi suivre

un courant résiduel vers le Nord Ouest, lié aux effets combinés du vent, du champ de densité et de

la marée. La variation interannuelle du développement de la Navidad semble être fortement corrélée

à l’oscillation Nord Atlantique (NAO : North Atlantic oscillation).

Instabilité des courants sur la pente et tourbillons océaniques

La circulation sur la pente peut devenir instable, notamment dans la partie Sud du Golfe de

Gascogne. Ces instabilités se manifestent au voisinage d’accidents topographiques, comme le canyon

du Cap Ferret.Pingree et le Cann (1992)présentent une étude des tourbillons cycloniques et

anticy-cloniques qui en résultent et qu’ils appellent SWODDIES (SWODDY : Slope Water Oceanic eDDY).

Leur diamètre est voisin des 100 km, leur coeur contenant les eaux chaudes et salées du courant de

pente est situé entre environ 70 met 280m de profondeur, et leur passage peut être repéré jusqu’à

1500 m. Ces structures se déplacent ensuite dans l’Océan, globalement dans la direction Ouest, à

des vitesses de l’ordre de 2 km/jour.

Les courants moyens générés par le vent

Pingree et le Cann (1989)montrent, à l’aide de simulations dans le Golfe de Gascogne, que la

circulation induite par le vent sur le plateau continental est faible (les courants sont inférieurs à 5

cm.s

1

). La tendance générale de cette faible circulation à être dirigée vers le Sud Est est consistante

avec la prédominance des vents d’Ouest et Sud-Ouest.

Autres courants générés sur le plateau Armoricain

Pendant l’hiver, des eaux froides et de faible salinité se concentrent près des estuaires sur le

plateau continental. Cela crée des inversions thermiques et donc des courants de densité orientés

généralement vers le Nord. En profondeur, une couche d’inversion oriente les courants de densité

vers les estuaires. Ces courants sont fréquemment affectés par la circulation induite par le vent.

Près de la côte du plateau Armoricain, un courant relativement persistent, présenté dansPingree

et le Cann (1989), circule vers le Nord Ouest (avec des vitesses moyennes de l’ordre de 3cm.s

1

),

en bordant les côtes françaises et en traversant la Manche vers la Cornouaille Anglaise. On l’associe

avec le “courant de Renell” dont l’existence en tant que courant persistent à l’entrée de la Manche

a été désaprouvée (cfPingree et le Cann (1989)).

Les upwellings côtiers

Les upwellings se développent en général en été (d’Avril à Octobre) le long des côtes de

l’At-lantique Nord-Est. Les vents parallèles aux côtes poussent les eaux de surface vers le large. Les

eaux plus profondes et plus froides viennent remplacer les eaux de surface balayées par le vent. Les

upwellings le long des côtes Nord de l’Espagne se produisent surtout en Juin, générés par un vent

d’Est (Lavìn et al., 1998). Au large de l’estuaire de la Gironde, un vent du Nord crée également

souvent des upwellings locaux, en été (Jegou et Lazure, 1995).

Le transport des eaux vers le large est principalement concentré dans les filaments d’upwelling,

sur une épaisseur de 100 à 200 m. Ces filaments s’étalent vers le large perpendiculairement aux

côtes, jusqu’à des distances pouvant atteindre 200 km.