Le fonctionnement de la coordonnée hybride repose sur la procédure d’ajustement “grid
gene-rator” dont on va présenter le principe. Du fait que le mode d’évolution de la coordonnée hybride
ne concerne réellement que les variables baroclines du modèle HYCOM, par souci de simplification
d’écritures, on utilisera le termep pour parler des profondeurs des couches baroclines dans la suite
de cette section sur le fonctionnement de la coordonnée hybride, sans qu’il y ait de confusion
pos-sible. Il faut noter de toute façon que la faiblesse des différences entre p etp
′est toujours vérifiée
(η << 1), et que le problème de la rediscrétisation verticale posé ici ne fait pas intervenir de
dé-rivées de pression qui seraient très différentes selon l’emploi de p ou de p
′. On parlera ici comme
on l’a déjà fait précédemment de profondeur ou d’épaisseur de couches en terme de pression (on
rappelle que la pression dans HYCOM est mesurée relativement à la surface) et de différence de
pression. Cependant, du fait de la prise en compte des effets de compressibilité par le modèle, la
pression de fond n’évolue pas comme la hauteur d’eau H
tot=H+hà proprement parler (calculée
en profondeurs réelles), que l’application du “grid generator” doit conserver. L’estimation de H
totpour le modèle HYCOM est réalisée à l’aide de l’équation (2.15).
Comme on l’a vu, la coordonnée hybride s ne peut pas être utilisée pour l’application des
équations : elle ne fait qu’obéir à un mode d’évolution lié, dans la représentation du modèle en
couches (C
i)
i∈[1,nc], à des contraintes d’épaisseurs minimales sur ces couches, et à la donnée de
densités (potentielles) cibles ρˆ
i=
αˆ1i
pour chaque couche, ces densités potentielles cibles étant
croissantes en parcourant les couches de la colonne d’eau vers le fond
14.
Le but de la procédure d’évolution de la coordonnée hybride est premièrement, comme on l’a
introduit, tout en maintenant l’équilibre hydrostatique, de gérer les flux de masse verticaux ( ˙s
∂p∂s) à
travers les interfacesI
ide démarcation entre les couches(C
i)du modèle, qui définissent les niveaux
de discrétisation de la coordonnées (ce sont les interfaces I
iqui permettent de définir des surfaces
s=csteet non l’inverse). Les flux de masse verticaux sont en fait modélisés par des épaississements
ou des rétrécissements des couches qui ne doivent pas violer les contraintes d’épaisseurs minimales
près de la surface
15. Deuxièmement, cette procédure doit au mieux (l’expression “au mieux” prenant
toute son importance dans les zones de transition) faire en sorte
(i) que la coordonnée s soit liée à des niveaux de profondeur p en zone peu stratifiée ou près
de la surface, c’est à dire, plus précisément ici, que les portions d’une interface I
iqui se trouvent
dans des zones peu stratifiées ou près de la surface soient fixées à une profondeur p
mli
(les p
ml isont
croissants en parcourant les couches de la colonne d’eau vers le fond),
(ii) que la coordonnées soit liée à des niveaux σ(p) dans les zones peu profondes, c’est à dire,
plus précisément ici, que les portions d’une interfaceI
iqui se trouvent dans des zones peu profondes
soient fixées à un niveau σ(p)
swi(les σ(p)
swisont croissants en parcourant les couches de la colonne
d’eau vers le fond),
(iii) que la coordonnéessoit liée à des niveaux de profondeur pen zone trop peu profonde pour
qu’elle soit liée à des niveaux σ(p) suffisamment écartés, c’est à dire, plus précisément ici, que les
portions d’une interface I
iqui se trouvent dans des zones trop peu profondes pour que les σ(p)
swi14
Elles sont fixées par l’utilisateur du modèle HYCOM.
15introduits précédemment y soient suffisamment écartés, soient fixées à une profondeur p
swi(les p
swisont inférieurs aux p
mliet toujours croissants en parcourant les couches de la colonne d’eau vers le
fond),
(iv) que la coordonnée s soit isopycnale dans l’océan intérieur bien stratifié, c’est à dire, plus
précisément ici, que la densité ρ
idans les portions d’une couche C
iqui se trouve dans l’océan
intérieur bien stratifié ait atteint la valeur cible ρˆ
i.Quoiqu’il en soit, la pression est utilisée pour repérer la profondeur des interfaces I
iet les
épaisseurs des couches C
i.
Suivant les options prises par l’utilisateur, il est possible que certaines couches du modèle
HY-COM ne peuvent pas adopter un mode de fonctionnement hybride, c’est à dire un mode de
fonc-tionnement où leurs interfaces ne sont pas fixées à leur profondeur minimale, et où leur densité cible
n’est pas atteinte
16: ces couches sont alors forcément isopycnales et sont forcément les couches
in-férieures de l’océan. Une couche isopycnaleC
ia en chaque point une épaisseur nulle ou une densité
fixée à sa densité cible : ρ
i= ˆρ
i. Dans notre cas, toutes les couches pourront adopter un mode de
fonctionnement hybride. On voit, d’après les objectifs (i)-(iv) fixés précédemment, que quoi qu’il
en soit, les problèmes de faible stratification ne sont gérés que vers la surface de l’océan et que les
questions d’épaisseurs de couches minimales ne concernent que les couches supérieures de l’océan.
Les couches du fond peuvent avoir une épaisseur nulle (cela permet d’éviter certains problèmes
spécifiques liés à l’emploi de la coordonnée p près de la topographie de fond).
Le schéma d’ajustement de la coordonnée hybride est appliqué à la fin de chaque pas de temps
barocline (cette dernière procédure ajustant les déséquilibres créés par les autres procédures).
L’ap-plication des objectifs précédents ne doit pas violer des contraintes physiques comme la positivité
des épaisseurs de couche ∆p
i, la constance de la pression de fond barocline qui est la somme des
épaisseurs de couches, et la conservation de la hauteur de la colonne d’eau H
totqui a été
diag-nostiquée par l’application des équations (2.19), (2.20), (2.21), (2.22) et (2.23) et des procédures
associées autres que le “grid generator” (afin de préserver l’équilibre géostrophique sur l’ensemble
de la colonne d’eau). L’ajustement consiste à faire échanger des masses d’eau entre les couches pour
conserver, quand c’est possible, le caractère isopycnal de certaines zones des couches, ou du moins
pour faire en sorte que la densité des couches se rapproche de leur densité cible. Si les échanges
ne sont pas permis du fait des contraintes d’épaisseurs minimales de couches et donc indirectement
de la faible stratification du modèle, les zones isopycnales des couches perdront ce caractère et
deviendront à proprement parler hybrides (les zones hybrides le resteront), si elles ne voient pas
leurs interfaces atteindre leur profondeur minimale et donc devenir des niveaux p (ou σ(p) dans
des cas extrêmes où la configuration permet à des couches suivant cette coordonnée de reposer sur
des couches à proprement parler hybrides). Inversement, la restratification de l’océan permettra à
certaines couches d’échanger des masses d’eau pour transformer des portions de couches fixées à
des niveaux p en portions de couche hybrides, et à des portions de couches hybrides de devenir
isopycnales, et donc de rétablir au mieux les conditions isopycnales.
L’algorithme choisi fonctionne localement sur la verticale (on ne considère même que trois
couches successives à chaque opération d’ajustement des épaisseurs de couche). Les échanges de
masse entre les couches sont directement calculés à partir des écarts entre les densités des couches
et la densité cible associée. On illustre le fonctionnement de cet algorithme à travers l’exemple
particulier de l’ajustement local de l’épaisseur d’une couche initialement isopyncale et d’épaisseur
non nulle (un traitement particulier est donné aux couches d’épaisseur nulle que l’on peut trouver
au fond de la colonne d’eau) au point considéré, exemple par ailleurs présenté dans l’annexe C de
16
Dans notre terminologie, le mode de fonctionnement hybride s’oppose à l’ensemble des modes de fonctionnement
en coordonnéez,σou isopycnale.
Bleck (2002) :
On considère sur une verticale, trois couches successives,C
k−1,C
ketC
k+1, où l’on suppose queC
kétait isopycnale à la fin de la dernière mise en oeuvre du “grid generator”, ces couches étant de
volume spécifique α
k−1, α
ket α
k+1(après traitement des équations du modèle au pas de temps
considéré) et de volume spécifique de référence (cible) αˆ
k−1,αˆ
ket αˆ
k+1. L’interfaceI
idésigne
l’interface inférieure de la couche C
i, et elle repérée par la pressionp
i. L’épaisseur de la coucheC
kest non nulle : (∆p)
k>0. Du fait du traitement spécial apporté à la couche C
1au sommet de la
colonne d’eau, on doit en fait considérer k >2.
p
C
k+1C
k−1C
kI
k+1I
kI
k−1I
k−2Fig. 2.5 – Position de C
k−1,C
ketC
k+1sur la verticale considérée
On suppose queα
kdevienne différent deαˆ
k(suivant les effets de l’application des transports
laté-raux de (2.19) et/ou des conditions aux limites). Afin de restaurer la condition isopycnale (α
k= ˆα
k)
tout en préservant la hauteur totale de la colonne d’eau, donnée parH
tot=
1gR
αdp, on va
rediscré-tiser celle-ci en déplaçant sur les niveaux de pression une ou plusieurs interfaceI
i(de la profondeur
p
ià la profondeurpˆ
i). Si la condition isopycnale ne peut être atteinte du fait de l’amincissement tropimportant d’une des trois couches, elle ne sera pas restaurée mais seulement approchée en fixant α
kà α˜
ket les I
iaux profondeursp˜
i.La méthode la plus simple (du type “donor cell”) consiste à ne déplacer qu’une interface deC
kdans le sens de son épaississement : si C
kest trop dense, on déplacera I
k−1vers la surface, si C
kn’est pas assez dense, on déplacera I
kvers le fond. Cette méthode pose problème si la couche de
fond n’est pas assez épaisse.
1er cas :α
k<αˆ
kLa masse est échangée entre les couches C
ket C
k−1et l’on déplace I
k−1vers la surface. La
conservation de H
totnécessite
α
k−1(p
k−1−p
k−2) +α
k(p
k−p
k−1) =α
k−1(ˆp
k−1−p
k−2) + ˆα
k(p
k−pˆ
k−1) (2.28)
ce qui donne
ˆ
p
k−1= p
k−1(α
k−1−α
k) +p
k(α
k−αˆ
k)
α
k−1−αˆ
k(2.29)
Le terme (α
k−αˆ
k) étant négatif, on ne peut imposer avec ce calcul que pˆ
k−1> p
k−2. Afin
d’assurer une épaisseur minimale à C
k−1on déplace en réalité I
kà la profondeurp˜
k−1telle que :
˜
p
k−1=p
k−2+ (∆˜p)
k−1(2.30)
où (∆˜p)
k−1est fonction de la différence (∆ˆp)
k−1= ˆp
k−1−p
k−2. Si p˜
k−16= ˆp
k−1,C
kaura alors un
volume spécifique α˜
kdifférent de αˆ
ket la condition isopycnale ne sera plus respectée.
Pour avoir une transition lisse des épaisseurs de couches non isopycnales aux épaisseurs de
couches isopycnales, l’épaisseur finale (∆˜p)
k−1de la couche C
k−1est définie comme une fonction
continûment différentiable de(∆ˆp)
k−1. C’est la cas avec la définition suivante que l’on utilisera dansnotre configuration :
(∆˜p)
k−1=
(∆ˆp)
k−1si
(∆ˆp)k−1 δk−1>4
δ
k−11 +
13(∆ˆp)k−1 2δk−1
+ 1
2si −2<
(∆ˆp)k−1 δk−1<4
δ
k−1si −2>
(∆ˆp)k−1 δk−1(2.31)
où les δ
isont les épaisseurs des couches C
iquand leurs deux interfaces sont fixées à leurs niveaux
minimauxp
mli,σ(p)
swioup
swiqu’on (l’utilisateur) leur a assigné (soit, pour reprendre les expressions
usuelles, lorsque les couches sont, sous-entendu localement, “en mode de coordonnéez” ou “en mode
de coordonnée σ” même si a priori une couche peut atteindre cette épaisseur minimaleδ
isans suivre
l’un de ces modes, en ayant au dessus d’elle au moins une couche qui n’a pas atteint son épaisseur
minimale). Ainsi, en zone d’eau profonde, δ
i=p
mli−p
mli−1.
HYCOM estime en fait lors de l’initialisation du modèle lesδ
ien fonction des positions
horizon-tales de la façon suivante : en appellantp[σ(p)]la profondeur locale d’un niveauσ(p), la profondeur
minimale d’une interfaceI
iest donnée parmin(p
mli, max(p
swi, p[σ(p)
swi])). Ainsi, en zone d’eau
pro-fonde,p[σ(p)
swi]> p
mliet les épaisseurs minimales de couchesδ
isont fixées par les pressionsp
mli. En
zone d’eau peu profonde ou les niveaux σ(p)
swi
sont suffisamment espacés, p
swi
< p[σ(p)
swi
]< p
ml iet les δ
isont fixées par les niveaux σ(p)
swi. Enfin, lorsque les niveaux σ(p)
switendent à être trop
resserrés, p
swi> p[σ(p)
swi]et lesδ
isont fixées par les niveaux p
swi.
L’utilisateur peut déclarer qu’un certain nombre des couches ne pourront pas passer en mode
σ (ce sera notre cas) et que dans ce cas les couches inférieures sont soit en mode z (c’est le cas
le plus fréquent), soit en mode hybride, soit en mode isopycnal. Dans ce cas ou dans le cas ou les
niveaux p
mli
etσ(p)
swi
ont des valeurs importantes, il est possible que des effets de la circulation ou
de la géométrie de la configuration amènent à une situation où des couches en modeσ reposent sur
des couches en mode hybride ou isopycnal. Mais dans le cas général, les déplacements d’interface
évoqués ici n’apparaissent qu’en eau profonde, à la verticale de couches en mode z. Dans les zones
peu profondes ou la coordonnée sest identifiable à la coordonnée z ou σ sur toute la verticale, on
peut écrire s˙= 0 et donc ( ˙s
∂p∂s) = 0 et l’algorithme “grid generator” n’a rien à gérer.
Entre la portion où (∆˜p)
k−1est constante à la valeur minimale δ
k−1(ce qui est normalement
lié au fait que l’on impose àC
k−1d’être en mode de coordonnée zou σ) et celle où cette épaisseur
vaut en fait (∆ˆp)
k−1(la couche C
krestant donc isopycnale), (∆˜p)
k−1est fonction parabolique de
(∆ˆp)
k−1(etC
kentre alors en mode à proprement parler hybride). Toute cette mise au point est
in-dépendante de la nature du voisinage latéral. On n’évoque pas ici l’usage en pratique d’algorithmes
supplémentaires pour assurer, par exemple, que l’écart |α˜
k−αˆ
k|ne dépasse pas certains seuils de
tolérance (ce problème est lié à la réactualisation des autres variables thermodynamiques,
réactua-lisation évoquée dans la suite). On peut noter cependant qu’il n’y a qu’un pas de temps sur deux
où l’on traite notre cas 1α
k<αˆ
kcombiné avec le cas où C
k−1n’est pas assez dense (α
k−1>αˆ
k−1)
et n’est pas en mode z pour éviter certains problèmes.
Deux cas de figure se présentent :
-p˜
k−1≤p
k−1I
k−1est bien déplacée vers la surface et on apporte de l’eau moins dense à C
kdont le nouveau
volume spécifique α˜
kest plus proche deαˆ
kque son volume spécifique de départ α
k(quand il n’est
pas tout simplement égal à αˆ
k). La conservation deH
totdonne :
˜
α
k= α
k(p
k−p
k−1) +α
k−2(p
k−1−p˜
k−1)
p
k−p˜
k−1(2.32)
-p˜
k−1> p
k−1Ce cas de figure se traduit également de la façon suivante :(∆˜p)
k−1[(∆ˆp)
k−1]>(∆p)
k−1ce qui
n’est possible que si−2<
(∆ˆp)k−1δk−1
<4soit donc en particulier siC
k−1n’était pas isopycnale et que
(∆p)
k−1n’est que très faiblement supérieure à (∆ˆp)
k−1.Ici le phénomène inverse à ce qu’on espérait se produit et C
kfournit de l’eau plus dense à
C
k−1. Le volume spécifique de C
kn’est alors pas modifiée à l’inverse de celui de C
k−1(ce qui est
souhaitable puisqueC
k−1n’était pas isopycnale) qui devient en suivant la conservation deH
tot:
˜
α
k−1= α
k(˜p
k−1−p
k−1) +α
k−1(p
k−1−p
k−2)
˜
p
k−1−p
k−2(2.33)
On devra ajuster p˜
k−1pour que la couche C
kait une épaisseur minimale si C
k+1n’est pas
d’épaisseur nulle (les couches d’épaiseurs nulles se trouvent toutes au fond de la colonne d’eau). La
détermination de l’épaisseur minimale et dep˜
k−1est alors un peu plus complexe (on n’en donne pas
le détail), peut appeler au déplacement deI
k, et donc également à veiller à ce que cette couche, si
elle n’est pas au fond, conserve une épaisseur minimale. Cela nécessite la combinaison de
comparai-sons avec les quantités δ
k,(∆p)
k+1/2et une fonction de lissage similaire à celle donnée en équation
(2.31) appliquée en couche C
k+1avec la donnée δ
k+1.
2e cas : α
k>αˆ
kOn suppose d’abord que C
k+1n’est pas d’épaisseur nulle et qu’on ne touche pas le fond de la
colonne d’eau avec C
k. La masse est échangée entre les couchesC
ketC
k+1et l’on déplace I
kvers
le fond. La conservation de H
totnécessite
α
k(p
k−p
k−1) +α
k+1(p
k+1−p
k) = ˆα
k(ˆp
k−p
k−1) +α
k+1(p
k+1−pˆ
k) (2.34)
ce qui induirait le déplacement de I
kvers :
ˆ
p
k= p
k−1(ˆα
k−α
k) +p
k(α
k−α
k+1)
ˆ
α
k−α
k+1(2.35)
Ici encore on déplace en fait I
kà p˜
ktelle qu’une épaiseur de couche minimale soit assurée à
˜
p
k=p
k+1−(∆˜p)
k+1(2.36)
On ne rentre pas dans le détail du calcul de cette épaisseur de couche minimale qui compare
(∆p)k+12