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Le transfert de la lecture publique des municipalités à la communauté d’agglomérations est effectif depuis le 1er janvier 2005 et résulte d’un état des lieux préalable soulignant les insuffisances des locaux et des taux de pénétration de l’ensemble des bibliothèques du territoire. Le transfert des compétences en matière de lecture publique des municipalités à la communauté d’agglomération Plaine Commune avait pour objectif la

- 86 - construction de 20 000 m2 de bâtiments, une modernisation des services, la mutualisation et la mise en réseau des documents et ressources.

Les missions de la mise en réseau sont les suivantes, telles qu’elles ont été définies par la Charte des médiathèques de Plaine Commune, délibérée lors du Conseil Communautaire du 16 décembre 2004 :

• « Mettre en œuvre un accès équitable des habitants aux documents et services proposés par les médiathèques, afin de favoriser :

-la pratique personnelle en matière de culture mais aussi de loisirs,

-la construction de références communes et de l’esprit critique et citoyen, -la formation individuelle et l’auto-formation.

•Contribuer à l’attractivité du territoire :

-participer à l’aménagement des quartiers par l’implantation des médiathèques dans des projets urbains structurants,

-contribuer au maillage du territoire en matière d’équipements ».

Le réseau de bibliothèques regroupant l’ensemble des bibliothèques municipales se constitue donc à partir de 2005 et, dans son site, présenté ainsi par la communauté d’agglomération : « Depuis le 1er janvier 2005, la compétence de la lecture publique a été transférée à Plaine Commune par les villes de l'agglomération. Cela représente aujourd'hui un réseau réparti sur les huit villes et comprenant : 23 bibliothèques ou médiathèques, 3 bibliobus, 45 000 usagers, 1 million de documents (50 000 nouveautés par an). Ces structures sont ouvertes à tous et vous offrent livres, revues, journaux, BD ou encore CD et films... Elles fonctionnent désormais en réseau. Cela signifie concrètement que quel que soit votre lieu d’inscription, vous pouvez emprunter et réserver dans n’importe laquelle des 23 médiathèques des 8 villes de Plaine Commune. »28

Le passage à Plaine Commune a permis à des villes qui n’avaient plus les moyens de monter en puissance, de se mettre à jour et d’envisager la construction de nouvelles médiathèques qu’elles avaient parmi leurs projets depuis des années. Les bibliothèques étaient vieillissantes et étaient en train de s’appauvrir dans un mouvement qui semblait accompagner le déclin des quartiers où elles se trouvaient. Et les bibliothécaires en sont conscients : « C’est

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- 87 - vrai que Plaine Commune nous a permis aussi d’autres choses quand même, dans le sens où petit à petit les villes étaient en train aussi de perdre, petit à petit… Par exemple, au niveau de Stains, chaque année c’était un budget en diminution donc, ça aussi, c'est-à-dire que le budget de fonctionnement des médiathèques chaque année diminuait. A un tel point qu’on a été les dernières années, on a énormément touché au niveau des périodiques, le nombre a bien diminué, on commençait petit à petit à diminuer l’argent qu’on avait pour les livres et les CD… Alors que Plaine Commune a permis de rester à niveau. »

Pendant la période où nous avons réalisé notre enquête, de nouvelles et très modernes médiathèques avaient déjà été inaugurées, d’autres ont suivi ou sont en cours de construction. A Saint-Denis, les médiathèques Gulliver, à l’intersection des quartiers Saussaie-Floréal- Courtille, Don Quichotte, dans le quartier de La Plaine, et le Centre de ressource lecture Aladin dans le quartier Romain Rolland ; à Stains, la fermeture de la bibliothèque Jules Vallès et l’ouverture de la médiathèque du Temps libre29. Ces constructions se sont inscrites dans le cadre de projets de « rénovation urbaine » des quartiers respectifs. Dans le cas de Gulliver et de la médiathèque du Temps libre, les nouveaux équipements ont remplacé des bibliothèques anciennes qui étaient situées dans des locaux inadaptés, obscurs, vétustes, difficiles à trouver, avec les grilles soudées aux cadres des fenêtres (comme dans le cas de l’ancienne bibliothèque Jules Vallès à Stains) ou avec des parties inutilisables suite à des dégâts des eaux (comme dans le cas de la bibliothèque Romain Rolland à Saint-Denis).

Cette politique très active d’investissement par la rénovation ou la construction de nouvelles bibliothèques se fait également par une incitation très forte à la rationalisation des collections en vue de proposer une offre plus adaptée au public potentiel des quartiers. En effet, le principal souci des autorités est la faible connexion entre les bibliothèques et leurs quartiers. Connexion qui trouve une mesure claire : le taux d’inscrits aux bibliothèques, ce qui dans le jargon de la lecture publique se dit « le taux de pénétration ». Seul 10% de la population des villes de l’agglomération sont inscrites dans les bibliothèques municipales, et ceci paradoxalement dans des bibliothèques qui possèdent des collections très riches (si on compte le nombre de volumes) et très anciennement implantées30. Ainsi, la bibliothèque d’un

29 La médiathèque Gulliver était ouverte depuis 2004, Don Quichotte, Aladin et la médiathèque du Temps libre

furent inaugurées pendant notre enquête. Plaine Commune annonce que : « D'ici 2015, Plaine Commune construit 4 médiathèques d'environ 2500 m2 chacune et 2 équipements de proximité de 800 m2 ce qui contribue à l’aménagement des quartiers et au maillage du territoire en matière d’équipements. De plus la Communauté d'agglomération rénove chaque année un des équipements transférés par les villes. » Source : http://www.mediatheques-plainecommune.fr/opacwebaloes/index.aspx?IdPage=98 , consulté le 25 mars 2010.

30 Ce taux est en augmentation, il était de moins de 9% en 2008. Rappelons que le taux est de 15,45% pour la

- 88 - quartier de 6 000 habitants pouvait avoir une collection de plus de 35 000 livres, 8 000 disques en vinyle et 5 000 CD et se trouver pratiquement désertée, notamment par le public adulte. Il faut ajouter à cette situation le fait de l’ancienneté du personnel. Dû probablement à un faible recrutement, si on considère le personnel présent avant le transfert à Plaine commune, l’âge moyen des bibliothécaires était de près de 47 ans (femmes et hommes confondus), plus de 42% des interviewés étaient âgés de plus de 50 ans et seulement 2 personnes avaient moins de 35 ans au moment de l’enquête. En moyenne, ces personnes travaillaient dans les bibliothèques depuis plus de 19 ans et 40% des interviewés travaillaient en bibliothèque depuis plus de 20 ans. 33% de nos interviewés travaillaient dans la même bibliothèque depuis plus de 15 ans.31

Les bibliothèques de ces villes communistes bénéficient, dans l’univers de la lecture publique, d’une bonne réputation dues à un investissement pionnier dans la lecture publique et dans la création des bibliothèques de quartier. Cependant, au moment du transfert de l’orbite municipale vers celle de la communauté d’agglomérations, les bibliothèques ressemblent plutôt à l’image de la bibliothèque poussiéreuse, vieillie, peu adaptée aux nouvelles exigences imposées par le changement des pratiques culturelles, des nouvelles technologies. C’est l’occasion de la mise en place d’une nouvelle politique de lecture publique qui répond aussi à un changement dans la vision des quartiers de la part des autorités, à un changement dans la vision qu’ils ont des populations et du rôle que les bibliothèques doivent y jouer. C’est dans ce sens qu’à la montée en puissance de l’action publique, suite à l’augmentation du budget, s’ajoute une dynamique de « modernisation ».