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2. Méthode d’analyse

3.8. Ce qu’apportent les parties de cours au traitement des médias et de l’opinion

3.8.1. Le traitement de la question généralement chronologique

Dans une question qui se propose de réaliser une progression de l’étude des médias face à l’opinion publique depuis l’affaire Dreyfus, avec de plus, des indications chronologiques formulée par la fiche de ressources, les manuels disposaient pratiquement d’un plan prêt sous les yeux pour construire leurs démarches et ainsi construire un plan de cours. Ces derniers s’articulent sur une progression chronologique pour la plupart, que cette option soit explicite ou non dans les titres des parties : « L’État et le début de la révolution audiovisuelle (1939- 1967)140 ou « Les nouveaux rapports entre médias, opinion et démocratie à l’ère de la culture d’écran »141. Ce découpage chronologique se recoupe entre les différents manuels avec des éléments de ruptures qui se rejoignent pour certains d’entre eux-

139 Fiche Eduscol, « Propositions pour la mise en œuvre de la question », p.2 140 Manuel Nathan de Guillaume Le Quintrec, page 140.

90 mêmes s’ils ne sont pas visibles sur l’ensemble des manuels du corpus. Dans un premier temps, l’une des bases communes des manuels se trouve être les années 1880 avec notamment la loi du 29 juillet 1881 qui proclame la liberté de la presse par la Troisième République naissante. C’est une date signalée d’ailleurs par la fiche Eduscol pour son importance dans le domaine politique et lui assure un contexte favorable142. S’entame alors ce que on voit apparaître dans certains manuels cette période d’un « âge d’or » que ce soit dans les cours ou bien dans les autres parties des manuels que j’ai pu mentionné. Cet « âge d’or » s’arrête avec la Première Guerre mondiale qui constitue une première rupture dans le déroulement chronologique de ces parties de cours. En effet, dans plusieurs manuels, on retrouve la rupture causée par la Première Guerre mondiale, et le plus souvent en 1918. Cette date marque la fin du premier conflit mondial, mais également la fin d’une première période de censure appliqué malgré la conservation du régime républicain143. Tantôt avant, tantôt après, la seconde rupture dans ces chapitres intervient au moment du second conflit mondial, autre rupture marquée par les manuels en raison des bouleversements politiques mais également dans le fonctionnement de la presse et dans l’expression de l’opinion publique dont les libertés sont contraintes ou bien exprimées dans la clandestinité.

Le retour d’un régime démocratique remet ensuite les médias et l’opinion publique au centre des préoccupations générales des manuels, même si parfois la prééminence d’une histoire des médias se fait sentir dans certains paragraphes. Une certaine continuité est assurée par les médias dans cette période de l’après- guerre pour les médias, malgré la diversité qui se manifeste dans les supports médiatiques par la baisse d’audience de la presse quotidienne pour des changements de comportement de la part des Français. La domination de la radio et l’apparition de la télévision qui prend de l’ampleur dans les années 1960 sont des thématiques choisies par le manuel Hachette de 2012 plutôt qu’un découpage chronologique144. 1968, ou la fin des années 1970 pour les manuels Magnard, constitue une nouvelle date charnière dans le traitement des médias et de l’opinion publique dans les crises politiques en France par la critique des médias et de leur

142 Fiche Eduscol, « Orientations pour la mise en œuvre de la question », p.2

143 Jeanneney, Jean-Noël, Une histoire des médias, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 2015 et

D’Almeida, Fabrice, Delporte, Christian, Histoire des médias de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003.

91 contrôle par l’État. Et si les contestations de mai-juin 1968 sont mises en avant par la critique des médias, la fiche Eduscol précise le lien avec un mouvement plus général touchant une large partie de la société française. Cette fin des années 1960 et début des années 1970 marque le passage dans une nouvelle période dans l’histoire des médias, une période de libéralisation et l’entrée dans « l’ère de la communication »145. L’après-1968 n’est pas une période largement mise en avant dans la fiche Eduscol dans la mesure où la fiche de ressource explicite des crises politiques et non pas l’ensemble de la conduite du chapitre. Ici, les auteurs de manuels se réfèrent aux travaux d’historiens des médias à l’image de la production de Fabrice d’Almeida et de Christian Delporte, cités par cette même fiche, mais je signale également les apports de Jean-Noël Jeanneney146. Pour ce second XXe siècle, les découpages chronologiques font moins consensus entre les manuels avec soit des découpages par décennies par exemple147 ou encore dans les années 1980148.

Plusieurs dates apparaissent pour baliser ce second XXe siècle pour l’histoire des médias. On trouve effectivement la date de l’éclatement de l’ORTF sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et lancer le mouvement de la privatisation des chaînes de télévision dans les années 1980 précédés par la loi de 1982 sur la fin du monopole de l’État sur les médias. Une période de libéralisation par des décisions politiques, que tous les manuels abordent mais qui ne permettent pas de l’associer à l’opinion publique. En revanche, cela permet de poser les jalons de la fin du XXe siècle au regard de la consommation médiatique par la population par une offre diversifiée, renouvelée également avec un changement du rôle des médias s’affirmant en tant que communicant en lien avec certaines forces politiques149. L’opinion publique fait sa réapparition au moment décrit par la fiche Eduscol, c’est-à-dire entre les années 1990 et 2000 au moment de l’irruption d’internet, d’une nouvelle approche de l’information et des médias de la part de la population et d’une certaine défiance de leur part qui se manifeste également par

145 Manuels Magnard de 2012 page 146 et de 2014 page 108.

146 Jeanneney, Jean-Noël, Une histoire des médias des origines à nos jours, Paris, Le Seuil, 1996.

Première édition en 1996, cinquième édition parue en 2015 après réactualisation.

147 Manuels Magnard de 2012 page 146 et de 2014 page 108.

148 Manuel Nathan de 2012 de Sébastien Cote page 136 et un changement de partie en 1981. 149 D’Almeida, Fabrice, Delporte, Christian, Histoire des médias de la Grande Guerre à nos jours,

92 une volonté de participation et de mobilisation des citoyens pour les citoyens. Les réseaux sociaux modifient également les comportements, dans ce qu’Eduscol nomme la « démocratie d’opinion » suscitant la défiance et qui fait partie des champs de recherches les plus récentes des historiens des médias.