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2. Méthode d’analyse

3.4. La Seconde Guerre mondiale et la défaite de 1940

3.4.1. Faire de l’histoire des médias, mais avec quel média ?

Je pars d’abord avec un premier constat. Ce chapitre doit mettre en confrontation les médias et l’opinion publique et la fiche Eduscol nous indique que les médias qui sont mobilisés pendant la Seconde Guerre mondiale et la défaite de 1940 sont la presse et la radio87. Grâce au recensement des documents que j’ai pu faire dans les pages des manuels scolaires, je dénombre 47 documents, soit dans la moyenne des documents des études depuis le début de ce mémoire. En

65 revanche, la répartition de ces derniers est largement différence de ce que j’ai pu constater auparavant. Sur ces 47 documents issus de cette étude de cas, seuls 17 le sont de sources médiatiques, des articles et « Unes » de journaux ou discours radiophoniques retranscrits ; et donc 30 documents émanent d’autres sources. Sur ces 17 documents de sources médiatiques, quatre proviennent de la presse et treize tirés de la radio, mais force est de constater que la majorité ne provient pas de ces médias alors même qu’ils fondent la base de la réflexion. Alors plutôt que de pointer tel ou tel manuel pour la pauvreté du corpus en sources médiatiques, je peux aussi m’interroger sur le « pourquoi » de ce manque de sources primaires qui sont indispensables pour tenter de cerner l’opinion. La fiche Eduscol apporte une partie de la réponse, notamment la disparition des titres de journaux dès l’été 1940 après le défaite et la « disparition de la démocratie »88. C’est un contexte particulier car jusque-là, l’étude des médias se faisait dans contexte de la Troisième République, perdue avec la guerre en 1940, mais autorisant la liberté de la presse depuis 1881. La presse clandestine se développe, mais par définition, c’est une presse plus difficilement saisissable car cachée et dissimulée, mais tout de même aujourd’hui accessible, sa production n’était pas la plus importante notamment du fait d’un financement réduit et des risques encourus par leurs auteurs89. L’opposition se fait aussi par la radio, quand les ondes nationales sont un terrain pour le régime de Vichy et l’occupant nazi, la contestation se fait depuis l’étranger dont l’écoute n’est pas toujours évidente mais en progression90.

Même s’ils sont peu nombreux, je vais tenter de montrer l’apport de ces documents dans une étude comme celle-ci ainsi qu’au regard de la question en général. Il y a un élément que on n’avait pas encore rencontré dans les crises précédentes, c’est l’étalement dans le temps pour cette crise et surtout des choix différents pour étudier cette crise dans les manuels. Du côté des documents tirés des médias, tous répondent à ce « critère » de la contemporanéité des événements, nécessaire pour Jean-Noël Jeanneney que j’ai plusieurs fois cité à ce propos, afin de tenter de saisir cette opinion publique. Les manuels transmettent des documents

88 Fiche Eduscol, « Orientations pour la mise en œuvre de la question », p.2

89 D’Almeida, Fabrice, Delporte Christian, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003, p.131-133.

90 D’Almeida, Fabrice, Delporte Christian, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003, p.136. Les Nazis renforcent le brouillage des ondes en provenance du Royaume-Uni.

66 émanent des deux camps opposés voire des allocutions radios qui se répondent à l’image du document proposé par les manuels de Magnard en 2012 et 201491. Je trouve aussi d’autres documents qui se répondent, qu’ils soient des allocution radio retranscrites ou encore des « Unes » de la presse qui se répondent, directement ou indirectement. Ainsi, on peut rencontrer les « appels » du mois de juin 1940 du Maréchal Pétain et du Général de Gaulle92 mais aussi des journaux qui se répondent sur des questions centrales dans la guerre comme sur le Service de Travail Obligatoire (STO)93. La fiche Eduscol recommande, pour traiter cette question, de varier les supports et les types de documents, ce qu’on peut voir dans ces manuels, mais dans une certaine limite. On peut varier les médias desquels sont tirés les documents, mais on ne peut inscrire une allocution radio sur les pages autrement que par l’écrit. Libre à l’enseignant ensuite d’utiliser ces allocutions radiophoniques dans le cadre de cette étude par le biais de la plate-forme de ressources proposée par l’INA, INA-Jalons, et donner plus de volume à ces allocutions. La presse est donc également présente, avec moins de diversité toutefois, une presse censurée et contrôle en France, mais une presse clandestine pas toujours beaucoup abordée malgré un rôle pas nécessairement en France94, avec seulement deux documents dans les manuels de Belin.

Les médias ne sont pas nécessairement le point fort des manuels dans cette étude précisément, mais les autres documents qui illustrent ces pages peuvent également avoir leur apport. D’abord, une majorité de ces documents sont aussi contemporains des événements, notamment du point des vues des images. Certains acteurs de la Résistance interviennent également au travers de témoignages retranscrits, mais on se place ici dans l’incertitude de la recomposition historique de la mémoire de ces témoins par l’anachronisme et la téléologie95. Notons aussi une certaine diversité dans les documents, entre les documents écrits et les documents iconographiques qui se répartissent respectivement avec 12 et 17 documents96, des documents iconographiques qui n’ont pas tous la même fonction.

91 Manuel Magnard de 2012 page 141 et en 2014 page 115. 92 Manuel Hachette de 2012, page 126.

93 Manuel Nathan de 2012 de Sébastien Cote, page 127

94 D’Almeida, Fabrice, Delporte Christian, Histoire des médias en France de la Grande Guerre à nos jours, Paris, Flammarion, 2003, p.134-135.

95 Jeanneney, Jean-Noël, Une histoire des médias, des origines à nos jours, Paris, Seuil, 2015, p.10-

11.

67 En effet, on trouve des caricatures, des affiches, mais aussi des photos transmises par le pouvoir politique en place en France. D’autres de ces documents iconographiques peuvent également avoir des fonctions dans le cadre de l’étude des médias et de l’opinion publique pendant cette crise. Dans plusieurs, on trouve une image d’un poste de radio avec un public relativement jeune autour ; tous les manuels utilisent la même image d’une salle de classe avec le maître au tableau à proximité de la TSF, elle est un peu différente dans les pages du manuel Hachette. Mais on suggère, au travers de ce type d’image, que l’opinion est contrôlée en France par une seule voix avec tous les efforts du régime de Vichy et de l’occupant nazi pour contrôler l’information et en limiter l’accès à d’autres sources. C’est finalement une des rares images qui puissent faire sens et apporter des éléments supplémentaires aux sources tirés des médias, mais en faible densité dans les manuels quand les autres documents iconographiques, quand il s’agit de photo, sont la plupart du temps illustratives.