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1. LE TISSU ADIPEUX ET SON UTILISATION EN CHIRURGIE ESTHETIQUE ET

1.1. Le tissu adipeux

1.1.2. Le tissu adipeux blanc

1.1.2.1. Localisation dans l’organisme

Les adipocytes blancs sont principalement regroupés pour former le tissu adipeux blanc, mais on les retrouve également de façon isolée dans la moelle osseuse et dans les tissus conjonctifs lâches.

Le tissu adipeux blanc est localisé principalement dans :

- l’hypoderme, couche profonde de la peau, constituant ainsi le tissu adipeux sous-cutané (Figure 2a) ;

- les régions profondes, au niveau du mésentère, de l’épiploon, des régions rétro-péritonéales, constituant ainsi le tissu adipeux viscéral (Figure 2b) ;

Le tissu adipeux sous-cutané parcourt évidemment tout le corps, mais des dépôts de graisse sont distribués préférentiellement dans certaines régions, notamment au niveau abdominal, glutéal et fémoral (Figure 2b). Ces dépôts de graisse sous-cutanée sont plus ou moins importants suivant le genre : une femme aura tendance à accumuler du tissu adipeux au

niveau des hanches, des cuisses et des fesses tandis qu’un homme prendra essentiellement au niveau de l’abdomen. On distingue d’ailleurs une obésité gynoïde et une obésité androïde selon la localisation de la graisse en excès, chez les deux sexes. L’âge, l’environnement et l’alimentation sont également des facteurs influençant la répartition du tissu adipeux (Wajchenberg 2000).

C’est le tissu adipeux blanc sous-cutané qui intéresse la chirurgie esthétique et réparatrice ainsi que la médecine régénérative. C’est en effet ce tissu qui est prélevé dans les opérations de remodelage de la silhouette par lipoaspiration et pour le transfert de graisse, et c’est également ce tissu qui est utilisé en thérapie cellulaire en raison de sa facilité d'obtention.

Figure 2 : Distribution du tissu adipeux blanc dans le corps. (a) Schéma représentatif des trois couches

constituant la peau. Le tissu adipeux sous-cutané, riche en réserves de graisse, constitue l’hypoderme. (b) Principaux dépôts de graisse dans le corps humain (schéma traduit de (Wronska, 2012 #468))

1.1.2.2. Les constituants du tissu adipeux

Le tissu adipeux blanc est composé de différents types de cellules : - les adipocytes matures,

- les cellules de la fraction stromale vasculaire (« Stromal vascular fraction », SVF), comprenant des précurseurs adipocytaires, des cellules souches mésenchymateuses (« Adipose-derived Stem Cells, ADSC), des cellules endothéliales, des leucocytes (lymphocytes, granulocytes et éventuellement des macrophages) (figure 3).

Dans le tissu adipeux blanc, l’adipocyte mature est une cellule très particulière : plus ou moins sphérique, d’une centaine de microns de diamètre, avec un cytoplasme original constitué dans sa majeure partie par une inclusion lipidique ou gouttelette lipidique. Cette gouttelette lipidique renferme des triglycérides et est entourée par une mince couronne cytoplasmique qui contient les constituants normaux d’une cellule, c’est-à-dire noyau, appareil de Golgi, réticulum endoplasmique et mitochondries. La membrane cytoplasmique repose sur une fine membrane basale (réticuline) (Figure 3a).

Les adipocytes se tassent les uns aux autres pour former des lobules séparés par des cloisons conjonctives. Mais les adipocytes ne sont pas les seuls constituants cellulaires du tissu adipeux. Ces cloisons conjonctives, constituées en partie de fibres de collagène, contiennent en effet des fibroblastes et d’éventuels macrophages (Figure 3c). Cette trame conjonctive s’étend jusqu’au derme et au fascia (Kishi, Imanishi et al. 2010). Comme tout tissu, le tissu adipeux est également vascularisé et innervé : il est traversé par des capillaires sanguins et des fibres nerveuses amyéliniques (fibres sympathiques noradrénergiques) qui passent entre les adipocytes.

De plus, des découvertes récentes ont montré l’existence de cellules souches mésenchymateuses au sein du tissu adipeux. Ces cellules sont multipotentes*, étant capables de se différencier en adipocytes, mais étant également capables d’engendrer d’autres types cellulaires (cellules de muscles, de tendon, d’os,..) (Zuk, Zhu et al. 2001). Du fait de leur fort potentiel de différenciation, ces cellules font l’objet d’une attention particulière et commencent à être exploitées en médecine régénérative. Nous y reviendrons par la suite.

Figure 3 : Composition du tissu adipeux blanc. (a) Adipocyte mature. (b) Constituants cellulaires du tissu

adipeux (d’après (Wronska, 2012 #468)). (c) Coupe histologique de tissu adipeux blanc humain. Les adipocytes matures sont entourées de tissu conjonctif composé de cellules fibroblastiques mononuclées.

1.1.2.3. La différenciation en adipocytes matures

Les adipocytes étant un haut lieu de réserves énergétiques, le tissu adipeux est doté d’une particularité extraordinaire : celle de pouvoir produire de nouveaux adipocytes matures lorsque le corps en a besoin, et ce, à l’infini. Cette hyperplasie est bien sûr l'un des phénomènes en cause dans le développement de l’obésité.

Les adipocytes sont issus des cellules souches mésenchymateuses contenues dans le tissu adipeux. D’un point de vue morphologique, l’adipogenèse est en premier lieu caractérisée par le changement de forme des cellules souches. De type fibroblastique, elles s’arrondissent jusqu’à atteindre la morphologie adipocytaire caractéristique du tissu adipeux blanc (Figure 4). Ceci est accompagné par un remodelage de la matrice extracellulaire ainsi que par des changements dans la cellule, notamment au niveau du cytosquelette (Gregoire, Smas et al. 1998; Lee, Wu et al. 2010).

La différenciation adipocytaire s’effectue en deux étapes. La première étape consiste à engager les cellules dans le lignage adipocytaire. Cette phase dite de détermination conduit à

la formation d’adipoblastes. Ces cellules perdraient alors leur caractère multipotent et seraient alors vouées à devenir des adipocytes. Ces étapes sont entrecoupées par des étapes de multiplication cellulaire (expansion clonale), afin de favoriser un pool suffisant de préadipocytes, et par des arrêts de prolifération (arrêt du cycle cellulaire en phase G1) nécessaires à la différenciation des cellules. Les préadipocytes deviennent alors des adipocytes immatures, accumulant des triglycérides. Puis la phase terminale de différenciation donne lieu à des adipocytes matures contenant une unique vacuole lipidique (Figure 4).

Dès l'initiation de l'adipogenèse, les cellules accumulent de petites gouttelettes lipidiques dans la région périnucléaire et font l’objet de modifications au niveau de la morphologie cellulaire et de l'activité transcriptionnelle. En fin de compte, ces petites gouttelettes lipidiques se gorgent de lipides, s’élargissent et finissent par fusionner pour former une unique vacuole lipidique. Le cytoplasme et le noyau de ces cellules arrondies sont pressés par l’énorme gouttelette lipidique dans une zone étroite juste en dessous de la membrane plasmique.

L’adipogenèse est finement régulée par le contrôle de facteurs pro- et anti-adipogéniques (Rosen and MacDougald 2006; Henry, Bensley et al. 2012). Le principal effecteur intracellulaire de la différenciation adipocytaire est le récepteur nucléaire PPAR(« peroxisome proliferation-activated receptor  »). Lorsque ce récepteur est activé, suite à la fixation d’un ligand au niveau des cellules fibroblastiques, le programme complet de différenciation décrit ci-dessus est stimulé. Ceci entraîne alors les changements morphologiques de la cellule, l’accumulation de lipides et l’expression des gènes caractéristiques des adipocytes.

Les facteurs de transcription de la famille C/EBP (« CCAAT/ enhancer-binding proteins ») jouent également un rôle critique dans cette différenciation, stimulant l’expression de nombreux gènes adipocytaires. Plus récemment, d’autres facteurs impliqués dans ce processus de différenciation ont été identifiés, comme les facteurs de la famille KLF (« Krüppel-like factors ») ou le facteur de transcription KROX20 (Rosen and MacDougald 2006).

Tout ceci s’effectue en aval d’une cascade de signalisation complexe ayant pour origine des facteurs extracellulaires pro-adipogéniques, parmi lesquels, certains membres de la famille des BMP (« bone morphogenetic protein ») (Rosen and Spiegelman 2006). A l’opposé, des facteurs anti-adipogéniques, tels certains membres de la famille Wnt, sont capables d’inhiber cette cascade de signalisation (Figure 4).

Figure 4 : Différenciation adipocytaire. La différenciation des adipocytes blancs dépend de facteurs pro et

anti-adipogéniques. Elle débute par une étape de détermination au cours de laquelle la cellule est engagée dans le lignage adipocytaire. Certaines BMPs (BMP2 et BMP4) ont été identifiées comme des facteurs pro-adipogeniques. A l’inverse, des facteurs anti-adipogéniques vont inhiber la différenciation, parmi lesquels des membres de la famille Wnt. Les pré-adipocytes vont accumuler des triglycérides sous forme de petites gouttelettes lipidiques qui vont grossir puis fusionner pour former une unique vacuole lipidique. La cellule s’arrondit alors pour former un adipocyte mature.