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compte du retour d’expérience d’origine socioculturelle

4) Le retour d’expérience d’origine socioculturelle :

Souvent, on voit que l’idée dominante chez les professionnels et les chercheurs dans le domaine de la sécurité, c’est que le REX étant plutôt « la chasse gardée » des ingénieurs et techniciens. Cette idée a fait que les problèmes ou les évènements liés au REX soient, souvent, abordés et

formulés d’une façon technique inhérente au matériel, aux procédés et aux produits.

(Bourdeaux et Gilbert, 1999).

Mais dans la réalité, les systèmes considérés sont, dans la plupart des cas, des systèmes sociotechniques où les «hommes», prennent part individuellement et collectivement à la collecte et au traitement des données au travers toute l’organisation.

L’intervention humaine caractérise tous les processus du REX, mais la difficulté réside dans la compréhension de toutes les interactions relatives à cette intervention, car cette compréhension est nécessaire pour le traitement des données liées aux facteurs humains et organisationnels dans un contexte socioculturel donné.

Dans notre présente étude sur l’influence des facteurs socioculturels sur la fiabilité humaine, nous avons tenté de proposer une approche globale basée sur un REX prenant en compte autant les aspects techniques que les aspects humains et organisationnels.

Mais, la difficulté est liée au besoin d’intégrer des dimensions difficilement mesurables et

quantifiables par rapport aux données techniques qui sont facilement manipulables

(Gaillard, 2005).

L’intégration des aspects liés aux facteurs humains et organisationnels dans le processus de REX, n’a pu réussir que pour les entreprises les plus développées en la matière : transport aérien, nucléaire, hydrocarbures, ayant déjà atteint un haut niveau de sécurité sur le plan technique comme est le cas de SONATRACH qui les a intégrés dans l’amélioration des procédures du permis du travail et celles liées au système de management de la sécurité.

Au cours de notre approche globale du REX, nous avons tenté de tracer, d’interpréter des faits qui interviennent dans la construction d’un événement objet du REX à chacun de ces différents niveaux.

La nature des informations à traiter peut donc être très différente de celle du REX technique. Alors, nous avons besoin d’aller de plus en plus loin dans la recherche de l’explication des accidents ou des incidents. Pour ce faire, il sera question de l’usage d’autres outils de recueil de données, d’autres modèles que la seule lecture technique d’un événement.

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D’où, il serait judicieux de prendre en compte les contraintes liées au contexte socioculturel, économique et sans omettre la manière dont sont assurés le contrôle et la gestion politique des installations par les autorités, etc.

En nous nous référons à l’approche développée par (Gaillard, 2005), quatre niveaux d’informations sur un accident allant graduellement vers une approche systémique qui se distinguent par :

- l’analyse technique, technologique, se référant à des mécanismes déterministes ;

- l’analyse des actions humaines menant directement à l’accident à partir de connaissances établies sur les relations de cause à effet ;

- l’analyse des situations considérées dans une approche globale des faits ;

- l’analyse de l’ensemble du contexte de l’évènement intégrant les dimensions sociales et sociétales (organisation, gouvernance ...), ce qui souligne l’importance de considérer les interactions de l’entreprise avec son environnement (contractants, contraintes du marché, opinion publique, contrôle, autorité publique, partenaires ...).

Fig. 5.3 : Évolution de la recherche sur la sécurité dans le domaine nucléaire, selon (Gaillard, 2005).

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4-1) Les contraintes liées à la mise en œuvre du REX d’origine socioculturelle 4-1-1) Les difficultés inhérentes à la nature des données :

Dans le REX d’origine socioculturelle qui s’intéresse aux différents écarts entre les prescriptions et les situations réelles du travail, où les conduites sont influencées par tant de facteurs (humains, organisationnels, économiques, etc.). Les données relevant des sciences humaines et sociales (comportement individuel et collectif) ne répondent pas toujours aux critères de rationalité scientifique.

De ce fait, nous pouvons constater que les données sur les activités des opérateurs sont généralement qualitatives, aléatoires, voire floues. Ces données reflètent souvent des interprétations qui dépendent de la subjectivité de l’analyste. La notion même de faits «objectifs» est remise en cause. Un même événement est vécu de façon différente selon les points de vue de chacun, comme le soulignent (Bourdeaux et Gilbert, 1999).

A cela s’ajoute d’autres difficultés d’ordre pratique, ces dernières sont liées aux problèmes d’intégration des données issues des facteurs humains dans des bases de données (nombre d’items très élevé, problèmes de codification, etc.).

4-1-2) Les difficultés d’identification des évènements précurseurs

Le REX est généralement basé sur la notion d’événement, mais dans le REX d’origine socioculturelle. Cette notion se trouve compromise voire ambiguë, puisque l’événement n’est pas ponctuel, ceci est dû aux différentes dimensions qui le constituent : technique, culturelle sociale, individuelle, collective, organisationnelle, managériale, etc.

(Reason, 1993) souligne la nécessité de cerner les combinaisons de défaillances, et de prendre en

compte les défaillances latentes au-delà des défaillances des opérateurs de première ligne. Ces défaillances latentes sont en amont dans le temps, dans les fonctionnements, très liées à l’organisation, à la formation, à la documentation et aux procédures.

(Bourdeaux et Gilbert, 1999) considèrent ces défaillances latentes comme des précurseurs

pertinents pour une bonne démarche du REX, car elles permettent d’anticiper et d’agir en amont avant la manifestation des risques.

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Mais, une autre difficulté qui mérite d’être signalée est celle inhérente au dépassement de certaines analyses ou enquêtes par le temps, puisque elles étaient réalisées dans des conditions ou des circonstances qui ne reflètent pas forcément les préoccupations d’aujourd’hui.

4-1-3) La particularité de chaque évènement :

Si l’on réfère au constat fait par (Vérot, 2000), « la réalité est faite de singularités. Elle ne saurait

se laisser enfermer dans la prévision qui en épuiserait tous les aspects», on peut facilement se

rendre compte que chaque évènement se caractérise par un caractère particulier qui le distingue des autres évènements.

Alors, il serait vain et inutiles d’épuiser tous nos efforts dans l’écriture des combinaisons et des cheminements d’une façon généraliste, mais il faut que l’on adopte une démarche qui est capable de préserver la particularité de chaque évènement, d’où réside la difficulté. Donc, il est intéressant de souligner que :

- les procédures de REX doivent être capables de traiter toute occurrence de l’événement,

tout en préservant sa singularité ;

- l’action corrective du REX ne devrait pas relever nécessairement de la mise en place de nouvelles procédures qui se rajouteraient aux procédures existantes.

Ce constat va nous amener de passer par un modèle descriptif de l’événement et explicatif du raisonnement des opérateurs.

4-2) Les différences culturelles :

Etant donné que le REX est un travail qui ne pourrait se réaliser que dans un cadre collégial, entre plusieurs équipes appartenant à plusieurs disciplines et métiers. Ce travail qui peut être considéré comme un travail collaboratif, exige une compréhension réciproque entre des acteurs ayant des cultures et des langages différents voire antagonistes.

Selon (Bourdeaux et Gilbert, 1999), la grande difficulté réside dans l’inexistence d’un référentiel commun, surtout entre les tenants des facteurs techniques et les tenants des facteurs humains. Dans le champ technique, la prise de décision obéit toujours à des règles strictes et claires, alors la décision peut être appliquée et ses effets sont immédiatement espérés.

Par contre, dans le domaine socioculturel ou socio organisationnel, la prise de décision nécessite souvent un temps de latence, ce qui laisse entendre un certain désespoir pour en voir les effets.

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Face à ces difficultés d’origine culturelle, il est impératif que les managers adopte un mode de management axé sur la formation et l’information, dans l’objectif de trouver un langage commun basé sur des référentiels qui doivent être inspirés des expériences vécues sur le terrain.

Pour ce faire, nous avons jugé utile de proposer une démarche pratique qui s’inspire beaucoup de notre étude pratique sur le terrain développée dans le chapitre 4.