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LE REGIME JURIDIQUE DES ŒUVRES PARTICIPATIVES

120. Les droits d’auteur - La qualification d’œuvre de l’esprit permet à son titulaire de se

voir attribuer des droits sur son œuvre, notamment en raison de l’empreinte de sa personnalité. Ces droits sont de deux ordres. Tout d’abord, l’auteur d’une œuvre de l’esprit se voit attribuer des droits moraux. Ces derniers sont imprescriptibles, perpétuels, et inaliénables303. En ce sens, ils ne se perdent pas par le

non-usage, contrairement par exemple aux droits conférés sur une marque. De plus, ils survivent à la mort de l’auteur, les ayants-droits devant en assurer le respect304. Enfin, ils ne peuvent faire l’objet d’une

cession par voie contractuelle. Ces droits attachés à la personne même de l’auteur305, sont complétés par

des droits patrimoniaux, qui eux sont temporaires, et cessibles. Le législateur a opté, à propos des droits patrimoniaux, d’une méthode synthétique et ouverte306. Il énonce deux prérogatives, englobant tous les

actes d’exploitation de l’œuvre, présents ou futurs, bien que cette dichotomie fut contestée307.

121. La nature de la propriété littéraire et artistique – La nature juridique de la propriété

littéraire et artistique a longtemps été débattue en doctrine et semble toujours l’être308. Or, cette question

permet d’appréhender celle de l’articulation des droits moraux et des droits patrimoniaux. Pour certains, retenant une conception moniste, les droits de propriété intellectuelle appartiennent à la catégorie des droits personnels309. Pour d’autres, retenant une conception dualiste, les prérogatives patrimoniales et

morales relèvent de droits distincts310. Cependant, la jurisprudence311 semble considérer que les droits de

303 Art L. 121-1 al. 3 CPI.

304 Art L. 121-1 al. 4 CPI : « Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur ». 305 Art L. 121-1 al. 2 CPI.

306 André Lucas, Henri-Jacques Lucas, Agnès Lucas-Schloetter, supra note 77, à la p 282, au para 292 ; Christophe Caron, supra

note 79, à la p 279, au para 307.

307 Pierre-Yves Gautier, supra note 191, aux pps 256-257, au para 242 ; Michel Vivant et Jean-Michel Bruguière, supra note 217, p

432, au para 521; David Masson, Les droits patrimoniaux de l’auteur à l’épreuve de la communication de l’œuvre au public : pour une nouvelle « cristallisation » des droits ?, Thèse de doctorat en droit, Montpellier 1, 1997.

308 André Lucas, Henri-Jacques Lucas, Agnès Lucas-Schloetter, supra note 77, à la p 39, au para 31. Nicolas Binctin, Sroit de la

propriété intellectuelle, 2e éd, Paris, LGDJ, 2012, au para 2, à la p 21.

309 André Lucas, Henri-Jacques Lucas, Agnès Lucas-Schloetter, supra note 77, à la p 39, au para 25, et aux pps 42 et s., au para 33. 310 Eugène Pouillet, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, 8e éd, Paris,

LGDJ, 1908. Jacques Raynard, Droit d’auteur et conflit de lois, Essai sur la nature juridique du droit d’auteur, Paris, Litec, 1990, au para. 376.

311 Cons. Const., 27 juillet 2006, décision n° 200—540, considérant 15 ; CEDH, 4e sect., 29 janvier 2008, Balan c. Moldavie, (2008)

propriété intellectuelle sont des droits patrimoniaux. Toujours est-il que les prérogatives morales demeurent inscrites dans la loi, et reconnue en jurisprudence.

122. La durée des droits d’auteur – Selon la qualification de l’œuvre, à auteur unique ou à

auteur pluriel, l’exercice des droits d’auteur s’opère différemment. En effet, dans une création à auteur unique, ce dernier se verra seul attribuer un droit moral perpétuel et un droit patrimonial jusqu’à soixante- dix ans suivant sa mort312. En revanche, dans le cadre d’une œuvre collective, œuvre à plusieurs

contributeurs, l’initiateur se voit attribuer un droit moral perpétuel sur l’œuvre d’ensemble, et un droit patrimonial d’une durée de soixante-dix ans suivant la publication de l’œuvre313. Les différentes

qualifications jouent donc leur importance dans la mise en œuvre de ces droits.

123. Droits voisins du droit d’auteur – Comme vu précédemment314, le public participant à

une œuvre de catégorie 4 a) peut revendiquer le statut d’artiste-interprète. Ce statut confère également des droits voisins sur l’interprétation. Notamment l’artiste-interprète dispose d’un droit d’exploitation de son interprétation d’une durée de cinquante ans suivant la date de l’interprétation, exceptée si elle est fixée dans un vidéogramme auquel cas la durée de protection s’étend à soixante-dix ans suivant sa fixation315. Il

dispose également d’un quasi-droit moral imprescriptible et inaliénable316. Une telle incessibilité du droit

moral est également prévue en droit canadien, bien qu’ici, l’artiste-interprète peut renoncer à ces prérogatives extra-patrimoniales317.

124. Droits sur les œuvres participatives – En raison de la pluralité des droits pouvant être

revendiqués sur l’œuvre participative, il convient d’étudier le régime, afin de voir si la mise en œuvre des qualifications précédemment retenues ne mettrait pas en danger l’économie de l’œuvre participative. Le but de cette recherche est de faciliter une telle exploitation, non de la compliquer d’avantage, afin de permettre à l’œuvre d’art participatif d’exister pleinement. C’est pourquoi, il convient d’étudier tout d’abord le régime juridique applicable aux œuvres de catégorie 4 a) (titre 1), puis celui applicable aux œuvres de catégorie 3 (titre 2).

312 Art L. 123-1 CPI : « L'auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en

tirer un profit pécuniaire. Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent ».

313 Art L. 213-3 CPI : « Pour les œuvres pseudonymes, anonymes ou collectives, la durée du droit exclusif est de soixante-dix années

à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l'œuvre a été publiée. »

314 Voir Partie 2, titre 1, chap. 2, ci-dessus. 315 Art L. 211-4 CPI.

316 Art L. 122-2 CPI : « L'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit

inaliénable et imprescriptible est attaché à sa personne. Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l'interprétation et de la mémoire du défunt. »