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CHAPITRE I : Introduction

1.3 La jonction neuromusculaire : une synapse tripartite

1.3.2 La plasticité et la réparation de la JNM

1.3.2.2 Le rôle crucial des cellules de Schwann périsynaptiques

De manière intéressante, les CSPs sont essentielles à ces processus de réparation. En effet, suite à un dommage axonal ou à une interruption de la transmission synaptique, les CSPs vont adopter un phénotype leur permettant de favoriser la formation de bourgeons axonaux ou terminaux et d’éliminer les débris axonaux laissés par l’ancien axone (Figure 1.12).

Figure 1.11. Types de bourgeonnement compensatoire. Schéma représentant les lieux d’où peut émaner le

bourgeonnement compensatoire. Suite à une lesion axonale partielle, les axones survivants peuvent former des bourgeons à partir d’un nœud de Ranvier (bourgeonnement axonal) ou d’une terminaison axonale (bourgeonement terminal). Beige : fibres musculaires; Rouge : récepteurs nAChRs postsynaptiques; Vert : axone survivant; Jaune : axone lésé.

1.3.2.2.3 Le guidage axonal

Suite à une dénervation ou une interruption de la transmission synaptique, les CSPs associées avec les JNMs affectées forment de long et minces prolongements ciblant des JNMs intactes (Reynolds and Woolf, 1992; Son and Thompson, 1995b, a; Son et al., 1996; Love and Thompson, 1999; O'Malley et al., 1999). Ces prolongements forment ainsi des « ponts » entre les JNMs innervées et dénervées, et représentent le substrat sur lequel s’effectue le bourgeonnement terminal (Son and Thompson, 1995b, a; Son et al., 1996; O'Malley et al., 1999; Kang et al., 2003) (Figure 1.12a). En effet, le contact de ces prolongements gliaux avec les JNMs innervées induit le bourgeonnement de la terminaison axonale (Son and Thompson, 1995b; Son et al., 1996; O'Malley et al., 1999), et l’inhibition de ce processus diminue drastiquement le nombre de bourgeons terminaux (Love et al., 2003; Tam and Gordon, 2003).

D’autre part, les CSPs sur les JNMs dénervées déterminent la surface postsynaptique qui sera réinnervée par un bourgeon ou l’axone original. L’imagerie in vivo conjointe des CSPs et des axones moteurs a montré que les récepteurs nAChR couverts par les CSPs seront réinnervés alors que ceux dépourvus de couverture gliale seront abandonnés par l’élément présynaptique (Kang et al., 2014). En effet, conjointement à la formation de prolongements gliaux, les CSPs sur les JNMs dénervées se rétractent progressivement de l’élément postsynaptique dénervé. Ainsi, une dénervation prolongée mène à une perte de sites synaptiques lors de la réinnervation des JNMs (Rich and Lichtman, 1989). Dans l’ensemble, ces études montrent que les CSPs sont essentielles au guidage des axones lors de la réinnervation à la JNM adulte.

1.3.2.2.2 La phagocytose des débris axonaux

Suite à une lésion axonale, des débris cellulaires et de myéline s’accumulent dans le tube endoneural (Rotshenker, 2011). Les CSMs adoptent alors un phénotype phagocytaire afin d’éliminer ces débris et permettre la croissance axonale (Reichert et al., 1994; Painter et al., 2014; Brosius Lutz et al., 2017). De plus, elles sécrètent de nombreuses chimiokines, des facteurs de la cascade du complément et la lectine Galectine-3 (Gal-3; aussi appelé MAC-2), permettant le recrutement de macrophages et l’opsonisation des débris extracellulaires (Reichert et al., 1994; Rotshenker, 2009, 2011). Ce processus est essentiel à la réinnervation puisque

l’accumulation de débris bloque la croissance axonale et ralentit la réinnervation des JNMs (Kang and Lichtman, 2013).

Des études récentes montrent que les CSPs adoptent également un phénotype phagocytaire suite à une lésion axonale (Duregotti et al., 2015). En effet, des études de microscopie électronique ont montré que les CSPs contiennent de nombreuses vésicules, des débris de myéline et un réseau endosomal développé dans les jours suivant une lésion axonale (Figure 1.12b) (Birks et al., 1960; Miledi and Slater, 1968). Ce phénotype serait notamment induit par la relâche d’ATP, de peroxyde (H2O2) et d’ADN mitochondriale de la terminaison axonale lésée lorsqu’induite par une toxine (Duregotti et al., 2015; Negro et al., 2016). Ces données suggèrent que, similairement aux CSMs, les CSPs participent à l’élimination de débris cellulaires au niveau des terminaisons axonales.

1.3.2.2.3 L’adaptabilité des CSPs

Ainsi, suite à une dénervation, les CSPs semblent adopter un phénotype « pro- régénératif » associé à la formation de prolongements gliaux et à la phagocytose de débris axonaux. Sous-tendant ces changements fonctionnels, les CSPs adaptent leur transcriptome en réponse à l’atteinte de l’élément présynaptique. Notamment, les CSPs augmentent leur

Figure 1.12. Rôle des CSPs aux JNMs dénervées. a, Schéma représentant les fonctions remplies par les CSPs

aux JNM dénervées. Beige : fibres musculaires; Rouge : récepteurs nAChRs postsynaptiques; Vert : débris axonaux; Bleu : CSPs. b, Schéma représentant les changements moléculaires ayant lieu au sein des CSPs aux JNMs dénervées. Il est possible de noter une augmentation de la signalisation purinergique, une diminution de la signalisation muscarinique, une augmentation de l’expression de la Galectine-3 et du GFAP, et une diminution de l’expression du S100β. Rouge orangé : récepteurs nAChRs postsynaptiques; Vert : débris axonaux; Bleu : CSPs.

expression de GFAP (chez la grenouille) (Georgiou et al., 1994; Georgiou et al., 1999), de nestine (Kang et al., 2007) et de la Semaphorine 3A (De Winter et al., 2006). De même, l’expression du marqueur glial S100β diminue graduellement suite à la perte de l’axone moteur (Magill et al., 2007). Des données récentes du laboratoire, obtenues dans le cadre d’un projet visant à comparer les propriétés calciques des CSPs lors du développement post-natal ou suite à une dénervation, montrent que la sensibilité des CSPs aux signaux cholinergiques semble diminuer également (Perez-Gonzalez et al.). Bien qu’aucune étude n’ait réussi à effectuer une comparaison systématique du phénotype des CSPs aux JNMs innervées et dénervées (par séquençage d’ARN par exemple), il est clair que les CSPs ont la capacité de détecter une atteinte de l’élément présynaptique et de s’adapter afin de favoriser la réinnervation.

Outre la potentielle libération d’ATP, de peroxyde et d’ADN de terminaison lésée (Duregotti et al., 2015), un inducteur potentiel de ce phénotype « pro-regénérateur » ayant été suggéré serait la Neureguline-1. En effet, l’activation de la voie de signalisation de la Neureguline-1 induit des changements au sein des CSPs similaires à ceux induits par une lésion axonale (Trachtenberg and Thompson, 1997; Hayworth et al., 2006). Cependant, ce mécanisme serait potentiellement de nature autocrine, puisque la Neureguline-1, normalement d’origine neuronale aux JNMs innervées, serait synthétisée et sécrétée par les CSPs elle-même suite à une dénervation (Carroll et al., 1997; Rosenbaum et al., 1997; Trinidad et al., 2000). Ainsi, si tel est le cas, la Neureguline-1 ne peut être le signal par lequel les CSPs détectent une atteinte de l’élément présynaptique puisqu’il est d’origine glial aux JNMs dénervées. Un autre inducteur potentiel du phénotype pro-regénérateur serait la capacité des CSPs à détecter l’activité synaptique (section 1.3.1.3.1). En effet, l’activation des récepteurs muscarinique semble intimement liée à leur capacité à réguler la réinnervation (Figure 1.12). Un blocage de la transmission synaptique induit des changements similaires à la dénervation au sein des CSPs (Georgiou et al., 1994; Son and Thompson, 1995b). De même, le blocage des récepteurs muscariniques des CSPs chez la grenouille induit une augmentation de l’expression de la GFAP, alors que l’application de muscarine suite à une lésion axonale la prévient (Georgiou et al., 1994; Georgiou et al., 1999). Finalement, le blocage ou l’absence de certains types de récepteurs muscariniques déstabilise les JNMs murines, induisant plusieurs changements morphologiques,

dont certains reproduisant ceux induits par la voie de signalisation de la Neureguline-1 (Wright et al., 2009).

Dans l’ensemble, ces résultats montrent que les CSPs sont essentielles au processus de réinnervation, favorisant le bourgeonnement terminal et la croissance axonale. Ces fonctions compensatoires sont permises grâce à l’adaptabilité des CSPs, notamment grâce à leur capacité à détecter une interruption de l’activité synaptique.