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CHAPITRE I : Introduction

1.3 La jonction neuromusculaire : une synapse tripartite

1.3.1 Structure et fonction de la JNM

1.3.1.4 L’élément glial : les cellules de Schwann périsynaptiques

Les CSPs, aussi connues sous le nom de cellules de Schwann terminales, sont un type de cellules de Schwann recouvrant les terminaisons axonales des motoneurones. Le nombre de CSPs recouvrant une JNM varie considérablement selon la taille de la JNM et l’espèce, mais se situe généralement entre 3 et 7 chez la souris (Love and Thompson, 1998; Brill et al., 2011). Chaque CSP couvre un territoire distinct et exclusif sur une même JNM (Brill et al., 2011). Bien qu’en condition normale, les CSPs s’apposent parfaitement sur la terminaison axonale, elles ont des prolongements extrêmement dynamiques, pouvant quitter le territoire synaptique ou envahir la fente synaptique dans certaines circonstances (Zuo and Bishop, 2008; Smith et al., 2013).

Contrairement aux CSMs, les CSPs ne forment pas de gaine de myéline et ont plutôt un rôle analogue à celui des astrocytes du SNC. En effet, les CSPs jouent un rôle crucial à la JNM, étant essentielles au maintien de sa structure et de sa fonction (Ko and Robitaille, 2015). En effet, l’ablation sélective des CSPs provoque de nombreux changements morphologiques et fonctionnels à long terme, menant éventuellement à une dénervation des JNMs (Reddy et al., 2003). Cependant, leur rôle à la JNM ne se limite pas à une fonction de support. À l’instar des astrocytes, plusieurs études au courant des années 90 ont montré que les CSPs sont en mesure de détecter l’activité synaptique et de la moduler de manière aiguë (Jahromi et al., 1992; Reist and Smith, 1992; Robitaille, 1995, 1998) (Figure 1.9). De manière générale, la libération de neurotransmetteur active plusieurs voies de signalisation dépendantes du Ca2+ menant à la libération de substances modulatrices portant le nom de « gliotransmetteurs ». Ces études ont permis de déterminer que les CSPs et les astrocytes sont des partenaires actifs essentiels lors de la transmission synaptique, un concept portant le nom de « synapse tripartite » (Araque et al., 1999; Araque et al., 2014).

Figure 1.9. Modulation de l’activité synaptique par les CSPs. Les CSPs détectent l’activité synaptique

notamment grâce à leurs récepteurs mAChRs et P2YRs. L’activation de ces récepteurs induit une relâche de calcium des réserves internes (réponse calcique). S’en suivent une libération d’ATP gliale et l’activation des récepteurs à l’adénosine de type A1 ou A2A présynaptique.

1.3.1.4.1 La détection de l’activité synaptique

À la JNM de souris, les CSPs sont en mesure de détecter l’activité de la terminaison axonale grâce à plusieurs types de récepteurs métabotropes. Généralement couplée aux protéines Gq, l’activation de ces récepteurs induit une libération de Ca2+ des réserves internes par la cascade classique dépendante de l’IP3 (inositol triphosphate) (Ko and Robitaille, 2015). Les principaux récepteurs sont les mAChR et les récepteurs purinergiques de la famille des P2Y (P2YR), liant l’acétylcholine ou l’ATP et ses dérivés, respectivement (Figure 1.9). L’identité exacte de ces récepteurs a cependant été peu caractérisée. D’une part, les mAChRs couplés aux protéines Gq, les M1, M3 et M5, sont présents à la JNM au niveau des fibres musculaires ou des CSPs (Wright et al., 2009). Des données non-publiées du laboratoire, obtenues dans le cadre d’un projet visant à moduler chroniquement l’activité des mAChRs des CSPs in vivo, suggèrent que les sous-types de mAChR principaux sur les CSPs à la JNM adulte serait les M3 et les M1. En effet, un antagoniste très spécifique pour les M3 et les M1, le darifenacin (Moriya et al., 1999; Chapple, 2004), abolit presque complètement les réponses calciques induites par la muscarine (agoniste non spécifique des mAChRs) dans le muscle soléaire (soleus) (Tremblay et al., (in prep)). Cependant, il demeure inconnu si d’autres récepteurs cholinergiques contribuent à l’activité des CSPs dans d’autres muscles ou d’autres circonstances. D’autre part, l’identité des récepteurs sous-tendant la signalisation purinergique au sein des CSPs adultes demeure élusive. Lors du développement, cette signalisation est entièrement dépendante des récepteurs P2YR1 (Darabid et al., 2013a; Heredia et al., 2018). Cependant, à la JNM adulte d’autres sous-types de récepteurs, dont les récepteurs A1 à l’adénosine, semblent être présents, mais leur identité n’a encore à ce jour pu être confirmé avec certitude (Rochon et al., 2001; Arbour et al., 2015). Certaines études suggèrent que les CSPs possèdent des récepteurs ionotropes, dont des récepteurs purinergiques de la famille des P2X (Robitaille, 1995; Rochon et al., 2001; Todd and Robitaille, 2006). De même, une étude récente suggère que des nAChRs de type α7 seraient présents à la JNM de mammifères, bien qu’ils ne semblent pas participer à l’activité des CSPs en conditions physiologiques (Petrov et al., 2014).

De manière intéressante, l’activité calcique des CSPs ne dépend pas seulement de l’activité présynaptique et de la relâche de neurotransmetteur. Une étude clé par Rousse et al. (2010) a montré que la sensibilité des CSPs aux signaux cholinergiques et purinergiques diffère

grandement d’un muscle à l’autre, indépendamment du niveau d’activité présynaptique. En effet, l’augmentation de la quantité de neurotransmetteurs libérés n’affecte pas l’activité des CSPs de manière aiguë, montrant que l’activité des CSPs dépend également de leurs propriétés intrinsèques (Rousse et al., 2010; Arbour et al., 2015). Cependant, ces propriétés ne sont pas immuables, et plusieurs facteurs peuvent moduler leur sensibilité aux neurotransmetteurs. En effet, une augmentation ou une diminution chronique de l’activité présynaptique induit des changements complexes dans leur sensibilité aux signaux cholinergiques et purinergiques (Belair et al., 2010). De même les CSPs possèdent des récepteurs peptidergiques et des récepteurs aux neutrophines, dont le rôle est de moduler leur sensibilité à la signalisation purinergique ou cholinergique à long terme (Bourque and Robitaille, 1998; Todd et al., 2007). Ainsi, l’activité des CSPs dépend à la fois des propriétés présynaptiques et de leurs propriétés intrinsèques modulables à long terme.

1.3.1.4.2 La modulation de l’activité synaptique

L’interaction entre les CSPs et les terminaisons axonales est bidirectionnelle et ne se limite pas à la détection de l’activité synaptique. En retour, les CSPs ont la capacité de moduler la transmission synaptique à long terme, un phénomène appelé plasticité synaptique (Robitaille, 1998; Ko and Robitaille, 2015) (Figure 1.9). De manière intéressante, les CSPs peuvent induire une potentialisation ou une dépression à long terme de l’activité synaptique selon le contexte (Todd et al., 2010; Ko and Robitaille, 2015; Darabid et al., 2018). Cette dualité est permise par la capacité des CSPs à discerner la force et le patron d’activité présynaptique (Todd et al., 2010; Darabid et al., 2013a), leur permettant d’adapter leur réponse au contexte synaptique. Ce concept fut notamment mis en lumière dans une étude par Todd et al. (2010), où un patron d’activité tonique ou en bouffée de l’élément présynaptique induisaient des cinétiques calciques distinctes dans les CSPs et une modulation distincte de l’activité synaptique : une potentialisation ou une dépression, respectivement. Dans les deux cas, l’activation des récepteurs A2A ou A1 présynaptiques via la libération de gliotransmetteurs était impliquée. De façon surprenante, ces phénomènes opposés de plasticité synaptique semblent dépendre du même mécanisme effecteur, soit la libération d’ATP ou d’adénosine gliale (Todd et al., 2010; Darabid et al., 2018). En effet, la cascade de signalisation reliant l’activité calcique des CSPs à

Une hypothèse serait que la quantité d’ATP libérée varierait en fonction de l’activité gliale, induisant préférentiellement une activation des récepteurs A1 ou A2A selon sa concentration extracellulaire (Todd and Robitaille, 2006; Todd et al., 2010). Alternativement, la libération de gliotransmetteurs pourrait avoir lieu à des sites distincts, activant ainsi des groupes de récepteurs présynaptiques différents (Darabid et al., 2018). Dans l’ensemble, ces études montrent que les CSPs à la JNM de mammifères sont capables de moduler de manière bidirectionnelle l’activité présynaptique, en fonction du contexte, via la libération de gliotransmetteurs.