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Le profil d’altération latéritique type et son fonctionnement

Partie I : Cadre thématique et contexte morpho-géologique

Chapitre 2. Contexte morpho-géologique

1. Altération et formation des latérites

1.3 Le profil d’altération latéritique type et son fonctionnement

Les latérites sont constituées de kaolins, d’oxy-hydroxydes de fer et d’aluminium, de résidus d’illite et de minéraux résistants formés par altération chimique au dessous d’un sol (Grandin, 1976). Elles sont organisées en différents niveaux appelés horizons. L’ensemble d’un profil d’altération type est composé (de haut en bas ; Figure 3.6) :

- De la roche saine.

- D’une arène ou saprolite grossière correspondant à une roche altérée (en anglais : saprock ou coarse saprolite) où les structures de la roche (strates, schistosité, filons, etc..) sont conservées.

- D’une lithomarge décolorée ou saprolite fine, correspondant à une roche altérée dont les structures primaires sont partiellement effacées (plasmic ou arenose zone). Ce niveau peut être très épais (x 10 m) et possède une importante porosité (environ 30 %).

- D’un horizon d’argiles tachetées (mottled zone), très argileux avec des oxydes de fer partiellement indurés. Les structures primaires de la roche sont totalement effacées. Ce niveau peut être tassé si l’altération est importante.

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- D’une carapace ou niveau moyennement induré par les oxy-hydroxydes mais encore très riche en argile.

- D’une cuirasse (duricrust ou ferricrete lorsqu’elle est ferrugineuse), horizon fortement induré très riche en oxy-hydroxydes de fer et/ou d’aluminium.

- D’un horizon supérieur meuble, ou horizon de démantèlement de la cuirasse, lorsque celle-ci est fossile.

- D’un sol sommital lorsque le profil est fonctionnel ou éventuellement réactivé.

Les différents horizons d’un profil latéritique marquent les étapes de la transformation du substrat géologique (Tardy et Roquin, 1998). Chaque niveau supérieur est passé par les stades préservés en dessous de lui au cours de la propagation de l’altération. La base du profil (ou front) d’altération s’enfonce progressivement lors de la digestion de la roche. Les horizons supérieurs s’enrichissent en oxydes tandis que les structures de la roche sont effacées (Figure 3.6). Les niveaux les plus hauts vont finir par s’indurer pour former des cuirasses. La transformation d’un horizon vers un niveau supérieur implique donc une accumulation d’oxydes qui peut se faire : (1) de manière relative par lessivage des autres éléments après dissolution des minéraux ou (2) de manière absolue par transfert de plasma et précipitation de minéraux. Le plasma inclut les éléments du sol de taille inférieure à 2 µm et des constituants solubles susceptibles d’être réorganisés, déplacés ou concentrés (i.e. principalement la kaolinite, la gibbsite, l’hématite et la goethite ; Tardy, 1993). La base du profil d’altération n’est pas plane mais ondulée (Maignien, 1966; Figure 3.7). Influencée par la topographie, elle rejoint le niveau de base local qui correspond au niveau de la rivière. Des écoulements hydrologiques latéraux, guidés par la topographie, interviennent à l’échelle d’un demi interfluve (McFarlane, 1983; Tardy et Roquin, 1998). La zone des argiles tachetées correspond au niveau moyen du battement de la nappe phréatique. C’est là que les accumulations relatives sont les plus importantes (Tardy et Roquin, 1998).

Lors d’une altération chimique importante, le profil total peut atteindre une profondeur de 100 m (Grandin, 1976; Büdel, 1982; Anderson et Humphrey, 1989). Au-delà d’une centaine de mètres, les circulations d’eau sont moins importantes et la progression du front d’altération est stoppée. Si les rivières incisent lentement en surface, alors cette profondeur est diminuée et le front d’altération peut continuer son enfoncement. Dans cette configuration, le relief reste globalement stationnaire mais s’enfonce au fur et à mesure de la dénudation et de la progression du front d’altération. Les horizons supérieurs de la cuirasse sont lentement démantelés puis dénudés par diffusion sur les versants (Figures 3.4 et 3.5). Comme ces versants sont généralement convexes, de relief très faible et stabilisés par une végétation luxuriante, les processus gravitaires type glissements de terrain participent peu à leur érosion. Le déblaiement des particules fines en surface permet de garder une épaisseur quasiment constante du profil d’altération (Leprun, 1979; Büdel, 1982). Ce régime stationnaire d’enfoncement du

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profil et de démantèlement en surface, dans lequel l’évolution de la surface topographique et de la base du profil sont intimement liées, est appelé « double planation » (Büdel, 1982).

Figure 3.6 : Coupe schématique des différents horizons d'un profil d’altération latéritique, de type ferrugineux sur substrat granitique. De bas en haut, les horizons du profil d’altération et leur matériel s’enrichissent en Fer tandis que les structures primaires de la roche sont progressivement effacées (adapté de Tardy, 1993).

Le concept de la double planation illustre les liens très forts qui existent entre la dynamique d’altération et la morphogénèse. Selon le type de climat, la morphologie des interfluves sera différente : elle dépend de l’intensité et de la profondeur de l’altération, de la couverture végétale et de la saisonnalité des précipitations (Figure 3.7). Sous climat soudano-sahélien, l’altération modérée et l’érosion mécanique permettent de développer de larges vallées et des formes concaves (Figure 3.7a). Les climats de type soudano-guinéen sont transitionnels entre des formes concaves d’érosion et des formes convexes plus typiques de l’altération (Figure 3.7b). Le climat soudanien est plus propice à l’érosion tandis que le climat guinéen est propice à l’altération. Dans la zone équatoriale, les formes sont bosselées (Figure 3.7c) et appelées « demi-oranges » (Michel, 1973; Grandin, 1976; Thomas,

1994). Lors du passage de conditions arides à des conditions plus humides, l’érosion mécanique sur

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10 Ma) de ces conditions. Le passage de l’humide à l’aride provoque, en revanche, le cuirassement. Ce concept sera explicité dans le paragraphe suivant.

Figure 3.7 : Paysages types et mode d’altération/érosion tropicaux en fonction du climat. (a) Sous climat sahélien, les interfluves sont tendus, par l’érosion (pédimentation). (b) Sous climat soudano- guinéen, les vallées se creusent légèrement alors que l’altération fonctionne. (c) Sous climat équatorial, l’altération intense en contexte de drainage efficient provoque la f ormation de morphologie en « demi-orange ».