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Discussion : facteurs de répartition des latérites et des formes du relief ouest africain

Partie II: Répartition spatiale des reliques de paléo-surfaces et évolution du réseau de

Chapitre 4. Distribution spatiale des paléo-surfaces en Afrique de l’Ouest

3. Discussion : facteurs de répartition des latérites et des formes du relief ouest africain

3.1 Rôle de la lithologie

La lithologie a un impact majeur sur la préservation des surfaces latéritiques. Les bauxites sont les mieux préservées sur les grès néo-protérozoïques et surtout sur les sills dolérites. La stratification horizontale des grès permet de conserver des morphologies bauxitiques quasiment fossiles sur des zones extrêmement vastes (Figure 3.11). Ce substrat est favorable aux accumulations alumino- ferrugineuses car il est très riche en ces éléments et forme des surfaces planes propices à l’altération homogène et continue. L’incision au niveau des vallées ou des escarpements très raides permet la déconnection du niveau de base et l’abandon des surfaces. L’incision est très profonde (500-1000 m au total) sur substrat gréseux mais néanmoins localisée (voir coupes Figure 4.17). Les surfaces ainsi déconnectées ne sont pas érodées ou altérées à nouveau et restent généralement bien préservées.

Des variations morphologiques sont clairement observées d’un substrat à l’autre. La transition entre les terrains gréseux et les terrains sur lesquels ils reposent est marquée par de grands escarpements (Figures 4.1 et 4.17). Sur le socle paléoprotérozoïque, l’incision est moins importante. Le paysage y est très aplani, les sommets importants étant constitués de mesas bauxitiques ou d’inselbergs conservés sur roches basiques (Figures 4.9 et 4.15). Sur le socle, érosion et altération sont complémentaires. La roche est « préparée », attendrie par l’altération avant d’être érodée (Fairbridge

et Finkel, 1980; Millot, 1980a; Beauvais et Chardon, 2013). C’est la dernière grande phase d’érosion

mécanique, le Haut glacis, qui a laissé l’empreinte la plus durable dans le paysage (Grandin, 1976). Ici, la morphologie est influencée par les transitions lithologiques entre granitoïdes et ceintures de roches vertes. Ce point sera développé dans le Chapitre 6 à travers l’évolution des profils des rivières et dans le Chapitre 7 dans une province type de Haut glacis, le Sud-ouest du Burkina Faso.

3.2 Zonation climatique

La zonation climatique implique que les processus chimique et mécanique aient une plus ou moins grande influence sur la morphologie en fonction de la latitude (Figure 4.17). La Figure 3.24 l’illustre bien pour les glacis (Grandin, 1976). Par exemple, on trouve les zones d’aplanissement mécanique (Bas glacis et pédiplaine fonctionnelle) au Nord de l’Afrique de l’Ouest dans la zone sahélienne. De même le Moyen glacis est plus développé en approchant ces zones (voir Coupes GG’ et HH’ de la Figure 4.17). A l’inverse, les formes d’altération chimique sont plus développées au Sud du craton, vers les domaines guinéen et équatorial. Au Sud de la Côte d’Ivoire, la fonte géochimique du Haut glacis est importante, sous l’influence d’un climat qui a probablement été plus propice à

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l’altération depuis 11 Ma (Figure 4.17). De même, la zone équatoriale a subi une altération quasi continue durant le Cénozoïque (Beauvais, 1991; Tardy, 1993).

3 .3 Hétérogénéité de la dissection et indices de mouvements verticaux

La distribution des provinces géomorphologiques de l’Afrique de l’Ouest traduit l’hétérogénéité spatio-temporelle de l’évolution de sa surface. En effet, les paysages de cette zone, considérée comme stable par opposition aux zones orogéniques, ne sont pas identiques d’une région à l’autre. L’érosion ne s’est donc pas effectuée par abaissement uniforme de la topographie à l’échelle régionale depuis 45 Ma. Cette hétérogénéité suggère également des forçages épirogéniques locaux.

La forte préservation de la surface Africaine dans la dorsale de Guinée suggère une origine ante-éocène de son relief malgré les nombreuses reprises d’érosion plus récentes (Figure 4.17). Cependant, la géométrie de cette surface ne permet pas d’évaluer directement les éventuels mouvements verticaux post éocènes. L’hétérogénéité de la dénudation, comme le long du bourrelet marginal, laisse à penser que des mouvements verticaux ont concentré l’érosion dans certaines zones. La géométrie des surfaces d’aplanissement et des séquences de dépôt dans les bassins sédimentaires suggèrent également la déformation de la lithosphère associée à des mouvements verticaux. Par exemple, la géométrie des dépôts sédimentaires près de Thies (horst ou dôme de Ndiass ; Burke, 1996;

Guiraud et al., 2005) et la mise en place de basaltes à partir de 35 Ma dans cette zone évoquent des

mouvements verticaux post éocènes.

La majorité du paysage du craton ouest africain est dominée par le Haut glacis ; ce qui suggère que la phase majeure d’acquisition du relief s’est effectué avant 11 Ma. Cependant, des anomalies d’incision surtout marquées par Moyen glacis indiquent des reprises d’incision après 11 Ma. Le fait que le Moyen glacis soit plus étendu le long de drains côtiers atlantiques suggère donc des sollicitations extérieures plus récentes. L’étude de la dissection du Haut glacis dans cette zone peut renseigner sur la dynamique d’érosion en contexte cratonique. Dans le Hoggar, où il y a peu d’évidence de latéritisation, on peut supposer que le paysage est très jeune ou qu’il n’a jamais subi d’altération. Les données thermochronologiques qui montrent des âges de refroidissement de 95 à 5 Ma (Rougier et al., 2013) et le fait que de grands épanchements volcaniques âgés de 3,5 Ma se soient développés suggère que le relief de cette zone est plus jeune que 11 Ma.

4. Conclusion

Les latérites forment des marqueurs géomorphologiques préservés dans les reliefs ouest africains dont l’origine est au cœur des débats sur l’évolution topographique africaine. Leur échantillonnage par la base de données est donc pertinent pour caractériser l’évolution morphologique

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cénozoïque de ces zones. La distribution des reliques de paléo-surfaces présentée dans ce chapitre a permis, en plus de constituer une base de données, de faire une première analyse qualitative de l’évolution des reliefs ouest africains. Cette distribution est détaillée au travers d’une carte morphologique et de coupes régionales.

La géométrie ainsi que la disposition des surfaces le long des vallées des principaux fleuves témoignent de l’évolution du drainage et de l’incision au cours du Cénozoïque. Le bourrelet marginal formé par la surface Africaine dans le prolongement de l’actuelle dorsale guinéenne parait lié à cette évolution. La lithologie et la zonation climatique exercent un contrôle fort sur la préservation et la morphologie des latérites. Les escarpements principaux, qui semblent acquis depuis la période bauxitique (ou intermédiaire), sont en effet marqués par des changements lithologiques. La morphologie du Haut glacis, qui est la paléo-surface majoritairement préservée, varie en fonction de sa position latitudinale. La dénudation est hétérogène depuis l’abandon de la surface Africaine. Des reprises d’érosion marquées par le Moyen et/ou le Bas glacis suggèrent des sollicitations climatiques et/ou épirogéniques récentes. Parallèlement, la potentielle déformation des surfaces Africaine et intermédiaire semble être révélatrice de mouvements verticaux.

La base de données constituée dans ce chapitre sera exploitée dans les chapitres suivants afin de caractériser la dynamique d’érosion long-terme de l’Afrique de l’Ouest depuis l’Eocène. Elle sera utilisée pour construire les topographies associées aux reliques des paléo-surfaces bauxitiques, intermédiaires et de Haut glacis. L’analyse de ces paléo-topographies ainsi que l’utilisation des reliques des paléo-surfaces à proximité des grands fleuves permettra de discuter de l’évolution du drainage et des profils en long des rivières mais aussi des bilans d’érosion depuis 45 Ma.

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