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B- Les impacts de l’industrie minière sur les volets sociaux-culturels au Québec

2- Le principe de consentement et d’accommodation

Actuellement, plusieurs communautés autochtones revendiquent des espaces territoriales qu’elles affirment avoir appartenues à leurs ancêtres, mais qui leurs sont dépossédées à cause de diverses raisons.512 Jusqu’à présent, le Canada est toujours en processus d’élaboration de traités

avec les communautés autochtones du grand Nord, relativement aux revendications territoriales.513

Autrefois, ces terres ont servi, aux peuples autochtones, d’espace pour l’agriculture, l’élevage et la culture de plantes qui leurs servent de médicaments traditionnels. Ces terres peuvent renfermer aussi des sites sacrés qu’ils veulent protéger.514 L’amélioration de la participation des populations

autochtones et locales aux processus décisionnels qui concernent le développement de leurs régions est l’une des pierres angulaires garantissant la stabilité du climat social des investissements

508 OSISKO, Projet Canadian Malartic: Rapport sur l'étude de faisabilité, supra, note 254. 509 Id.

510 Id. Dans le cadre du projet Malartic, la vente de gré à gré consiste soit à acheter les résidences des particuliers dans le quartier sud, soit à procéder au déplacement dans le nouveau quartier nord de la ville. Selon la corporation Osisko, l’évaluation de leur offre pour l’achat des propriétés privées a été entrepris par des firmes spécialisées donc elle tient en compte la valeur de la propriété et le nouvel immeuble en cas de déplacement avec tous les frais y afférents à la relocalisation temporaire. En somme, la corporation Osisko a déboursé 108 millions de dollars pour le déplacement du quartier sud.

511 Id.

512 Déclaration universelle des droits de l'Homme, Assemblée générale des Nations Unies 1948, article 17.

513 Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) modifiée afin d'ajouter la Convention du Nord-Est québécois (1978) 1975 ; Convention définitive des Inuvialuits Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut 1984 ; Accord définitif Tsawwassen, Colombie Britannique 2009, etc.

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miniers. Des espaces de négociation ont été créées, même si les populations ne disposent pas des informations suffisantes pour juger de la matière.515 Le degré de leur implication est encore

restreint.516 Globalement, la réalité démontre même que la plupart des gouvernements des pays

hôtes d’une exploitation minière ne maîtrisent pas les obligations qu’ils doivent exiger de l’entreprise minière. Ce qui entraîne une information erronée et incomplète de leur part quand ils exposent le projet aux citoyens.

2.1- La consultation de la population locale selon la loi sur la qualité de l’environnement

De prime abord, il importe de mentionner que seuls les projets qui doivent produire une étude d’impact environnemental,517 font l’objet de consultation publique. Les projets visés et les

seuils à partir desquels ils sont assujettis sont identifiés de façon précise dans le Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement.518 La loi sur la qualité de

l’environnement en son article 31.3 établit la conduite d’une consultation publique pendant la procédure d’obtention du certificat d’autorisation gouvernementale. En effet, la pratique indique le droit de tout citoyen touché par le projet à un libre consentement préalable et éclairé.519 La loi

sur le développement durable rajoute dans ses principes « la participation et l’engagement des

515 Id.

516 LAFORCE,M., «L'évolution des régimes miniers au Canada: l'émergence de nouvelles formes de regulation et ses implications», (2010) 30(1) Canadian Journal of Development Studies 49.

517 Loi sur la qualité de l’environnement, supra, note 245, article 31.1.

518 Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, supra, note 260, section II : les projets assujettis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. cf. Annexe 3 L’article 101.0.1. de la loi sur les mines, supra, note 36, prévoit aussi pour « un projet d'exploitation d'une mine métallifère dont la capacité de production est de moins de 2 000 tonnes métriques par jour, celui qui souhaite obtenir un bail minier doit, avant de présenter sa demande, procéder à une consultation publique dans la région où se situe le projet, selon les modalités fixées par règlement. Il transmet ensuite un rapport de cette consultation au ministre et au ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

Le plan de réaménagement et de restauration visé à l'article 232.1 doit être accessible au public au moins 30 jours avant le début de la consultation. Le ministre peut, lorsqu'il constate que la consultation n'a pas été menée conformément aux modalités fixées par règlement, imposer toute mesure additionnelle.

Le premier alinéa ne s'applique pas à un projet d'exploitation des terres rares. » Cependant cet article n’est pas en vigueur.

519 Le Code civil du Québec, supra, note 205, en son article 10 prévoit que « Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité. Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé. » La Charte québécoise des droits et libertés, supra, note 498, renforce en son article 32 que « toute personne privée de sa liberté a droit de recourir à l'habeas corpus. »

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citoyens […] l’accès à l’information [...]»520. Sur la base de ces textes législatifs de base régissant

le Québec, la participation des citoyens au processus décisionnel sur un projet est plus qu’une formalité. En effet, l’intégration du public dans la prise de décision forme une condition à part entière pour la validation formelle et assure également l’acceptation tacite de la communauté, d’un projet.

Selon le règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, le promoteur est tenu de publier un avis dans un quotidien et un hebdomadaire, de la région d’installation du projet ainsi qu’à Montréal et Québec, dans un délai de 15 jours.521 Le contenu de

la publication est déjà préétabli par ce règlement.522 L’initiateur du projet doit, par la suite, faire

un état de l’avis au ministre dans un délai de 15 jours après sa publication.523 Simultanément, il

avise aussi les municipalités locales où le projet s’implante.524 D’ailleurs, le BAPE annonce au

public par un communiqué de presse, l’étape de l’information et de la consultation publique.525

Durant cette période, les documents526 sont mis à la disposition du public pendant 45 jours, mais

le ministre peut accorder des délais supplémentaires, s’il le juge nécessaire.527 À ce stade, la

formulation d’une demande d’audience publique par les personnes consultées est permise par rapport à la pertinence des informations fournies, si elles fournissent des motifs pertinents, ou jugés non frivole par le ministre.528 Lorsque le ministre approuve la demande, le bureau ou BAPE doit

publier un avis de la tenue de l’audience publique dans les bulletins d’information publique où le

520 Loi sur le développement durable, supra, note 320, article 6.

521 Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, supra, note 260, article 6 ; Loi sur la Qualité de l’Environnement, supra, note 245, article 31.3.

522 Cf. Annexe 4: Modèle d’avis visé à l’article 6 du règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement.

523 Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, supra, note 260, article 9. 524 Id. : article 10.

525 Id. : article 10.1.

526Id. : article 12: « Contenu du dossier: Le dossier de la demande de certificat d'autorisation soumis à la consultation publique doit notamment comprendre:

a) l'étude d'impact sur l'environnement;

b) tous les documents présentés par le requérant à l'appui de sa demande de certificat d'autorisation;

c) tout renseignement, étude ou recherche effectuée à la demande du ministre en vertu de l'article 31.4 de la Loi et disponible à ce moment-là;

d) l'avis déposé par l'initiateur du projet auprès du ministre en vertu de l'article 31.2 de la Loi;

e) la directive rendue par le ministre en vertu de l'article 31.2 de la Loi relativement à la nature, la portée et l'étendue de l'étude d'impact sur l'environnement à préparer; et

f) toute étude ou commentaire effectué par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs relativement à cette demande de certificat d'autorisation et disponible à ce moment-là. »

527 Id. : article 11.

528 Loi sur la Qualité de l’Environnement, supra, note 244, article 31.3; Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l’environnement, supra, note 259, article 13.

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projet s’établit, dans la région de Montréal et Québec.529 En somme, le BAPE dispose de 4 mois

pour organiser l’audience publique et d’en faire rapport au ministre.530 Dans le cadre du projet

aurifère « Canadian Malartic », l’audience publique tenue par le BAPE s’est déroulée en 2009 accouchant son rapport n°260,531 après que la société Osisko ait déposé son étude de faisabilité et

d’impact environnemental, en septembre 2008, auprès du ministre de l’environnement qui l’a jugé recevable en janvier 2009.532

2.2- La consultation des peuples autochtones

Au Canada, les peuples autochtones sont munis de droits ancestraux ou issus des traités, selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982533. Sur la base du principe de l’honneur de la

Couronne534, celle-ci doit consulter et accommoder les peuples autochtones dans la conception de

projets touchant à leurs terres ancestrales puisque les peuples autochtones ont préexisté à la Couronne535. De ce fait, on s’attend en général à ce que “[…] the Crown intends to fulfil its

promises.”536

La jurisprudence537 a aussi confirmé le droit à la consultation des peuples autochtones. Le

juge Cory, dans l’affaire R. v. Nikal, déclare « tant que tous les efforts raisonnables ont été

déployés pour informer et consulter, de tels efforts suffiraient à répondre à l'exigence de justification. »538 Selon l’arrêt Delgamuukw de la Cour Suprême du Canada,539 la nature et le degré

de consultation varient selon les circonstances: « à partir d'un minimum d’obligation de discuter

des décisions importantes où la violation est moins grave ou relativement mineure » qui monte

529 Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement,Error! Bookmark not defined. supra note 158, article 15.

530 Id. : article 16.

531Rapport 260 du Bureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement relatif Projet minier aurifère « Canadian Malartic » : Rapport d’enquête et d’audience publique en juillet 2009, supra, note 277.

532 OSISKO, La minière nouvelle génération http://www.osisko.com/fr/a-propos/historique/

533 Loi constitutionnelle de 1982 sur le Canada (R-U), supra, note 499, article 35 (1) : « Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. » Voir aussi : COURCHESNE, G., supra, note 487, pp 106-107.

534R. v. Badger, , [1996] 1 S.C.R. 771 ; R. v. Marshall, [1999] 3 S.C.R. 456 et Haida Nation v. British Columbia, [2004] 3 S.C.R. 511 (S.C.C.)

535 Delgamuukw v. British Columbia, [1997] 3 S.C.R. 1010 et Haida Nation v. British Columbia, préc., note 536 Loi constitutionnelle de 1982 sur le Canada (R-U), supra, note 499. 534

537R. v. Sparrow, [1990] 1 S.C.R. 1075.

538 R. v. Nikal, [1996] 1 S.C.R. 1013, para. 110. Traduction libre de “So long as every reasonable effort is made to inform and to consult, such efforts would suffice to meet the justification requirement.”

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graduellement jusqu’au cas exigeant « le consentement [de la] nation autochtone sur des questions

à haut risque d’atteinte aux droits ancestraux. »540 La consultation consiste « [à]aviser les intéressés, [à] leur communiquer des renseignements et [à] discuter avec eux des questions soulevées, par suite de l’avis. »541

Le but de la consultation se dessine dans le rapport de concilier l’intérêt général avec ceux des peuples autochtones. De surcroît, la Cour Suprême du Canada a confirmé cette pratique. S’il s’agit « d’une revendication [de droit] crédible, voire douteuse ou marginale, »542 les peuples

autochtones ont le droit de saisir la justice, à l’appui de preuves suffisantes, pour démontrer l’existence d’une atteinte à leurs droits ancestraux.543

L’accommodement peut être ordonné après une consultation menée de bonne foi, 544qui

consiste par l’amendement des informations fournies pour prendre en compte les propositions et/ou craintes des participants545. L’amendement peut prendre la forme d’une indemnisation,

comme l’attribution de licence de pêche pour tous les usagers dans l’affaire R. v. Gladstone.546

Dans cette affaire, le problème était la non-conformité des droits de pêche de tous les citoyens avec les droits ancestraux de la population autochtone vivant dans la région donnée. En outre, l’accommodement ne donne pas le droit de véto aux peuples autochtones.547 En effet, l’État détient

le pouvoir de décision finale sur des mesures qu’il prend, bien qu’elles puissent porter atteinte aux droits particuliers d’une partie de ses citoyens.548

Les droits ancestraux des peuples autochtones prévus par l’article 35 de la Constitution canadienne doivent être respectés à la lettre par le gouvernement, sauf s’il arrive à les accommoder pour l’exécution des projets gouvernementaux. À ce propos, l’auteur Bankes réaffirme l’inconsistance entre la notion de « free entry mining » avec la protection constitutionnelle des

540 Id., Delgamuukw v. British Columbia, para 44. Voir aussi: COURCHESNE, G., supra, note 487, pp. 111 à 115. 541 Id.: Para. 51.

542 THÉRIAULT,S.,supra, note 202.

543 Delgamuukw v. British Columbia, supra, note 535. 544Id.: paras 42, 45.

545 Id.: para 46.

546Id.: para 23; R. v. Gladstone, [1996] 2 S.C.R. 723, para 64. 547 Id.: para. 47.

548 THÉRIAULT,S.,supra, note 202. Voir aussi CHRISTIE,G., «Developing Case Law: The Future of Consultation and Accommodation», (2006) 39 UBC L Rev. 139.

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droits des peuples autochtones.549 Raisonnablement, les dispositions de la Constitution doivent

avoir une valeur juridique supérieure aux règlements gouvernementaux550.

Le projet Malartic s’insère dans une zone contigüe aux communautés algonquines de Winneway, de Pikogan et de Lac Simon. Ces communautés habitent dans un rayon de 60 km à 110 km de la ville de Malartic. Leurs membres ont présenté un mémoire à la commission du BAPE, conformément à leurs droits établis par la Constitution. Mais celle-ci s’est prononcée incompétente en la matière, car les questions relatives à la revendication territoriale ne sont pas de son ressort. Et elle affirme également que les renseignements fournis dans ledit mémoire ne précisent pas des incidences de l’implantation du projet avec les activités traditionnelles de ces peuples autochtones.551

C- Les impacts de l’industrie minière sur les volets sociaux-culturels au