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2.3 La physiopathologie moléculaire

2.3.1 Le passage d'un nævus à un mélanome primaire

Le passage d’un nævus bénin à un nævus dysplasique est caractérisé par une expansion clonale, une réduction de l’apoptose et une diminution de la sénescence des mélanocytes (pour revue, Slominski et al. 2001). Cette phase est caractérisée par des altérations génétiques ou épi-génétiques affectant la régulation du cycle cellulaire, la prolifération et l’apoptose (pour revue, Gray-Schopfer et al. 2007 ; Kuphal et al. 2009 ; Palmieri et al. 2009). Les gènes mutés sont pour la plupart des oncogènes ou des suppresseurs de tumeurs et sont impliqués dans plusieurs voies de signalisation (figure 8 ; tableau 1).

La voie des MAPK impliquant la cascade d'activation RAS/RAF/MEK/ERK contrôle la prolifération et la survie cellulaire. Cette voie de signalisation joue un rôle particulièrement important dans le cas du mélanome avec une hyperactivation retrouvée dans 80% des cas. Plusieurs mécanismes peuvent conduire à cette activation tels que la production par voie autocrine de facteurs de croissance, la modification des récepteurs à tyrosine kinase ou des mutations activatrices dans les effecteurs de la voie comme RAS ou RAF. Le gène c-KIT est sur-activé dans certains cas de mélanome par mutation ou augmentation du nombre de copies du gène. Des mutations activatrices de NRAS ont également été identifiées dans 15 à 30% des mélanomes (pour revue, Gray-Schopfer et al. 2007). De plus les souris transgéniques présentant la mutation de la glutamine en position 61 en lysine (Q61K) de la protéine NRAS et déficientes pour INK4a développent spontanément des mélanomes (Ackermann et al. 2005 et pour revue Ghosh et al. 2009). La mutation la plus fréquente dans le mélanome concerne la

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kinase BRAF et représente 50 à 70% des cas de mélanomes. Les mutations de BRAF sont mutuellement exclusives avec celles de NRAS. Parmi ces mutations, le remplacement de la valine en position 600 par un acide glutamique (V600E) est particulièrement important puisqu'il est présent dans 50% des mélanomes. Cette mutation de BRAF entraîne une activation anormale de la signalisation des MAPK en aval de la kinase BRAF conduisant à une activation de la prolifération et une augmentation de la capacité de survie des cellules tumorales. Il existe également d'autres mutations plus rares de la valine 600 remplacée dans certains cas par une lysine (V600K) ou une arginie (V600R) (pour revue, Scolyer et al. 2011 ; Arkenau et al. 2011). La présence de BRAF muté est également détectée dans les nævi bénins et dysplasiques montrant qu'il s'agit d'un évènement précoce dans la progression du mélanome. De plus, les souris transgéniques mutées BRAFV600E forment spontanément des

mélanomes (Dhomen et al. 2009).

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La voie PI3K/AKT est également fréquement dérégulée dans le mélanome (pour revue, Gray-Schopfer et al. 2007 ; Kuphal and Bosserhoff 2009). La mutation PI3Kα pourtant fréquement retrouvée dans les pathologies cancéreuses n'est présente que dans 3% des mélanomes métastatiques. La perte de PTEN par mutation ou mécanisme épigénétique est observée dans 5 à 30 % des mélanomes en stades terminaux. Les souris transgéniques Pten-/-

meurent dans les stades précoces de l'embryogenèse, et les souris hétérozygotes Pten+/-

développent de nombreuses pathologies tumorales mais seules les souris Pten+/-/Cdkn2a+/-

développent des mélanomes (pour revue, Chin 2003 ; Ghosh and Chin 2009). La surexpression d'AKT est notée dans 60 % des mélanomes. L'ensemble de ces dérégulations participent à l'activation globale de la voie PI3K/AKT regulant ainsi la prolifération cellulaire et l'apoptose mais aussi le réarrangement du cytosquelette.

La voie p53 est très fréquemment dérégulée dans les cancers mais dans le cas du mélanome, la perte de p53 est observée dans seulement 10% des cas. La protéine p16INK4a

freine la prolifération cellulaire et si les inactivations mutationnelles sont quasiment exclusivement retrouvées dans les mélanomes familiaux, une extinction de l'expression de

p16INK4a par méthylation de l'ADN est retrouvée dans 75% des cas (Marini et al. 2006).

L'inactivation de cette voie perturbe également le contrôle de l'apoptose et du cycle cellulaire.

La voie Wnt/β-caténine a également été impliquée dans le développement du mélanome par une activation constitutive comme en atteste l'accumulation de la β-caténine dans le noyau (Larue et al. 2009a). Le rôle de la β-caténine dans le mélanome est encore

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Type de lésion MMutation BRAF MMutation NRAS MMutation c--KKIT

Mélanome cutané non liés à

l’exposition chronique au soleil 59% 22% 0% Mélanome cutané liés à l’exposition

chronique au soleil 11% 15% 2% Mélanome des muqueuses 11% 5% 20%

Mélanome acral 23% 10% 15%

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Tableau 2 : La fréquence des différentes mutations dépend du type de mélanome

Les mutations observées au cours du développement moléculaire de la pathologie du mélanome dépendent fortement du type de mélanome considéré. Les mutations des voies BRAF/NRAS sont plus fréquentes sur les mélanomes cutanés et les mutations c-KIT se retrouvent dans les mélanomes acraux et des muqueuses. (Curtin et al. 2005)

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controversé. En effet, il est établi qu'une augmentation de son expression nucléaire et cytoplasmique est un facteur de bon pronostic. Cependant, il a également été montré à l'aide de souris transgéniques NRASQ61K/bcatsta que sa stabilisation induit une inhibition de

p16INK4a conduisant à une immortalisation des mélanocytes sans pour autant augmenter la

prolifération comme cela a été montré dans d'autres types cancéreux. Cela suggère que la β- caténine pourrait contribuer à des événements précoces du développement des mélanomes (Delmas et al. 2007 ; Larue et al. 2009b). Le facteur de transcription MITF (pour Microphthalmia-Associated Transcription Factor) apparaît comme un élément important de la prolifération et la survie des mélanocytes avant et pendant leur migration à partir de la crête neurale. Il est retrouvé amplifié dans 15 à 20 % des mélanomes et a été inversement corrélé à la survie des patients. Cependant, le rôle exact de ce facteur de transcription dans le mélanome n'a pas encore été élucidé et l'état actuel des connaissances permet d'envisager un rôle conditionné par son niveau d'expression. Une forte expression de MITF serait ainsi corrélée à un état prolifératif tandis qu'une faible expression de MITF serait associée à un état invasif et peu prolifératif (Arozarena et al. 2011, et pour revue Palmieri et al. 2009).

Suivant l’origine du développement du mélanome, les types de mutations varient considérablement. En effet, des tumeurs n’ayant pas pour cause l’exposition chronique au soleil, présentent une plus grande proportion de mutations BRAF que de mutations NRAS, avec une quasi-absence de mutations de c-KIT. Au contraire, des lésions dérivant de peaux subissant des épisodes chroniques d’expositions aux rayonnements ultraviolets présentent légèrement plus de mutations NRAS que BRAF et le taux global de mutations de cette voie de signalisation est plus faible. Enfin, les mélanomes issus des muqueuses ou de zones non exposées au soleil présentent significativement plus de mutations c-KIT (tableau 2) (Curtin et al. 2005).

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