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balafré à vie

5.2 Le parcours et l’entourage du lycéen Burckhardt

Pourtant, c’est avant tout à Dienemann que Burckhardt rendit hommage dans son curriculum de 1786, rappelant qu’il fut celui qui, le premier, l’introduisit vraiment dans le monde des lettres.43 Il semble en effet que, de tous les professeurs qu’il eut pendant ces années gymna-

siales, ce soit Dienemann qui fit la plus grande impression sur lui. Dans son curriculum, Burckhardt prit cependant soin d’honorer aussi la mémoire d’autres maîtres auxquels il estimait devoir beaucoup de ce qui lui avait permis de progresser. Parmi les noms qu’il mentionne nous trouvons ceux de Benjamin Friedrich Schmieder, Johann August Helmbold et Johann Georg Peuckert. Le jeune garçon, doué pour les études, réussit à partir de la classe de sixième tous ses examens annuels sans jamais devoir redoubler, de sorte qu’il se retrouva dès 1774 en classe de première, ce qu’il évoque naturellement avec beaucoup de satisfaction dans son autobiographie. Cette Lebensbeschreibung s’est faite plus explicite concernant Benjamin Friedrich Schmieder (1736-1813),44 qui fut un enseignant manifestement plus en phase avec son époque que ne

l’avait été son supérieur Dienemann. Burckhardt rappelle que Schmieder quitta plus tard Eisle- ben pour prendre la direction du Gymnase hallésien.45En effet, Schmieder devait abandonner 42. Sept publications, en latin, de la plume de Dienemann, parurent de 1741 à 1755. Elles sont consultables en ligne sur le portail digitalisé de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich (Deutsche digitale Bibliothek): Ad audiendam ultimam orationem Pet. Leb. Frankii Islebiensis ... invitat M. Gotth. Ioh. Lud. Dienemann, Islebia (Hüllmann) 1741; De philosophia, scientiarum matre, Islebia 1741; Ad audiendas orationes in honorem et memoriam Ioh. Gothofr. Langi ... invitat M. Gotth. Ioh. Lud. Dienemann [Programma de scholarum neglectu] Islebia (Hüllmann) 1747; Disquisito philos. de natura et arte ,Islebia 1748; Serenissimo optimoque principi Henrico Francisco ... natalem auspicatissimum ... submisse gratulatur et, de antiquissima nominis Mansfeldiae origine praefatus, orationes ... indicit M. Gotth. Ioh. Lud. Dienemann, Islebia (Hüllmann ) 1750 ; Principis serenissimi optimi Henrici ... felicissimum natalem ... sanctissimis votis prosequuturus de fontibus historiae Mansfeldicae agere orditur et ad orationes ... invitat M. Gotth. Ioh. Lud. Dienemann, Islebia (Hüllmann) 1753; Ioh. Gothofr. Langi, viri de gymnasio Islebiensi optime meriti memoriam longissimam orationibus ... breviter commendaturus ... convocat et de usu brevitatis in scholis brevissimis praefatur M. Gotth. Ioh. Lud. Dienemann, Islebia (Hüllmann) 1755.

43. (BURCKHARDT, Vindiciae lectionis THEOS, 1786), p. XIV: « qui primus mihi auctor fuit prosequendi li-

terarum studii »

44. Friedrich Theodor ELLENDT, Geschichte des Königlichen Gymnasiums zu Eisleben: eine Jubelschrift zur

Feier seines dreihundertjährigen Bestehens, Eisleben (G. Reichardt), 1840, pp. 48-49; Richard HOCHE,

« Schmieder, Benjamin Friedrich », in: Allgemeine Deutsche Biographie, vol. 32 (1891), pp. 28–29; Bernd FEI- CKE, « Schmieder, Benjamin Friedrich », in: BBKL, vol. XXXII (2011), pp. 1230-1233.

45. (BURCKHARDT, Lebensbeschreibung), p. 3: « Der damalige Zertinus, hernach Conrektor, jetzt verdienter

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volontairement son professorat au Lycée d’Eisleben en août 1780, pour solliciter la direction du Gymnase luthérien de Halle. Il obtiendra d’ailleurs ce poste au détriment de Burckhardt qui avait brigué cette fonction en même temps que lui. Nous exposerons dans un chapitre ultérieur les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette candidature qui mit Burckhardt en concur- rence avec son ancien professeur, de vingt ans son aîné.46Citoyen de Leipzig, né en 1736,

Schmieder avait été l’élève du philologue et théologien Ernesti, d’abord à l’école Saint-Tho- mas, puis à l’université de Leipzig où il avait obtenu son grade de Magister philosophiae. Bon latiniste, il s’était fait un nom comme traducteur et éditeur de Térence. Devenu, en 1765, pro-

fesseur au Gymnase d’Eisleben, puis, en 1771, directeur-adjoint du même établissement, Schmieder travailla sous les ordres de Diene- mann avec lequel il entra en conflit, ce qui fut d’ailleurs la raison de son départ volontaire en 1780. Il avait donc vu arriver le jeune Burckhardt alors qu’il n’était encore que l’un des professeurs. Il avait pris le garçon en affection et, ayant discerné son zèle et ses capaci- tés, lui avait même confié la tâche « d’enseigner l’écriture à son

propre fils ». Schmieder continua d’accorder sa bienveillance à un ly-

céen dont il avait testé les aptitudes. Il suivit Burckhardt avec une af- fectueuse sollicitude jusqu’en 1774, quand sonna pour lui l’heure de passer à des études universitaires à Leipzig.

L’autobiographie de Burckhardt mentionne aussi « Maître Prudent », le chantre de l’église Saint-Pierre qui était la paroisse à laquelle le Gymnase d’Eisleben était officiellement rattaché.47Il rappelle qu’il s’était distingué aux yeux

de ce cantor par la manière dont sa mémoire lui permettait de réciter sans faute et sans hésitation les plus longues des leçons qu’il imposait à ses élèves et qu’il tirait du manuel d’instruction religieuse alors très en vogue dans les paroisses luthériennes de la Saxe électorale. Il s’agit de la Catechetische Anleitung qui avait pour auteur Christoph Albrecht Lösecke (1676-1753).48Ce

dernier avait étudié à Halle à partir de 1700 et, devenu pasteur à Plauen, il avait fait paraître en 1720 cet ouvrage catéchétique qui avait connu de nombreuses rééditions depuis. Cet auteur consacra d’autres ouvrages destinés à mettre aux mains des maîtres d’école et des pères de famille des instruments d’instruction religieuse dans l’esprit d’un piétisme luthérien tel que celui que professait l’Abbé Johann Adam Steinmetz, celui dont il sera bientôt question.

vermutlich meine Seelenkräfte und mein Gedächtnis auf die Probe zu stellen, und da ich es ihm ohne Anstoß hersagen konnte, beschenkte er mich und wurde mein Gönner und Freund. Ich habe hernach, als ich in seine Klasse kam, seinen Sohn im Schreiben unterrichtet. »

46. Chapitre VIII, 10.

47. (BURCKHARDT, Lebensbeschreibung), p. 3: « Auch der Peterscantor, Herr Prudent, stellte mich auf ähn-

liche Art auf die Probe. Er ließ nämlich gewiße Stücke aus Lösekens Ordnung des Heils von seinen Schülern auswendig lernen, wobei dann vielen stockten, zumal, wenn die Lektion lang war. Da ich nun die mir aufge- gebenen Lektionen, die längsten, welche jemals waren aufgegeben worden, ohne Anstoß hersagte, so stellte er mich nicht nur den Übrigen als ein Muster auf, sondern beschenkte mich auch mit einer Märkischen Gram- matik, welche ich dann ebenso eifrig lernte. Überhaupt muß ich sagen, daß dieser Mann den Grund zu meiner Kenntnis und Vorliebe in der lateinischen Sprache bei mir gelegt hat, dadurch, daß wenn ich so sagen soll, ich durch ihn grammatikfest geworden bin. »

48. Johann Georg MEUSEL, Lexikon der vom Jahr 1750 bis 1800 verstorbenen teutschen Schriftsteller, vol. 8 (1808), pp. 331-332.

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Impressionné par les qualités qu’il observait chez le jeune lycéen, notamment par son excellente mémoire, Maître Prudent lui fit don d’un manuel de grammaire la- tine, dont la Lebensbeschreibung précise qu’il s’agissait de la « märkische lateinische Grammatik », ouvrage très prisé aux réédi- tions et aux améliorations multiples. Ce fut, si l’on en croit l’auto- biographe Burckhardt, l’origine de sa bonne maîtrise du latin, la langue savante de l’époque. C’est également à ce cantor de la pa- roisse Saint-Pierre que Burckhardt reconnaîtra le mérite d’avoir su éveiller en lui l’amour du latin dont il faut bien sûr rappeler qu’il jouait encore un rôle fondamental dans le cursus d’études de tout théologien d’alors. Burckhardt devint effectivement un bon lati- niste, ainsi que cela apparaîtra en maints endroits de notre étude. Ce sera le cas lorsque nous examinerons les savantes leçons publiques qu’il donnera lors de sa candidature au poste de directeur-adjoint du Gymnase luthérien de Halle.49Nous le verrons également recourir à

la langue de Cicéron lorsque, de passage à Bruges, il s’entretint longuement avec « un juriste », sur de « savantes questions » dans une conversation menée « en latin ».50 L’époque de

Burckhardt était celle où le latin, à côté du Français, était encore lingua franca, langue véhicu- laire des lettrés européens. Pourtant, les complaintes qui s’élevaient déjà dans certains milieux universitaires allemands concernant la baisse rapide de la maîtrise du latin, même chez les théo- logiens, pourraient conduire à relativiser une telle assertion. Le 15 juillet 1782, dans l’une de ses lettres à Charlotte Trinius, Burckhardt affirme avoir souvent « entendu le vieil Ernesti » dire sa crainte de voir disparaître le goût pour les langues anciennes.51Nous pouvons également pour

exemple les plaintes de Johann David Michaelis. Dans la préface de l’édition de sa Dogmatik de 1784, qui était une version allemande de son Compendium theologiae dogmaticae de 1760, il expliquait en effet sa décision de passer du latin à l’allemand par le fait que « depuis environ

un quart de siècle » le latin était de plus en plus mal maîtrisé par les étudiants, ce qui conduisit

l’auteur à écrire qu’il fallait « aller avec son temps », même si l’on eût personnellement souhaité qu’il en allât autrement.52 Cet ouvrage dans lequel son auteur s’inquiétait de cette évolution

culturelle symbolisée par la perte de vitesse du latin en cette deuxième moitié du XVIIIesiècle

dans les mœurs universitaires allemandes se trouve dans la bibliothèque personnelle de Burckhardt, parmi de nombreux autres titres dus à la plume du même Michaelis.53En effet, le

savant professeur à Göttingen, personnage haut en couleur, fut une importante référence pour Burckhardt. Leurs chemins se croiseront en été 1786, ainsi que nous le verrons dans un chapitre ultérieur.54

49. Chapitre VIII, 10. 50. Chapitre XI, 14.

51. (BURCKHARDT Bemerkungen 1783), pp. 22-23: « so fällt mir ein, was ich den alten Ernesti oft habe sagen

hören, dass der Geschmack an den alten Sprachen bald ganz untergehen, und keine Ge [ /p. 23/]lehrten und Professores in kurzem mehr werden gefunden werden, wenn junge Leute zu sehr, wie es jetzt geschieht, von Schöngeisterey, und poetischen romantischen, schauspielerischen Schriften hingerissen werden. »

52. Johann David MICHAELIS, Dogmatik, zweite, umgearbeitete Ausgabe, Göttingen (Wittwe Vandenhoek), 1784, pp. IV-V.

53. (BURCKHARDT, A Catalogue, 1801), n° 27. 54. Chapitre XXI, 5.

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L’homme mûr Burckhardt reconnaîtra plus tard dans son autobiographie que toute sa scolarité fut marquée par une intensive sollicitation de « la mémoire ».55Il avouera même avoir dû enre-

gistrer dans sa mémoire beaucoup de choses sans qu’il les eût vraiment comprises. Mais il ajoutera que cela ne fut pas sans présenter l’avantage d’avoir fourni à son « entendement (Vers-

tand) » des « matériaux » sur lesquels celui-ci allait pouvoir s’exercer dans la mesure où il

pouvait les découvrir, précisément dans sa mémoire. Il en tirera la conclusion que cette mémoire constitue la « première force de l’âme » qu’il faudrait développer chez tout enfant. Il se refusera néanmoins d’ériger cela en « règle générale » et laissera même entrevoir qu’avec le temps, il avait pris conscience du danger qu’il pouvait aussi y avoir à « surcharger » la mémoire. Il fut néanmoins personnellement très reconnaissant pour les multiples passages du Catéchisme ou de la Bible qu’il avait dû apprendre par cœur, ainsi que pour le style de la formation scolaire qu’il avait reçue en ses jeunes années, et où il avait dû exercer sa mémoire d’une manière par- ticulièrement intense. Et ceci d’autant plus qu’il écrira, non sans quelque ironie, avoir « com-

mencé déjà très tôt à réfléchir » à ce qu’il avait dû apprendre par cœur.

Des années durant, lors des cultes auxquels il assistait régulièrement à la paroisse Saint-Pierre d’Eisleben, l’écolier puis le lycéen qu’il fut prenaient consciencieusement note de la structure de toutes les prédications qu’il entendait ainsi que des affirmations essentielles dont elles étaient porteuses. Ce qui fit de lui un auditeur particulièrement attentif du prédicateur d’alors qui était un certain « pasteur Muller ». Le fait que Burckhardt précise que ce dernier allait devenir « su-

rintendant et docteur en théologie, nous permet d’identifier le personnage comme ayant été

Johann Andreas Müller (1736-1810). Son parcours et la littérature le concernant ont fait l’objet d’un article bio-bibliographique exhaustif.56 En 1780, l’année qui allait voir l’extinction de la

lignée des comtes de Mansfeld, il était effectivement devenu surintendant général et président du consistoire de Mansfeld, le dernier à avoir assuré cette fonction. C’est lui qui, plus tard, devint le second mari de Charlotte Gerhardine Hahnemann, la jeune fille dont il va bientôt être question, et qui joua un rôle de premier plan dans la vie de Burckhardt.57 Dans sa Lebens-

beschreibung, Burckhardt écrira du surintendant Müller qu’il fut un prédicateur qui prenait un

soin tout particulier à « mettre ses sermons dans une forme pédagogiquement rigoureuse », rappelant par la même occasion que sa prise de notes systématique lors de son audition régulière de tous les sermons du surintendant lui permit aussi de gagner un peu d’argent du fait que certaines personnalités de la ville lui passaient commande de ses résumés. Burckhardt affirme que ce fut dans cette activité dominicale qu’il faut chercher la racine de sa réflexion personnelle sur les textes évangéliques.

55. (BURCKHARDT, Lebensbeschreibung), p. 4 : « Ich habe, so wie in der Religion, also auch in den Wissen-

schaften, in meiner Jugend vieles auswendig gelernt, ohne es zu verstehen. Dadurch habe ich den Vorteil gehabt, daß mein Gedächtnis geübt worden ist, und der Verstand, da er aufwachte, gleichsam Materialien vorfand, über welche er nachdenken konnte. Aus dieser Erfahrung habe ich den Schluß gemacht, daß das Gedächtnis die erste Seelenkraft sei, welche bei einem Kinde geübt werden muß. Die vielen Sprüche der Bibel, die ich im Katechismus lernte, ohne ihren tiefen Sinn damals zu fassen, sind mir nicht nur geläufig, und wie in die Seele eingedrückt, sondern auch verständlich, und fallen mir zur rechten Zeit wieder bei. Es kann frei- lich zu keiner allgemeinen Regel gemacht werden, aller Kinder Gedächtnis auf diese Weise zu üben, am we- nigsten, dasselbe zu überladen, aber das weiß ich, daß es mir unendlich nützlich gewesen ist, das Gedächtnis von Jugend an mit einiger Anstrengung zu üben. Jedoch fing ich auch schon frühzeitig an, über das zu denken, was ich auswendig gelernt hatte. »

56. Bernd FEICKE, « Müller, Johann Andreas », in: BBKL, vol. 32 (2011), pp. 970-975. 57. Chapitre III, 9.

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Le souvenir des cultes vécus pendant ses années juvéniles dans la paroisse Saint-Pierre à Eisle- ben devait conduire Burckhardt à une certitude qui s’ancra durablement chez lui : la participa- tion à la vie cultuelle de la communauté est essentielle à la formation de la jeunesse, une con- viction qu’il ne cessera d’inculquer plus tard à ses paroissiens, comme en témoigne notamment l’une de ses prédications londoniennes.58 En notant cela dans son autobiographie, Burckhardt

n’a cependant pas manqué d’ajouter que les notions et impressions acquises dans l’enfance ne devraient pas pour autant se soustraire à ce qu’il appelle une « correction et purification », et dont il précise qu’elle est un processus qui ne prend fin qu’avec la mort. La remarque n’est pas anodine pour qui veut pénétrer les convictions dominantes de notre auteur dans les années de sa maturité.59On retrouvera en effet très souvent sous sa plume cette façon de souligner l’im-

portance de la tradition chrétienne transmise ecclésialement et à laquelle il importe de demeurer fidèle, mais sans que cela dispense de la nécessité d’une constante relecture, suivie si nécessaire d’une correction et purification.

Burckhardt se souvient avec émotion de certaines figures d’autorité comme celle de son pro- fesseur de latin, Johann Philipp Tietzmann, qui exerçait au Lycée depuis 1744 et qui mourut en 1768.60Il compare Tietzmann à un véritable « monarque scolaire », tant l’autorité qu’il déga-

geait était grande et imposante. Cette notion d’autorité liée à l’exercice d’une fonction pédago- gique apparaîtra toujours comme essentielle chez notre auteur. Révélatrice à cet égard est l’anecdote qu’il rapporte dans sa Lebensbeschreibung. Elle concerne ce qui se racontait en An- gleterre à propos de l’éminent pédagogue anglican Richard Busby (1606-1695) et de sa réaction lors d’une visite que lui rendit le souverain britannique dans sa Westminster public school qu’il conduisit d’une main de fer pendant les cinquante-cinq ans de son ministère. Busby n’avait pas retiré son chapeau, malgré la présence du roi, afin de marquer combien il lui importait d’appa- raître devant ses élèves comme celui dont l’autorité ne pouvait être dépassée par personne au monde !61

Burckhardt rappelle aussi dans sa Lebensbeschreibung que c’est à « Maître Matthäi », le cantor de l’église Saint-Nicolas, qu’il doit sa première connaissance de la langue grecque, et qu’il resta dans sa mémoire comme un monument de « majesté ». De même, il n’oublia plus jamais la bonté qu’avait eue à son égard Johann August Helmbold, le chantre de la paroisse Saint-André,

58. (BURCKHARDT BPM II 1794), pp. 210-220: « Zwölfte Predigt. Von dem Nutzen des öffentlichen Gottes-

dienstes »

59. (BURCKHARDT, Lebensbeschreibung), p. 4: « Sind auch die Begriffe und Empfindungen in der Kindheit

nicht allemal richtig und würdig genug, so muß man doch bedenken, daß sie bis an unseren Tod hin jene immer mehr berichtigt und diese immer mehr gereinigt werden müssen ».

60. Friedrich Theodor ELLENDT, Geschichte des Königlichen Gymnasiums zu Eisleben: eine Jubelschrift zur

Feier seines dreihundertjährigen Bestehens, Eisleben (G. Reichardt), 1840, p. 67.

61. (BURCKHARDT, Lebensbeschreibung), p. 4: « Unter meinen übrigen Schulherrn erinnere ich mich des so-

genannten Ultimus, des Herrn Tietzmann, welcher die sechste Klasse hatte. Bei ihm lernte ich ‚mensa‘, der Tisch, deklinieren, und er hielt viel auf mich. Er war ein langer, hagerer ernster Mann, welcher seine Sextaner in großer Ehrfurcht zu erhalten wußte. Ungefähr wie Busby bei der Westminsterschule in London, dem auch ein marmorn Denkmal in der Westminsterabtei gesetzt ist, von dem man erzählt, daß, als Carl der König ihn einst besucht habe, um ihn docieren zu hören, er im Beisein des Königs den Hut aufbehielt und die Schulstube auf und abging, als wenn keine Majestät zugegen wäre. Da der König sich entfernte, ging er ihm nach und entschuldigte sein Verhalten mit den Worten: ‚Ihre Majestät werden es mir zu gute halten, daß ich in Ihrer Gegenwart mich so betrug. Denn wenn meine Schüler merkten, daß ein größerer Mann als ich in der Welt existierte, so wäre kein Auskommen mit ihnen.‘ Der König lächelte und fand die Apologie des Schulmonarchen begründet. »

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même si celui-ci lui avait fait subir un jour un « châtiment physique » pour avoir osé bavarder pendant une prédication de catéchisme.

En se remémorant ce que furent ces années gymnasiales, Burckhardt évoque aussi celui qui, à ses yeux, avait été le plus doué de tous ses camarades en classe de première : « Spohn, devenu

depuis professeur au Gymnase de Dortmund ».62Il s’agit de Gottlieb Leberecht Spohn (1754-

1794).63Du même âge que Burckhardt, et originaire d’Eisleben comme lui, ce brillant camarade

devait poursuivre lui aussi des études à Leipzig et devenir catéchète et prédicateur du soir à Saint-Pierre. Il se fera rapidement connaître par une grande maîtrise dans le domaine de la phi- lologie biblique, devenant le continuateur du célèbre lexique latin-grec de Schöttgen et Krebs. Il publia, en 1785, une nouvelle traduction, avec apparat critique, du livre de l’Ecclésiaste à partir de l’Hébreu, puis une édition critique du livre du prophète Jérémie dans le texte grec des

Septantes. Cette notoriété lui valut d’être appelé, en 1788, à occuper le poste de prorecteur du

Gymnase de Dortmund, poste qu’il conserva jusqu’en 1794, l’année où il fut appelé à Witten- berg pour y prendre un poste de professeur de théologie ainsi qu’une fonction de prévôt à la