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Le mouvement de solidarité internationale avec le Nicaragua

Les origines du mouvement de solidarité

Les leaders sandinistes ont très tôt compris que seul un mouvement basé sur un soutien international avait une chance de perdurer et de renverser le régime somoziste. Cette volonté prend racine dans la tradition marxiste de l’internationalisme, mais se retrouve également dans la pensée de Sandino2 qui disait que « le pire qui puisse arriver à un peuple, c’est que sa lutte se fasse dans l’isolement3 » et elle s’exprime clairement dans le programme historique du FSLN de 19694. Le mouvement international de solidarité se développe réellement à partir des années 1970. C’est dans un premier temps en Amérique latine qu’il prend pied, notamment au Mexique où d’anciens cadres du FSLN commencent, dès 1974, à mener un réel travail de solidarité. Ces cadres ont pour mission de tout mettre en œuvre afin de générer la solidarité politique hors des frontières de leur pays d’origine.

En Belgique, le mouvement se développe dès 1978 (comité d’Anvers). Au moment où l’insurrection populaire s’amplifie au Nicaragua, ce sont avant tout des exilés nicaraguayens (mais aussi chiliens) qui lancent le mouvement de solidarité en Europe. À travers un important travail de sensibilisation, ils parviennent rapidement à rallier des Belges à leur cause et le mouvement prend alors de l’ampleur5. Durant cette première phase, la solidarité s’exprime surtout par la dénonciation de la « barbarie somoziste » qui réprimait toute forme d’opposition dans le pays. Cette dénonciation se fait par les mécanismes traditionnels liés à l’utilisation de l’image en temps de guerre : la diabolisation de l’ennemi (fig. 1) ainsi que la victimisation de la population civile (fig. 2). Cette victimisation passe avant tout par l’image de la femme, élément intéressant quand on pense à la manière dont cette image va évoluer par la suite. D’autre part, les comités affichent très clairement à ce moment-là leur soutien à un mouvement de lutte armée

Figure 1. Nicaragua Komitee Nederland, « Weg met Somoza », affiche, s.l., 1979.

International Institute of Social History, Amsterdam.

Figure 2. Nicaragua Komitee Nederland, « Nicaragua » (photographie Koen Wessing), affiche, s.l., 1979. Nederlands Fotomuseum, Rotterdam.

Figure 3. Nicaragua Komitee Nederland, « Steun het FSLN », affiche, Utrecht, 1978. AMSAB-Institut d’Histoire sociale, Gand.

La révolution sandiniste en 1979

La solidarité avec le Nicaragua prend réellement de l’ampleur au moment de la prise de pouvoir des Sandinistes en juillet 1979. Le pays bénéficie désormais d’une visibilité inédite sur le plan médiatique, ce qui stimule fortement le développement du mouvement.

Si la révolution prive, dans un premier temps, les comités de leurs membres les plus actifs – une grande entreprise de rapatriement des cadres exilés du FSLN va avoir lieu – elle permet aussi aux comités de réellement émerger et d’enraciner leur travail dans la population locale6. Partout en Europe, tant dans de petites que de grandes villes, de nouveaux comités voient le jour. Contrairement à d’autres mouvements de solidarité (Algérie, Vietnam, Angola ou Mozambique), au Nicaragua, la prise de pouvoir ne signifie pas la fin de ce mouvement mais plutôt son véritable début. Les images des foules déferlant dans les rues de Managua font rapidement le tour du monde. Elles jouent un rôle important à ce moment où le mot d’ordre est de diffuser l’enthousiasme généré autour de cette révolution.

La participation au pouvoir – le Nicaragua sera dirigé jusqu’aux élections de 1984 par une junte de gouvernement composée de membres des diverses forces politiques du pays – va permettre au FSLN de développer ses structures afin de mieux organiser et canaliser la solidarité internationale. Le CNSP (Comité nicaraguayen de solidarité avec les peuples) sera créé à Managua quelques semaines seulement après la révolution. Afin de répondre à la création des nombreux nouveaux comités en Europe ainsi qu’au départ des exilés nicaraguayens, des coordinations nationales et un secrétariat européen voient rapidement le jour. Ces structures ont pour objectif de définir les grandes lignes du travail de solidarité, d’assurer le flux des informations et de canaliser les efforts des comités. Les ambassades et consulats du Nicaragua jouent également un rôle important à cet égard7.

Un mouvement de solidarité politique

À l’apogée du mouvement de solidarité, près de deux mille comités existent en Europe, dont une bonne vingtaine pour la seule Belgique8. Tous ces comités exercent une solidarité de nature politique envers le FSLN, travaillent en fonction de ses directives, font passer l’ensemble de leur aide par lui et fonctionnent la plupart du temps à travers les structures qu’il a créées. Leur travail de solidarité comporte quatre volets majeurs : la sensibilisation, l’aide matérielle, le lobbying et l’engagement sur le terrain via les brigades internationales. Parmi ces différents terrains d’activités, c’est sans doute pour le travail de sensibilisation que l’image a joué le rôle le plus important. À travers leurs bulletins d’information – moyen de communication typique des nouveaux mouvements sociaux – les comités ont pu atteindre un public de sympathisants dépassant de loin le cadre de leurs seuls membres. L’image prend une place très importante dans ces bulletins car elle permet, d’une part, de véhiculer des sentiments (plus facilement que par le texte en tout cas) et, d’autre part, d’illustrer le travail réalisé sur place par les comités. De manière plus générale, elle se trouve réellement au centre de toutes les activités de ceux-ci, comme

en témoigne Philippe Grignard, coordinateur du CAcC (Comité d’Amérique centrale de

Charleroi) : « La photographie, mes images, celles d’amis, ont toujours accompagné les

activités de sensibilisation du comité […] Chacune de nos conférences débute par une projection d’images9. »