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Le modèle de gestion des chaînes de valeurs

Dans le document RENÉE LÉGARÉ (Page 90-94)

PREMIÈRE PARTIE Problématique de recherche, cadre théorique et méthodologie

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE ET CONCEPTUEL

2.1 Cadre théorique et conceptuel

2.1.2 Les théories et modèles en émergence

2.1.2.3 Le modèle de gestion des chaînes de valeurs

Le modèle des chaînes de valeurs n’est pas un modèle théorique mais une approche qui s’est développée au cours des dernières années avec l’arrivée de l’entreprise réseau (Verge et Dufour, 2003). Le modèle des chaînes de valeurs est un concept utile pour étudier le fonctionnement du capitalisme mondial au-delà des limites territoriales de l’économie nationale et réfléchir à la division du travail dans un système capitaliste contemporain (Bair, 2005; Lakhani et al., 2013). Les premières chaînes de valeurs étaient principalement développées pour réduire les coûts, par exemple par des activités de coordination des chaînes d’approvisionnement en

« juste à temps ». Depuis quelques années, la recherche et la pratique actuelle relative aux chaînes de valeurs est beaucoup plus large, reconnaissant la valeur générée par les efforts de gestion de la chaîne de valeurs (Fisher, Graham et al., 2010).

Le modèle des chaînes de valeurs mondiale des auteurs Gerreffi et al., (2005), repris par d’autres auteurs dont Lakhani et al., (2013), présente un cadre d’analyse intéressant pour cette recherche, non pas pour les dimensions mondiales du modèle mais pour son analyse de la chaîne de valeurs. Ce modèle est fondé sur cinq principaux types de configurations de chaîne de valeurs et leur structure de gouvernance. Ces configurations de chaîne de valeurs varient selon leur degré de coordination et l'asymétrie de pouvoir entre l’entreprise donneuse d’ordres et ses fournisseurs de services23. Dans le modèle de Gerreffi et al., (2005) , trois variables clés détermineraient le mode de gouvernance ou le choix de la configuration de la chaîne de valeurs. Ces variables sont :

1) La complexité des interactions entre les entreprises 2) La codification des exigences

3) Les capacités des fournisseurs actuels et potentiels de rencontrer les exigences

23 Gereffi (1994) identifie deux grands types de chaîne de valeurs, soient les chaînes axées sur le donneur d’ordres/acheteur (ex. Walmart) ou celles axées sur les donneurs d’ordres/producteurs (ex. entreprises de développement de logiciels ou le secteur de l’automobile).

72 du Donneur d’ordres.

Le tableau 5 résume leur modèle et les impacts des types de configuration des différentes chaînes de valeur. Ces cinq types de gouvernance proviennent de l’analyse des valeurs attribuées aux trois variables clés : la complexité des transactions interentreprises, la mesure dans laquelle cette complexité peut être atténuée par la codification des tâches et la mesure dans laquelle les fournisseurs ont les capacités nécessaires pour répondre aux exigences des donneurs d’ordres.

Chaque type de gouvernance prévoit un compromis différent entre les avantages et les risques de l’externalisation.

Plus la complexité des transactions interentreprises est grande, moins cette complexité peut-elle être atténuée par la codification des tâches et moins il est facile pour les fournisseurs de services de répondre aux exigences des donneurs d’ordres.

Il est plus probable que les entreprises donneuses d’ordres vont choisir des configurations de la chaîne de valeurs qui assurent un niveau élevé de coordination explicite et une asymétrie de pouvoir importante en leur faveur. Par exemple, une chaîne de valeurs de type « marché » signifie que les transactions interentreprises sont relativement faciles, les fournisseurs sont hautement capables de rencontrer les exigences du donneur d’ordres et la codification des transactions est principalement réglée par le marché.

Tableau 5: Configuration des chaînes de valeurs Type de

gouvernance

Complexité des transactions inter- entreprises

Codifiabilité des spécifications

Capacité du fournisseur à rencontrer les exigences du Donneur d’ordres

Marché Modérée Élevée Élevée

Modulaire Élevée Élevée Élevée

Relationnel Élevée Modérée Élevée

Captive Élevée Élevée Modérée

Hiérarchique Élevée Modérée Modérée

Source : Gereffi et al., (2005), tableau 1, p. 87

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Une configuration de type « modulaire » est lorsque, par exemple, un fichier (ou module) de conception assistée par ordinateur est transféré d'une entreprise donneuse d’ordres à un fournisseur. En raison de la codifiabilité des spécifications élevée, de l'information complexe peut être échangée entre fournisseurs, mais les capacités de ces fournisseurs à rencontrer les exigences du donneur d’ordres restent élevées.

Une configuration de type « relationnel » est lorsque les spécifications du produit ou du service ne peuvent être codifiées et les transactions entre les entreprises du réseau sont complexes et demandent des échanges constants entre la firme cliente et ses fournisseurs. La firme donneuse d’ordres sous-contracte pour avoir accès à des compétences qui viennent compléter les siennes. Il existe une certaine dépendance entre la firme donneuse d’ordres et ses fournisseurs de services.

L’échange d’information confidentielle est cruciale et se fait souvent par l’intermédiaire de rencontres face-à-face.

Dans une configuration de type « captive », il existe une grande complexité des transactions interentreprises et une codification élevée des spécifications du produit ou du service. Ceci vient complexifier l’intégration de nouveaux fournisseurs de services, puisque l’investissement requis pour la firme donneuse d’ordres auprès de ses fournisseurs de services pour transférer son savoir est élevé. De plus, les fournisseurs de services se trouvent également captifs; par exemple, ils sont souvent responsables d’une gamme étroite de tâches et sont dépendants de la firme donneuse d’ordres pour les nouvelles technologies et les procédures d’exploitation des opérations.

Une configuration de type « hiérarchique » est lorsque les spécifications du produit ou du service sont difficiles à codifier de par leur complexité et que peu de fournisseurs de services existent ayant le type de qualifications requises. Cette forme de gouvernance est généralement motivée par la nécessité d’échanger des connaissances spécifiques entre les entreprises du réseau ainsi que par la nécessité de gérer efficacement les intrants et la production du réseau et de contrôler les ressources, en particulier celles de la propriété intellectuelle.

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Les auteurs reconnaissent que les configurations de gouvernance ne sont pas statiques24 et ne sont pas directement reliées à des secteurs d’activités particuliers.

L’analyse de la gestion verticale des interactions entre le donneur d’ordres et ses fournisseurs de services de même que la gestion des relations horizontales entre les fournisseurs de services est essentielle afin de mieux comprendre les relations inter-organisationnelles, c’est-à-dire l’analyse des relations de coopération et de rivalité entre les différents acteurs tel que présentée par Wilhelm (2011)25.

Wilhelm (2011), avec son concept de « coopétition », c’est-à-dire coopérer pour mieux concurrencer, analyse la gestion des relations horizontales de la chaîne d’approvisionnement. Comme plusieurs autres auteurs (Flecker et Meil, 2010;

Fisher et al., 2010), Wilhelm (2011) reconnaît l’importance des relations entre les fournisseurs de services et les défis que cela peut amener pour le donneur d’ordres.

Pour ce chercheur, la relation horizontale entre fournisseurs-fournisseurs est plus complexe et plus dynamique que la relation verticale donneur d’ordres et fournisseurs. Les fournisseurs de services doivent se concurrencer pour obtenir une plus grande part des gains et doivent également collaborer puisqu’ils font partie d’un même réseau d’entreprises. Certains fournisseurs semblent avoir plus de pouvoir et d’influence que d’autres et peuvent davantage influencer les autres fournisseurs ou même le donneur d’ordres. Dans son étude de cas avec de grandes compagnies automobiles, dont Toyota, Wilhelm (2011) arrive à la conclusion que si un donneur d’ordres ne parvient pas à influencer activement les relations entre les fournisseurs de sa chaîne de valeurs, il sera confronté au risque de perdre une partie importante de son contrôle sur la chaîne26. D’ailleurs Fisher et al. (2010) suggèrent que la gestion des ressources humaines dans la chaîne de valeurs peut prendre deux formes : la première est la gestion des ressources humaines au sein des entreprises

24 Cette reconnaissance du caractère dynamique ou évolutif des relations correspond dans une certaine mesure au caractère dynamique du modèle d’analyse de Bellemare et Briand (2012).

25 Nous croyons que le modèle d’analyse des acteurs et des régions des rapports de travail de Bellemare et Briand (2011) nous sera fort utile à la compréhension des différents niveaux

d’interactions dans les rapports de travail à différents niveaux ou régions de la chaîne de valeurs.

26 Cette dimension fera l’objet d’attention dans notre thèse étant donné le changement du nombre de fournisseurs de services à travers le temps.

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qui forment le réseau et la seconde est la gestion des ressources humaines entre les entreprises qui forment le réseau. Un concept qui nous présenterons dans la prochaine section.

2.1.2.4 Le modèle des chaînes de valeurs et de la gestion des ressources

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