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tique de la morphogenèse

2.6.1 Le modèle de Deleuze et Houllier

Deleuze et Houllier(1998) ont proposé un modèle mécaniste simple de production de xylème chez les conifères. Il s’agit en réalité de deux modèles emboités : un modèle de production de xylème, dont les entrées sont des variables de peuplement, et un modèle de peuplement, qui fournit les entrées du premier modèle. L’intérêt théorique se porte avant tout sur le premier modèle. L’avantage de l’emboitement est de relier les sorties sur la qualité du bois formé à des variables environnementales (voir le schéma de la figure2.22).

Données climatiques Modèle peuplement température humidité du sol produits de la photosynthèse division

cellulaire élargissementdes cellules

épaississement des parois densité rayon modèle xylogenèse

Figure 2.22 – Schéma du modèle de Deleuze et Houllier. Des données climatiques mensuelles sont injectées dans un modèle de peuplement qui calcule l’état des stocks d’eau et de photosyn-thétats. La température et les stocks servent d’entrées au modèle de xylogenèse proprement dit. Chaque processus cellulaire est régulé par une seule variable. Les sorties du modèle permettent d’obtenir un profil densitométrique.

Le modèle de peuplememt repose sur des bilans hydriques et carbonés classiques. L’originalité réside dans le modèle de xylogenèse. Au cours de chaque pas de temps ∆t (typiquement d’une semaine), un certain nombre de cellules sont créées, s’élargissent jus-qu’à leur taille finale et édifient la totalité de leur paroi secondaire. Chacun des trois pro-cessus cellulaires de division, d’élargissement et d’épaississement est directement placé sous le contrôle de la variable supposée limitante pour ce processus. La température dé-termine le nombre ∆n de cellules créées durant l’intervalle ∆t. La disponibilité en eau à ce même pas de temps détermine le volume final de ces ∆n cellules (le même volume pour toutes). Enfin, la disponibilité en carbohydrates détermine la masse de leur paroi.

À partir du volume et de la masse des cellules produites successivement au cours d’une saison de végétation, on peut obtenir le profile de densité à travers le cerne formé (profil microdensitométrique). Le modèle est simulé sur plusieurs années, et les stocks

permettent d’avoir un effet mémoire entre années. La validation se fait en comparant les profils microdensitométriques simulés sur des longues durées (vingtaine d’années) aux profils mesurés.

Le modèle reproduit la structure intra-annuelle bois initial / bois final. Il rend aussi compte de variabilités interannuelles liées aux conditions climatiques.

2.6.2 Le modèle de Vaganov–Shashkin (modèle VS)

En se basant sur les travaux de Fritts et al. (2000, 1999), Vaganov et Shashkin ont construit un modèle mécaniste de formation du bois de conifère pour aider à valider les reconstructions statistiques du climat à partir des caractéristiques des anneaux des croissance (Vaganov et al.,2006). Comme le modèle de Deleuze et Houllier, il repose sur une influence directe de l’environnement sur les processus cellulaires, bien que l’activité cambiale y soit un peu plus précisément décrite. Il est lui aussi constitué de deux sous-modèles : un « bloc environnemental » et un « bloc cambial ».

Le bloc environnemental calcule un taux de croissance global G(t) selon un pas de temps journalier. Ce taux de croissance dépend de l’ensoleillement et est limité par l’hu-midité du sol et la température. G(t) sert d’entrée au bloc cambial. Le taux d’expansion d’une cellule dépend de G(t) et de sa position dans la file radiale : plus une cellule est éloignée du phloème, plus elle s’élargit vite (tant qu’elle est en état de s’élargir). Lors-qu’elle atteint un certain diamètre critique, une cellule se divise si son taux d’expansion est supérieur à un certain seuil. Ce seuil est fonction de la position de la cellule. Les for-mules donnant le taux d’expansion et le taux seuil pour la division n’ont pas de réelles justifications théoriques.

Les auteurs font l’hypothèse que le diamètre radial final d’une trachéide est déterminé par le niveau d’activité cambiale au moment où elle a été produite. Le diamètre final d’une cellule est donc fixé comme étant proportionnel au taux de production de cellule par le cambium. La cellule cesse de s’élargir quand elle atteint ce diamètre. L’épaisseur de la paroi d’une trachéide mature est déterminée par une relation empirique avec le diamètre radial.

Le modèle VS possède moins de paramètres que celui initialement proposé parFritts et al.(2000,1999), bien que leur nombre reste grand. Il se distingue aussi par sa robustesse par rapport au choix des paramètres. Il a été employé pour produire des chronologies de largeurs de cernes sur des réseaux de sites, sous sa forme complète (Evans et al.,2006) ou simplifiée (Tolwinski-Ward et al.,2011).

2.6.3 Le modèle de Hölttä

internes au cambium. Ils utilisent un modèle de transport (Hölttä et al.,2006) pour calculer les flux verticaux d’eau et de sucre dans le tronc en prenant comme entrées la transpiration et le taux de photosynthèse. Les flux entre le phloème et le xylème, à travers les cellules de bois en formation, sont également décrits sur la base d’équations de diffusion. L’expansion cellulaire est modélisée de façon mécaniste à partir du potentiel hydrique et de l’équation de Lockhart. L’épaississement des parois est déterminé par la concentration locale en sucre. De façon générale, les auteurs tentent de prendre comme paramètres des grandeurs physiques mesurables.

Néanmoins, pour empêcher les trachéides d’atteindre des tailles aberrantes, ils ont recours à la formule un peu ad hoc de Fritts et al. (1999) etVaganov et al.(2006) sur le diamètre limite des cellules. Ils reprennent aussi leur formule sur le taux d’expansion seuil pour la division.

Finalement, la seule sortie du modèle vraiment confrontée aux données est la variation du diamètre du tronc. Les simulations sont réalisées à un pas de temps inférieur à la minute et sur une durée totale ne dépassant pas deux semaines. L’objectif principal de ce modèle parait être de relier la photosynthèse et la transpiration aux mesures du diamètre du tronc. La formation du bois est un aspect presque secondaire, qui permet surtout d’ajouter une composante de croissance irréversible aux cycles circadiens réversibles de gonflement et de dégonflement.

2.6.4 Le modèle de Forest et Demongeot

Forest et Demongeot(2006) ont proposé un modèle très mathématique d’activité cam-biale chez les conifères. Sa particularité par rapport aux modèles précédemment décrits est de choisir une hormone, l’auxine, comme commande de la croissance plutôt que des stocks ou des flux d’eau et de sucres, ou l’ensoleillement.

Le modèle considère le cambium de toute une section transverse de tronc. Les taux d’expansion cellulaires sont commandés par l’auxine. Pour cela, le flux d’auxine est calculé dans tout le phloème du tronc, en fonction de l’inclinaison et de la géométrie du tronc.

Seule la première couche de cellules cambiales est considérée. Les cellules sont re-présentées par des quadrilatères. Le taux d’expansion d’une cellule dépend de se lon-gueur d’échange avec le phloème et de la concentration en auxine au niveau de la largeur d’échange entre le phloème et la cellule. Au cours de leur croissance, les cellules sont en compétition pour l’espace et pour l’accès à l’auxine. Il y a des éliminations de cellules. Les divisions périclines et anticlines sont modélisées.

Dès qu’une cellule quitte la première couche de cellules cambiales, elle n’est plus sui-vie. Ce n’est donc pas un modèle de formation du bois mais un modèle de production de cellules. Son principal objectif est d’expliquer la distribution de la croissance entre les différentes faces du tronc en fonction de sa forme et de son inclinaison (en supposant que

l’auxine s’écoule par gravité, ce qui est très discutable). Le point le plus intéressant selon moi est la description très précises de l’occupation de l’espace entre les cellules de files radiales parallèles, avec l’idée de compétition.

2.7 Conclusion

Pour progresser dans notre compréhension de la formation du bois et de son contrôle par l’environnement, il est nécessaire de disposer au préalable d’une bonne connaissance du fonctionnement interne du cambium. Cela signifie connaitre quelles contraintes pèsent sur l’activité cambiale, quels sont ses temps caractéristiques de réponse aux stimulations, quels sont ses mécanismes de régulation propres (s’il y en a).

L’approche par les signaux biochimiques présente justement l’intérêt de faire abstrac-tion des limitaabstrac-tions liées à la source pour se focaliser sur le foncabstrac-tionnement du puits. De nombreux indices expérimentaux étayent l’idée que ces signaux régulent la formation du bois et médiatisent les facteurs externes. Les mécanismes précis mis en jeu restent cependant mal connus.

Des outils théoriques permettent de formaliser ces questions (le contrôle et la mandabilité), de décrire adéquatement la spatio-temporalité (la cinématique) et de com-prendre la structuration du tissu par des signaux biochimiques (les diverses théories de champs morphogénétiques). À ce jour, aucun modèle d’activité cambiale et de formation du bois n’a abordé ce questionnement de front, ni n’a eu recours à ces outils, sauf très partiellement.

Les modèles de Deleuze et Houllier, Vaganov–Shashkin et Hölltä décrivent surtout les relations entre les variables environnementales et les moteurs de la croissance que sont les stocks ou les flux d’eau et de carbone. La dynamique interne du cambium est modélisée de façon beaucoup plus fruste, ou en partie masquée par des limitations ad hoc. Le modèle de Loïc Forest a l’originalité de suivre précisément comment les cellules répondent à une commande (l’auxine). Mais comme seule une très petite partie du tissu est modélisée, il ne permet pas de pousser très loin l’analyse du fonctionnement du cambium.

Dans les chapitres qui suivent, je vais utiliser l’approche et les outils présentés ici pour apporter quelques réponses aux questions posées sur la régulation de l’activité cambiale et de la différenciation des cellules qui en dérivent. Je laisserai de côté la formation de la paroi secondaire pour me concentrer sur les processus de division et d’élargissement cellulaires.