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La mémoire autobiographique

1.2. Le fonctionnement de la mémoire autobiographique

1.2.1. Le modèle constructiviste de Conway (2004)

Le modèle de la mémoire du self ou Self Memory System (Guillery et al., 2008) reste, encore aujourd’hui, le modèle cognitif des représentations mnésiques autobiographiques le plus élaboré et le plus usité. Ce modèle est construit de manière à mettre en lumière l’interaction de 3 systèmes que sont le self à long terme, le système de mémoire épisodique et le self de travail (cf figure 1.4).

Figure 1.4 : Self Memory System de Conway

Source : Conway et al., 2004

Les caractéristiques principales qui distinguent ce modèle des modèles déjà existants sont notamment les aspects dynamiques liés à la durée de rétention, la sémantisation des

Working Self Système de mémoire épisodique Self à long terme

traces épisodiques ainsi que l’accès aux souvenirs spécifiques par les connaissances sémantiques personnelles (Piolino et al., 2000).

a. Self à long terme

Le self à long terme est un élément que Conway a ajouté à la théorie originelle du fonctionnement de la MA qu’il a développée en 2000 avec Pleydell-Pearce (Conway & Pleydell-Pearce, 2000). Il est représentatif de l’interaction entre la base des connaissances sémantiques personnelles et le self conceptuel (cf figure 1.5). Ce dernier, composé des connaissances personnelles les plus abstraites permet la construction de scripts personnels, de schémas socialement admis et influence l’image de soi réelle ou idéale. Ces éléments forme un cadre essentiel à la construction des valeurs, des croyances et des attitudes, dirigeant les contenus de base des connaissances autobiographiques. Ce socle d’informations personnelles est organisé selon 3 niveaux de représentation emboîtés que sont :

o les schémas de vie, indications générales sur l’histoire globale du sujet (ex : la famille, le travail,…)

o les périodes de vie (niveau abstrait), qui sont de longs segments de vie mesurés en années ou décennies et composées des buts, plans et thèmes du

self (modèle d’intégrité de soi) se référant à une période particulière (ex : la

période estudiantine).

o les évènements généraux (niveau intermédiaire), renvoyant aux évènements liés à un thème commun ainsi qu’aux évènements répétés et/ou étendus sur plus d’une journée (ex : les mercredis chez nounou ou les vacances en corse). Ces évènements sont mesurés en jours, semaines ou mois. Selon l’auteur, il s’agirait du mode d’entrée naturel de la MA et ainsi le plus fréquent.

Sur la figure 1.5, la flèche centrale au sein du cadre représentant le self à long terme indique bien une interaction réciproque entre la base des connaissances autobiographiques et le self conceptuel, ceci signifiant que chacun transmet de l’information à l’autre et qu’ils sont limités ou contraints l’un par l’autre. Ainsi lorsqu’un changement profond au niveau du self conceptuel a lieu, cette transition a par ricochet un impact sur le contenu du working

self (ou Self de travail), que nous présentons plus bas, et sur l’accès aux connaissances

b. Système de mémoire épisodique

Si le self à long terme permet à l’individu d’avoir une idée globale de ce qu’il a été dans le passé, le système de mémoire épisodique (niveau le moins abstrait) contient, quant à lui, l’ensemble des détails qui lui permettront de voyager dans le temps afin de reconstruire un évènement de manière spécifique et avec un maximum d’éléments caractéristiques de cette expérience personnelle passée. Ce système fait référence aux informations perceptivo-sensorielles, cognitives et affectives en lien avec un événement personnel unique, situé dans le temps et l’espace. Il est question d’épisodes de courte durée, mesurés en heures, en minutes, voire en secondes, mettant en évidence les éléments les plus pertinents et concordants avec les buts actuels du sujet (ex : j’ai gagné la course de sac de patate sur la plage de St Raphaël en 2001…). La dimension « épisodique » de ces expériences personnelles spécifiques est justement caractérisée par ce niveau de détails, impliquant fortement la présence de représentations imagées de l’évènement (imagerie mentale) ainsi qu’une expérience de réviviscence, caractéristiques d’un état de conscience autonoétique (Piolino et al., 2000).

Ajoutons que, la reconstruction des évènements autobiographiques spécifiques, détaillés ou non, se fait en interaction directe avec le Self de travail, principal gestionnaire de la progression des buts (figure 1.5).

c. Self de travail

Conway envisage donc la MA comme un système dynamique, et fortement influencée par le self, à la fois lors de l’encodage et de la récupération des évènements personnels (figure 1.5). Ce modèle met en évidence l’influence des aspirations et des buts actuels de l’individu sur la manière dont les évènements de vie vont s’inscrire puis être récupérés en mémoire. C’est pour cette raison que les souvenirs épisodiques personnels sont considérés comme des constructions mentales transitoires, dépendantes des buts considérés par le self et de leur valence ainsi que des ressources exécutives disponibles. Un phénomène de rétroaction permettrait l’ajustement de la construction du souvenir au regard du self conceptuel. A cet effet, les épisodes de vie réactivés peuvent, grâce à l’action du Self de travail se poser en soutien de l’identité du sujet afin de ne pas induire d’état de dissonance.

Le self de travail fait référence à la hiérarchisation et donc à la priorisation des buts actifs d’un individu. Il est défini comme un « ensemble complexe de processus de contrôle

dirigés par les buts actuels du sujet, ses désirs, et ses croyances » (Guillery et al., 2008, p.353)

et est considéré comme un ensemble de processus exécutifs se rapprochant du rôle de l’administrateur central décrit par Baddeley (2000) dans son modèle de la mémoire de travail (Guillery et al., 2008). Le Self de travail est donc engagé dans les processus de régulation des buts. Il organise les expériences actuelles et ce qui s’y réfère, ces dernières étant à la base du présent psychologique, régi selon 3 grands principes que sont la catégorisation, l’évaluation et la priorisation (Conway et al., 2004).

d. Principes de cohérence et de correspondance

Sous couvert de l’action du Self de travail, l’encodage et la construction des souvenirs s’effectuent selon 2 principes, la correspondance et la cohérence, permettant ainsi au sujet de se sentir exister dans son unicité, et de construire un sentiment continu d’identité. Selon le Self Memory System, ces 2 principes sont tout aussi importants l’un que l’autre mais chacun pour des raisons différentes.

Le principe de correspondance renvoie à l’encodage et à la récupération d’épisodes de vie concordant avec la poursuite des buts poursuivis. Quant au principe de cohérence ou

self-coherence, il fait référence à la stabilité et à la cohérence de l’interaction du self avec le

monde environnant. Il est question ici d’un stockage à long terme de connaissances conceptuelles sur soi, par définition, plus abstraites. Comme le propose Markus et Nurius (1986)13, la cohérence de soi met en lien le Self de travail actuel avec la réalité rappelée par le sujet et soutient la production d’images différentes de Soi dans le passé et de Soi dans le futur (Conway et al., 2004).