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Titre I : Les similitudes observables entre les différents soutiens aux insurrections

Section 1 Le modèle Afghan, prémices d'une approche prédictive

Le concept étudié par le professeur de science politique Stephen Biddle, du cas afghan, semble s'approcher de notre objet d'étude. Il est donc essentiel de comprendre l'essence de ce modèle, et de voir en quoi il est possible de l'assimiler à notre sujet. L'évaluation de la structure qui en ressort doit garantir une vision efficace du modèle tel qu'analysé.

1. Un modèle applicable au soutien à l'insurrection ?

Le modèle étudié par Stephan Biddle en 2002 repose sur un phénomène cumulé d'utilisation relativement nouvelle des forces spéciales américaines, avec des armes de précision guidées ainsi que des alliés locaux331. C'est ce qu'il nomme le « modèle Afghan »332.

Ainsi, le modèle Afghan tel que mis en lumière par l'auteur se fonde sur trois piliers : à la fois des forces locales alliées et suffisamment aguerries, qui sont massivement appuyées par des frappes aériennes délivrées à distance de sécurité, le tout coordonné par des forces spéciales333. Le concept semble donc pouvoir s'appliquer en réalité à nos trois périodes de couplage, puisque présentant toutes trois ce trinôme.

Cependant, la question des PGM n'est propre qu'à l'Afghanistan et à la Libye plus récemment. On a là une rupture dans la mise en place du soutien à l'insurrection au fil du temps, qui repose d'avantage sur une précision et un guidage des cibles ainsi que sur une utilisation nouvelle des forces spéciales. La Libye, quant à elle, est reconnue pour être un modèle proche de celui afghan.

« Plus récemment, les pays occidentaux ont à nouveau eu recours à un schéma opérationnel proche de « l’Afghan Model », lors de l’intervention militaire au-dessus de la Libye en aide au mouvement de rébellion contre Mouammar Kadhafi 334».

331 BIDDLE Stephen, « Afghanistan and the future of Warfare », in Foreign affairs, march/april 2003, Web. 4 May 2014.

Site de Foreign Affairs, à la page : http://www.foreignaffairs.com/articles/58811/stephen- biddle/afghanistan-and-the-future-of-warfare, (consulté le 28/05/14).

332 Ou « afghan model »

333 TENENBAUM Elie, «Les ailes et le canon : les dilemmes opérationnels de l'appui-feu. », art. Cit., p4. 334 TENENBAUM Elie, Entre ciel et Terre, le débat opérationnel de l'appui-feu, op. cit., p 27- 28.

Néanmoins, ce modèle afghan ne semble par révolutionner l'art de la guerre. Effectivement, l'auteur insiste sur l'idée que la focalisation sur cette structure ne doit pas être comprise comme une rupture dans la forme de la guerre. Si certains éléments représentent de petites évolutions, les continuités sont plus importantes et doivent toujours rester l'objet principal d'attention335. Cela évitera de prendre en considération des changements trop peu importants qui seraient mis en avant avec erreur.

L'étude du modèle afghan dans son efficacité permettrait, idéalement, d'obtenir une impression quant à l'efficacité plu générale du soutien aérien à l'insurrection.

2. L'efficacité du modèle afghan.

La réflexion de Stephen Biddle rend compte des débats autour de l'efficacité d'un tel modèle d'intervention. Il fait ainsi un bilan des arguments tenus par les partisans comme par les détracteurs de ce modèle conceptuel. Dans ce sens, il est certain que le cas afghan est imprégné de conditions qui lui sont propres. Ainsi, la complexité qui ressort de ces exigences paraît peu reproductible de manière naturelle, ou difficilement. Le modèle serait ainsi le fruit d'un contexte local336.

La reproduction d'un tel schéma récemment en Libye donne une impression d'efficacité potentielle du mécanisme337. Il pourrait faire apparaître comme le prochain cadre de planification des opérations en provenance des Etats-Unis338. Néanmoins, cette évaluation positive reste conditionnée à la question du concept d'emploi dans lequel s'insère le couplage des forces dans le schéma afghan. Il apparaît que c'est des finalités que dépend la pertinence de cette structure. Pour des cas de lutte pour un changement de régime, le résultat pourrait ne pas être le même que pour des cas de contre-insurrection notamment339.

De plus, il est intéressant de noter que le modèle afghan, tel que décliné par ses partisans, permet d'ôter l'inclinaison « néo-impérialisme » souvent donné à la politique 335 BIDDLE Stephen, « Afghanistan and the future of warfare », art. Cit., p11.

336 Ibid., p1.

337TENENBAUM Elie, «Les ailes et le canon : les dilemmes opérationnels de l'appui-feu. », art. cit., p4. 338 BIDDLE Stephen, « Afghanistan and the future of warfare », art. Cit., p1.

étrangère des Etats-Unis, et de faire ainsi apparaître les interventions américaines comme des opérations moins coûteuse mais pourtant efficaces à l'échelle mondiale340.

Des inquiétudes sont cependant retranscrites quant à la capacité du schéma à opérer à distance :

« Même dans sa version plus engagée, avec la présence de troupes légères ou de forces spéciales capables d’éclairer les cibles, le « modèle afghan » suscite des inquiétudes. Lors de la guerre du Liban de 2006, l’armée israélienne a pu se rendre compte des limites pesant sur les opérations menées à distance de sécurité. Selon le chercheur israélien et ancien pilote de chasse Ron Tira, la dépendance de ces éventuels contrôleurs aériens avancés à l’égard des moyens de communication longue portée permanents pose la question de leur survivabilité face à un adversaire capable de rompre ce lien et de les isoler à des dizaines, centaines voire milliers de kilomètres de leurs bases 341».

Si des indices de bon fonctionnement du modèle viennent d'être émis342, des limites existent toujours face à une telle construction d'intervention. Ces limites proviennent principalement des adaptations qui font suite à l'instauration d'un modèle et aux problèmes que cela vient créer pour combattre l'ennemi, ôtant à l'usager du modèle toute surprise et supériorité, liées à son emploi.

« Le « modèle afghan » s’est toutefois heurté à une adaptation des adversaires qui ont su dématérialiser une partie de leurs outils de commandement, jouer sur l’imbrication et la dissimulation de leurs moyens militaires.343 »

Il reste certain que le succès du modèle afghan en 2002 n'est pas dû à une simple chance, et qu'ainsi une telle structure crée des implications certaines pour le futur des conflits.

« Il existe des preuves substantielles ainsi que la campagne n'était pas seulement

un coup de chance, d'où ses conséquences peuvent avoir un sens réel pour l'avenir.344 »

340 BIDDLE Stephen, « Afghanistan and the future of warfare », art. Cit., p11.

341 TENENBAUM Elie, Entre ciel et terre. Le débat air-sol et les défis de l'appui-feu, op. cit., p28.

342 Un débat autour de l'explication à donner à la réussite du modèle afghan peut être retrouvé dans l'ouvrage de Borghard et Pischedda. Le dilemme explicité se joue entre la raison de l'équilibre des pouvoir et l'argument technologique. Voir BORGHARD Erica D., and PISCHEDDA Constantino., « Allies and Airpower in Libya », in Small Wars journal, spring 2012, pp 63-74.

343 Ibid., p33.

344 BIDDLE Stephen, Afghanistan and the future of warfare : implications for Army and Defense policy, Carliste, PA, US Army War College Strategic Studies Institute, 2002, 58 pages, p23.