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Titre I : Les similitudes observables entre les différents soutiens aux insurrections

Section 2 Des conditions nécessaires pour une efficacité du couplage

En fonction des problèmes évoqués, il est possible de définir des principes à respecter afin d'améliorer l'application de la stratégie de soutien à l'insurrection, et notamment le rapport de couplage s'opérant pour sa réalisation. Ces éléments peuvent être assimilés à des conditions pour assurer l'efficacité du soutien à l'insurrection, et donc à des prescriptions.

1. De l'anticipation des actions de couplage.

Face à l'imprévisibilité survenant du couplage entre la puissance intervenante et la force insurgée irrégulière, le principe d'anticipation est essentiel. Prévoir et envisager différentes éventualités permet de se préparer à des circonstances soudaines. Celles décrites dans les inconvénients, notamment, seraient ainsi envisagées, pour mieux être traitées ensuite dans l'urgence de leur exécution.

Ainsi, le retournement de la force locale dû à son indiscipline et la cohérence des

buts poursuivis par les deux forces doivent faire l'objet d'une anticipation. Cela permettrait

d'obtenir une meilleure coordination dans l'urgence. Idéalement, envisager la planification d'un soutien potentiel à une force locale viable dans un cadre tactique, si la nécessité s'en ressentait, et l'anticipation des différents centres de gravité découlant d'un tel changement de planification, sont des recommandations utiles pour affronter ces situations soudaines. Elles permettrait une meilleure compatibilité des forces.

Contre l'imprévisibilité de l'ennemi et la meilleure gestion d'une réaction couplée et coordonnée avec la force locale, une étude et une infiltration des forces gouvernementales

adverses est envisageable. De même, des scénarios d'anticipation des modes d'actions de l'ennemi loyaliste doivent être pris en compte afin de ne pas se laisser surprendre par des actions irrégulières déstabilisant la stratégie d'appui menée par la puissance aérienne occidentale.

Face à l'imprévisibilité, une meilleure évaluation du temps nécessaire au bon déroulement de la mission globale doit être réalisée. Là où ont eu lieu des actions de couplage, une mésestimation récurrente de la durée des opérations est observable : les centres de commandement envisagent systématiquement des temps d'action plus courts que la réalité. Les trois interventions s'inscrivent dans une durée au contraire prolongée. Une meilleure anticipation temporelle éviterait l'enlisement et permettrait de faire le choix d'un couplage plus rapidement si le besoin se ressentait. L'acceptabilité reste néanmoins une difficulté à surmonter.

2. De la nécessité de légitimer l'intervention.

Le principe de légitimation doit conduire les opérations aériennes, y compris celles d'appui à des forces insurgées locales. Le principe de légitimité, selon le DIA 33, concerne l'emploi des forces dans le milieu aérien et s'inscrit dans un cadre de légalité et de respect des règles éthiques. Puisque l'enjeu de légitimité est souvent problématique dans les cas d'études, il doit être mis un point d'honneur à faire en sorte d'appliquer au mieux ce principe lors de prochaines opérations de couplage.

Le respect du droit international ainsi, avec l'attachement à correspondre et faire suite à une résolution Onusienne, conformément aux enjeux de l'époque, éviterait tout débat sur le droit d'intervention que s'octroient parfois les puissances occidentales dans de telles situations.

La formulation d'objectifs clairs et définitifs, face au glissement trop souvent opéré d'un but à un autre au cours des conflits, renforcerait la ligne de conduite et l'adhésion des opinions publiques aux interventions prochaines. Une transparence et une honnêteté serait mieux appréciées que des variations spontanées et aléatoires d'objectifs. De plus, la définition d'un objectif juste est nécessaire à la légitimité complète et globale de l'opération.

Une ligne de conduite fixe est importante. C'est pourquoi l'émission d'un avis définitif, à défaut réservé, sur les forces rebelles ou d'oppositions, à la fois réfléchie et anticipée, garantirait la crédibilité des puissances occidentales amenées par la suite à soutenir les groupes considérés. Auparavant discrédités ou mal-considérés, le revirement de position sur ce type de forces, servant une politique stratégique de soutien, ne peut assurer une légitimité à l'action. Il faut donc que les états se réservent une possibilité future de soutien sans exclure moralement une force de manière définitive. Dans cette même perspective, l'opinion portée que la force adverse devrait être in-changeante et faire l'objet d'un consensus suffisant pour être à l'origine d'une décision de combat.

Dans ce sens, doivent précéder à l'opération de couplage la dé-crédibilisation de l'ennemi en tant qu'action première, ainsi que la reconnaissance de la force locale à appuyer. Ces deux éléments assurent alors légitimité au soutien et à la lutte contre le gouvernement en place, ainsi que la crédibilité corrélative des puissances intervenantes. En matière technique, il est nécessaire de remédier au problème principal qu'est le manque d'interopérabilité.

3. De la compatibilité à l'interopérabilité.

L'interopérabilité militaire se définit comme « la capacité de plusieurs systèmes,

unités ou organismes, à opérer ensemble grâce à la compatibilité de leurs organisations, doctrines, procédures, équipements et relations respectives 299».

On a pu voir que celle-ci est absente ou limitée lors des opérations de couplage. Cela induit une difficulté pour la réussite opérationnelle d'une action commune. En effet une faible interopérabilité entraîne une incapacité de plusieurs éléments à opérer ensemble et menace donc l'efficacité d'une intervention étatique tierce au profit d'une autre force. L'objectif est donc de prévoir plus d'interopérabilité pour ce type de mission.

En définissant la composition principale de cette contrainte et en pointant les éléments faisant défaut, il serait possible de voir en quoi le schéma d'envoi des forces spéciales peut apparaître pertinent, et quels sont les efforts à mener pour obtenir un système plus opérationnels, malgré les difficultés inhérentes aux spécificités d'un soutien à 299 PIA-7.2.6 -3 GIAT-O (2012) Glossaire interarmées de terminologie opérationnelle.

l'insurrection.

L'interopérabilité se fonde sur trois critères essentiels que sont la communication, les procédures et la technique. Les besoins imminents lors de telles opérations impliquent une nécessité de coopération, même à faible degré. Or, les défaillances en matière de langage mutuel principalement, pour ces forces irrégulières, empêchent la compréhension rapide entre les deux acteurs du couplage. La communication est le premier point de l'interopérabilité, elle se comprend au travers des composantes suivantes : la langue, l'interlocuteur et le canal de communication employé. La notion de procédure de plus, fait référence à l'élaboration d'une doctrine commune et à un entraînement minimum commun. Le dernier élément d'interopérabilité, la technique, induit une compatibilité technique des équipements.

Les difficultés en termes d’interopérabilité ont pu néanmoins être limitées du fait de l'intervention des forces spéciales dans ces cas de soutien entre forces régulières et irrégulières. Les unités spéciales répondent, elles, au critère d’interopérabilité nécessaire pour opérer avec la force intervenante au niveau de la langue, de la technique ainsi que des procédures, puisque provenant de la même entité. Le rôle joué par les unités a comblé partiellement cet obstacle, au service de l'efficacité de la mission d'appui. Leur apparition en tant que véritables contrôleurs aériens, par exemple, a répondu à cette éventualité. La faiblesse de l'interopérabilité connue est donc palliée pour certaines missions comme celle de l'appui-feu, dont l'effectivité tient à la présence de forces spéciales sur le terrain.

Constater le rôle accru des forces spéciales dans ce type de mission peut justifier du manque d’interopérabilité existant entre des factions armées particulières et la puissance en soutien. Il est possible de concevoir la structure opérationnelle des acteurs de ces conflits comme adaptée aux difficultés rencontrées sur le théâtre en matière d'interopérabilité.

Il faut cependant relativiser la capacité des forces spéciales en la matière. Si elles ont pu compenser certains manques, elles éprouvent elles aussi des limites d'interopérabilité avec les forces locales qui coopèrent avec elles. Effectivement, le faible nombre d'agents spéciaux parlant les dialectes locaux300, souvent employés par les forces rebelles, reste un obstacle à l'interopérabilité générale de la mission de soutien.

300 HENROTIN Joseph, L'Air power au XXIème siècle :enjeux et perspectives de la stratégie aérienne , op. cit., p468.

A l'évaluation en terme d'efficacité du soutien à l'insurrection qui vient d'être menée et possiblement améliorée par l'énonciation de conditions prescriptives à respecter, il faut ajouter une évaluation structurelle du phénomène. La structure du soutien justement, composée de trois acteurs, met en perspective l'emploi de la puissance aérienne dans ce type de conflits récents.