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Le marché immobilier

Dans le document Où est l argent aujourd hui? (Page 71-77)

5. Tendances inquiétantes

5.1. Le marché immobilier

L’appréciation des prix des maisons, l’augmentation des taux d’accession à la propriété et le boom de la rénovation observés pendant une bonne partie des années 2000 ont accru le risque des ménages lié aux actifs résidentiels, qui représentaient 20,3 %34 de l’actif total des ménages en 2009. En 2008, pas moins de 66,7 %35 de tous les ménages canadiens ont engagé des dépenses liées au logement dont ils sont propriétaires, et on peut donc les considérer comme étant (plus ou moins) sensibles aux fluctuations du marché immobilier.

Preuve de l’importance des actifs immobiliers pour les ménages canadiens, le marché immobilier résidentiel représente une partie considérable de l’ensemble de l’activité économique au Canada. Au cours des cinq dernières

Tendances inquiétantes 5

Résultats du sondage

Seulement 9 % de tous les répondants estiment qu’une baisse de 10 % du prix des maisons nuirait nettement à leur bien-être financier.

34 D’après le tableau CANSIM 378-0051; calculs de CGA-Canada.

35 Tableau CANSIM 203-0003.

Pas moins de 66,7 %

de tous les ménages

canadiens peuvent être

considérés comme

sensibles aux fluctuations

du marché immobilier.

années, quelque 2,4 millions de maisons ont été achetées et vendues, pour un total impressionnant de 696 milliards de dollars36.

Dans les années 1990, le marché de l’habitation canadien a connu une période prolongée de ralentissement, l’une des plus longues de ces 30 dernières années dans les pays de l’OCDE37; cependant, il a affiché une croissance rapide pendant une bonne partie des années 2000, faisant craindre à beaucoup qu’une bulle (une hausse non viable des prix des maisons qui finit par déboucher sur une chute brutale des prix des actifs résidentiels) soit en train de se former.

Bien que les prix des logements aient commencé à redescendre (dans certaines provinces) à la fin de 2007 et en 2008, l’appréhension d’une bulle a demeuré.

Nombreux sont ceux qui, à l’instar de personnalités reconnues, ont attiré l’attention sur le fait que la relation entre le prix des maisons et les revenus des ménages est à l’extrémité supérieure de ce qui peut être considéré comme tenable38. Néanmoins, la position officielle du gouvernement fédéral reste la suivante : « le marché canadien du logement est vigoureux et stable, et il se comporte de façon appropriée compte tenu de la situation économique solide de notre pays » et « il n’existe aucune indication claire de la formation d’une bulle immobilière »39.

Un certain nombre d’études récentes pourraient remettre en question cet optimisme. En octobre 2009, le Fonds monétaire international (FMI) concluait40 qu’au sommet du boom de l’immobilier en 2007, les prix des maisons étaient nettement surévalués dans les provinces de l’Ouest du Canada. Bien que le recul des prix observé en 2008 ait atténué la surévaluation, l’analyse du FMI a également établi que les prix des maisons en Alberta et en Colombie-Britannique restaient surévalués à la fin du deuxième trimestre de 2009. Une autre étude récente41 s’est penchée sur les marchés immobiliers de certaines zones métropolitaines et a constaté qu’à la fin du deuxième trimestre de 2008, les prix des maisons étaient considérablement surévalués par rapport aux loyers à Halifax, Ottawa, Regina, Montréal et Winnipeg, et qu’il faudrait une chute des prix d’au moins 20 % pour ramener les marchés à un équilibre conforme aux moyennes historiques. On a également observé que les prix des maisons étaient surévalués à Calgary et à Vancouver, de 7 % et 11 % respectivement.

Une analyse menée par Merrill Lynch à l’automne de 2008 a débouché sur des conclusions à peu près semblables42.

Nombreux sont ceux qui ont attiré l’attention sur le fait que la relation entre le prix des maisons et les revenus des

ménages est à l’extrémité supérieure de ce qui peut être considéré comme tenable.

36 Calculé d’après les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (2009).

L’Observateur du logement au Canada 2009, Tableau 1, p. B-5.

37 Tsounta, E. Is the Canadian Housing Market Overvalued? A Post-Crisis Assessment, Fonds monétaire international, document de travail WP/09/235, 2009, p. 9.

38 Perkins, T. « Feds Should Cool House Market; But former Bank of Canada Governor David Dodge Also Expects House Prices to Fall », The Globe and Mail, 15 février 2010.

39 Ministère des Finances Canada. Le gouvernement du Canada prend des mesures pour renforcer le financement de l’habitation, communiqué de presse 2010-11, 16 février 2010.

40 Tsounta, E. Is the Canadian Housing Market Overvalued? A Post-Crisis Assessment, Fonds monétaire international, document de travail WP/09/235, 2009, pp. 3 et 12.

41 Somerville, T. et K. Swann. Are Canadian Housing Markets Over-priced?University of British Columbia, Centre for Urban Economics and Real Estate, document de travail 2008-01, 2008, p. 11.

42 D’après l’analyse bibliographique présentée dans Tsounta, E. Is the Canadian Housing Market Overvalued?

A Post-Crisis Assessment. Fonds monétaire international, document de travail WP/09/235, 2009, p. 9.

Le point faible commun à toutes ces études est que, à ce jour (printemps 2010), elles ne sont probablement plus valables compte tenu de l’évolution rapide des perspectives économiques à laquelle on a assisté ces deux dernières années.

Un simple test pourrait cependant être révélateur.

On considère que les fondamentaux des prix des logements comprennent des facteurs de demande (accessibilité, croissance du revenu disponible réel, taux d’intérêt réels et rythme de formation des ménages) et des facteurs d’offre (parc de logements, rareté des terrains et disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée)43. Il est probable qu’une hausse des prix des logements qui n’est pas soutenue ou expliquée par les fondamentaux laisse place à une correction importante à un moment donné. En 2009, les fondamentaux des prix des logements ont au mieux été contrastés. Du côté de la demande, l’accessibilité s’est quelque peu améliorée, le revenu disponible réel est demeuré presque inchangé et les taux d’intérêt réels ont baissé. Du côté de l’offre, le parc de logements a grossi, la rareté des terrains est restée la même et la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée s’est accrue en raison de la hausse du chômage.

Malgré ces contrastes, le prix de revente moyen des structures résidentielles a été plus élevé que celui observé lors du sommet précédent de 2007 (graphique supérieur de la figure 17). Par ailleurs, sur les cinq provinces canadiennes représentant 89 % de la population totale, une seule (l’Alberta) a enregistré un recul des prix des logements, tandis que les prix ont continué leur ascension dans les quatre autres en 2008 comme en 2009 (graphique inférieur de la figure 17). Les résultats demeurent les mêmes lorsque les prix sont corrigés pour tenir compte de l’inflation. Il semble donc logique de conclure que si les prix étaient surévalués en 2008 et qu’ils n’ont pas baissé depuis, ils sont toujours surévalués. En outre, le dernier rapport de la Banque du Canada (au moment où on écrit ces lignes) laisse entendre que la tendance pour les investissements dans le secteur résidentiel pourrait même être plus forte que prévu initialement44, ce qui pourrait contribuer davantage à la surévaluation de certains marchés immobiliers.

La profondeur de notre analyse ne permet pas de conclure de façon absolue sur l’évolution future des prix des maisons. Il peut toutefois être utile de se rappeler que des baisses de valeur des logements supérieures à 10 % sont possibles. Par exemple, au cours des 35 dernières années, trois des principaux marchés urbains du Canada (Vancouver, Calgary et Toronto) ont enregistré des baisses de valeur de l’ordre de 25 % à 28 %45.

Il semble logique de conclure que si les prix étaient surévalués en 2008 et qu’ils n’ont pas baissé depuis, ils sont toujours surévalués.

43 Flood, K. et S. Morin, S. « Prix des logements et dépenses de consommation », Revue de la Banque du Canada, Banque du Canada, été 2008.

44 Banque du Canada. Rapport sur la politique monétaire, avril 2010, p. 29

45 DBRS. Residential Mortgages and Securitization in Canada: Overview of the Mortgage Market, 2007.(Accessible à l’adresse http://www.dbrs.com/research/211674.)

Le fait que les transactions immobilières soient des transactions à long terme (longévité résidentielle) peut masquer les conséquences négatives d’un recul des prix des logements pour ceux qui ne participent pas activement au marché immobilier résidentiel lors d’un tel recul. Mais un certain nombre de raisons expliquent pourquoi un repli du marché immobilier peut avoir une incidence sur beaucoup plus de propriétaires que ceux qui achètent et vendent leur maison.

Figure 17 — Prix de vente moyen des résidences SIA/MLS (1990-2009)

Source : Société canadienne d’hypothèques et de logement (2009). L’observateur du logement au Canada 2009, Tableau 1, p. B-5.

Nouvelle-Écosse Ontario

Alberta Colombie-Britannique

Québec

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Provinces sélectionnées

0 $ 50 000 $ 100 000 $ 150 000 $ 200 000 $ 250 000 $ 300 000 $ 350 000 $ 400 000 $ 450 000 $ 500 000 $

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

139 870 $

305 822 $ 320 362 $

0 $ 50 000 $ 100 000 $ 150 000 $ 200 000 $ 250 000 $ 300 000 $ 350 000 $

Canada

En 2009, le prix de

revente moyen des

structures résidentielles

a été plus élevé que

celui observé lors du

sommet précédent

de 2007.

Il y a d’abord l’effet de richesse. Les travaux universitaires ont établi un lien entre la consommation et la richesse, qui suggère que la propension à consommer s’accroît avec l’appréciation du niveau des richesses. Cette propension peut donc décroître si la valeur nette des maisons recule, et ce d’autant plus qu’au Canada, l’effet de richesse lié à l’immobilier est beaucoup plus fort que l’effet de richesse lié aux variations des marchés boursiers46. Il y a ensuite l’effet de garantie. Les emprunts sur la valeur nette des maisons contribuent beaucoup à la croissance des dépenses de consommation depuis 200147. Or, les baisses de prix des logements peuvent réduire les bilans des ménages, et donc leurs garanties, et nuire à la capacité des ménages d’emprunter davantage sur la valeur nette de leur maison. De plus, une baisse des prix de l’immobilier fait diminuer la valeur nette des maisons pour les propriétaires, ce qui annihile tout incitatif à rembourser les prêts hypothécaires et réduit la capacité de refinancement.

Enfin et surtout, il semble qu’il y ait une relation inverse entre l’appréciation des actifs immobiliers et la hausse du nombre de prêts hypothécaires en souffrance.

Lorsque la valeur d’une propriété augmente, les propriétaires aux prises avec des difficultés financières peuvent vendre leur maison ou libérer du capital pour éviter une défaillance de leurs remboursements. À l’inverse, une baisse de la valeur des actifs immobiliers fait diminuer cette flexibilité. Comme on le voit sur le graphique supérieur de la figure 18, cette relation est relativement constante depuis 20 ans. Les défauts de remboursement de prêts hypothécaires et les faillites ont également tendance à évoluer ensemble. La faillite peut donner à un propriétaire défaillant plus de temps pour sauver sa maison, voire lui offrir un logement sans frais si la propriété de la maison ne peut pas être récupérée.

Dans d’autres cas, la faillite peut réduire les coûts des prêts hypothécaires car le failli peut parfois être dispensé du remboursement des prêts hypothécaires de deuxième rang et des frais hypothécaires48. Le graphique inférieur de la figure 18 montre que, depuis 20 ans, les hauts et les bas dans l’évolution des faillites des consommateurs sont étroitement liés à ceux des prêts hypothécaires en souffrance.

Il semble qu’il y ait une relation inverse entre l’appréciation des actifs immobiliers et la hausse du nombre de prêts hypothécaires en souffrance; les hauts et les bas dans l’évolution des faillites des

consommateurs sont étroitement liés à ceux des prêts hypothécaires en souffrance.

46 Pichette, L. Les effets de richesse sont-ils importants au Canada?Banque du Canada, document de travail 2003-30, 2003.

47 Banque du Canada, Rapport sur la politique monétaire, avril 2007, p.21

48 Li, W. and White, M. J. (2009). Mortgage Default, Foreclosure, and Bankruptcy,National Bureau of Economic Research, NBER Working Paper No. 15472.

Figure 18 — Variation de la valeur des actifs résidentiels

par rapport aux prêts hypothécaires en souffrance et aux faillites de consommateurs

Sources : Tableau CANSIM 378-0084, Association des banquiers canadiens; calculs de CGA-Canada

% de l’ensemble des prêts hypothécaires

Variation d’une année à l’autre

Valeur des structures résidentielles et prêts hypothécaires en souffrance

Variation de la valeur de marché des structures résidentielles (G) Prêts hypothécaires en souffrance (D)

0,0 %

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 % de l’ensemble des prêts hypothécaires

Nombre pour 10 000 adultes canadiens

Faillites des consommateurs (G) Prêts hypothécaires en souffrance (D)

Moyenne mobile sur 6 périodes (faillites des consommateurs (G)) Faillites et prêts hypothécaires en souffrance

0,0 %

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

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