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IV. LA CIRCULATION DES CSPH

IV.1.  Le homing des CSPH

Pour pénétrer dans la moelle osseuse, les CSPH doivent être capables de « reconnaître » les cellules endothéliales des sinusoïdes médullaires et d’y adhérer en résistant au courant permanant produit par le flux sanguin. Ces évènements sont possibles grâce aux molécules d’adhérence et récepteurs de chimiokines exprimés par les CSPH ainsi qu’à leurs partenaires spécifiques au niveau de l’endothélium médullaire. Le processus de recrutement extravasculaire des cellules hématopoïétiques, CSPH inclus, est bien décrit et implique la succession de trois étapes d’adhésion vasculaire avant que les cellules puissent rejoindre leur

71 tissus cible (Ley et al. 2007). La première étape d’adhésion met en œuvre des molécules d’adhérence primaires capables d’engager rapidement leurs ligands pendant une durée très courte, à l’origine d’un ralentissement et d’un « roulement » des cellules au contact de l’endothélium. Pour adhérer de façon « solide », les cellules doivent recevoir des signaux d’activation provenant le plus souvent de chimiokines membranaires (à la surface des cellules endothéliales) ou solubles. Cette activation est à l’origine d’un changement de conformation des intégrines de surface, qui permet l’adhésion « forte » des cellules hématopoïétiques à des ligands endothéliaux de la superfamille des immunoglobulines. La troisième étape est la migration trans-endothéliale des cellules adhérentes vers les tissus cibles.

Les techniques de microscopie intra-vitale ont permis de préciser les mécanismes moléculaires à l’origine des interactions entre les sinusoïdes médullaires et les CSPH à chacune de ces trois étapes. Les sinusoïdes médullaires expriment naturellement les E- et P-sélectines ainsi que VCAM-1 (Mazo et al. 2002), alors que ces molécules d’adhérence ne sont exprimées qu’en condition de stress inflammatoire dans les autres compartiments vasculaires de l’organisme (Mazo and von Andrian 1999). La phase de roulement initiale se fait grâce à l’interaction des sélectines endothéliales et de VCAM-1 avec leurs récepteurs à la surface des CSPH : PSGL-1 (P-selectin glycoprotein ligand-1) et l’intégrine α4ß1/VLA-4 de faible affinité. La phase d’adhésion forte repose sur VLA-4 activée, dont l’affinité est nettement augmentée (Mazo et al. 1998). La chimiokine CXCL12 joue un rôle clef dans les deuxièmes et troisièmes étapes. En effet, les CSPH « roulant » au contact de l’endothélium des sinusoïdes médullaires sont exposés au gradient de CXCL12, libéré par l’endothélium. L’activation du CXCR4, principal récepteur de CXCL12, couplé aux protéines G, présent à la surface des CSPH active VLA-4 et assure ainsi une adhésion forte à l’endothélium (Peled et al. 1999). Après cette phase d’adhésion, CXCL12 induit une transmigration endothéliale intégrine-dépendante (diapédèse), qui implique notamment des molécules d’adhérence comme PECAM-1 (Platelet-Endothelial Cell Adhesion Molecule-1) (Yong et al. 1998) et CD99/MIC2 (Imbert et al. 2006).

D’autres molécules d’adhérence comme les intégrines VLA-5 et LFA-1 (Lymphocyte Function-associated Antigen 1) interviennent au stade d’adhésion/migration trans-endothéliale mais leur rôle est moins bien défini que celui de VLA-4 (Peled et al. 2000). Le rôle du CD44 dans les deux premières phases a été récemment décrit. Il est notamment impliqué dans la phase initiale de roulement, et est par ailleurs capable d’activer directement VLA-4, par la voie des protéines G sans nécessiter l’intermédiaire du couple CXCL12/CXCR4 (Thankamony and Sackstein 2011). Il existerait donc une possibilité

d’initiation du homing des CSPH, indépendamment du couple CXCL12/CXCR4, passant par l’isoforme HCELL, aussi appelée « bone homing receptor » (Sackstein 2011).

Une fois la diapédèse effectuée, la migration intra-médullaire des CSPH se fait suivant un gradient de CXCL12 produit par les cellules des niches médullaires et fait également intervenir l’interaction du CD44 avec ses ligand matriciels, l’acide hyaluronique et l’ostéopontine (Avigdor et al. 2004).

Les CSPH se localisent ensuite au niveau des niches hématopoïétiques médullaires, où interviennent différents mécanismes d’adhésion et/ou de chimiotactisme, dont certains ont déjà été évoqués dans le chapitre précédent. Revenons sur les principales molécules:

- Le CXCL12 est produit par les cellules des niches pour favoriser la migration et le maintien des CSPH à leur niveau (Jung et al. 2006; Sugiyama et al. 2006).

- Le couple SCF/c-KIT est impliqué via son effet chimiotactique (Okumura et al. 1996) et sa capacité à favoriser l’adhésion des CSPH aux cellules des niches en activant les intégrines béta-1 (Kovach et al. 1995). La forme membranaire du SCF permet également une interaction stable entre les cellules stromales/ostéoblastes et les CSPH c-KIT+, favorisant par là même leur adhésion au stroma (Toksoz et al. 1992).

- Le couple VCAM-1/VLA-4 est un élément majeur de l’adhésion des CSPH aux niches. Les études sur des modèles murins conditionnellement invalidés pour l’une ou l’autre de ces molécules (Scott et al. 2003; Ulyanova et al. 2005) et l’administration d’anticorps neutralisant VLA-4 (Papayannopoulou and Nakamoto 1993) ont montré la survenue d’une augmentation rapide du nombre de PH circulants après inhibition de ce couple, en faveur de son rôle dans la rétention des CSPH au sein des niches médullaires.

- Le récepteur sensible au calcium (CaR) exprimé sur les CSPH, en augmentant l’affinité de CXCR4 vis-à-vis de CXCL12, favorise leur localisation au niveau des zones endostéales, riches en calcium sous l’effet de l’activité ostéoclastique (Lam et al. 2011).

- Le CD44 permet l’adhésion des CSPH à la matrice par l’acide hyaluronique et l’ostéopontine (Wilson and Trumpp 2006), son blocage s’accompagne de leur mobilisation (Vermeulen et al. 1998).

- D’autres molécules sont impliquées dans l’adhésion aux niches médullaires, comme l’intégrine α5ß1 (interaction avec la fibronectine matricielle) (Wilson and Trumpp 2006), les intégrines-ß2 CD11a/b/CD18 (interaction avec ICAM-1 « intercellular adhesion molecule-1 » des cellules des niches) (Velders et al. 2002), NCAD (interaction homotypique avec NCAD endostéal) (Zhang et al. 2003).

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Figure 8 : Schéma récapitulatif du « homing » des CSPH,

Roulement) Ac,va,on) Adhésion) Diapédèse)

Nichage) CSH) CD4 4) PS GL@1) VLA4)@) VLA4)+) P@selec,ne) E@selec,ne) VCAM@1) CXCL12) CXCR4)

+)

Endothélium) Niche)end ostéale) MEC)+)ostéopon,ne) MEC)+)fibronec,ne) VLA@5) C @K it/ SCF) Calcium) FLUX)SANGUIN)

Au contact des E et P-sélectines de l’endothélium des sinusoïdes médullaires, les CSH, par l’intermédiaire du CD44 et de PSGL-1, ralentissent en initiant une phase de roulement à proximité de l’endothélium. Cette phase de roulement permet leur exposition au CXCL12, libéré depuis la moelle osseuse dans la circulation, qui permet l’activation de VLA-4 via le CXCR4 et une signalisation par les protéines G. VLA-4 activée permet une adhésion « forte » des CSH au VCAM-1 de l’endothélium médullaire et l’initiation d’une diapédèse suivant le gradient de CXCL12. Une fois dans la moelle les CSH suivent le gradient de CXCL12, et de calcium jusqu’aux niches médullaires grâce à leur motilité propre et à l’adhésion à la matrice extracellulaire. Une fois dans les niches, elles sont maintenues au contact du stroma médullaire par les gradients de chimiokines/ions (CXCL12, calcium…) les cytokines (SCF, TPO, Ang1…) et les molécules d’adhésion (CD44, VLA-4, VLA-5…).

Notons que l’engagement de CD44 par les E/P-sélectines pourrait directement activer VLA-4 par la voie des protéines G, indépendamment de CXCR4.