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V. LES CELLULES SP

V.3.  La fonctionnalité SP : un marqueur des cellules souches hématopoïétiques ?

V.3.3.  Fonction SP et hémopathies malignes

Des cellules SP ont été également décrites dans de nombreux cancers, particulièrement dans des gliomes, médulloblastomes, hépatocarcinomes, cancers du sein, de la thyroide, de la prostate, des ovaires (Wu and Alman 2008). Dans la plupart de ces tumeurs, les cellules SP sont plus chimio-résistantes, plus clonogéniques et tumorogéniques que le reste du contingent cellulaire tumoral, et semblent contenir les cellules souches cancéreuses (Moserle et al. 2010). L’étude la fonctionnalité SP pourrait donc être d’intérêt dans les hémopathies pour identifier/cibler les cellules souches tumorales.

V.3.3.1. Leucémies aiguës myéloblastiques

Les travaux de Lapidot et al. (Lapidot et al. 1994) puis de Bonnet et al.(Bonnet and Dick 1997) ont été à l’origine du concept de cellule souche leucémique (CSL) dans les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM). Ils ont montré qu’une sous-population de blastes était capable de reproduire la pathologie humaine dans des modèles de greffes de souris NOD/SCID. Ces blastes avaient un phénotype CD34+CD38-, semblable à celui des CSH, et la greffe de blastes triés Lin- CD34+ CD38- était capable de reproduire l’ensemble du phénotype tumoral dans les modèles murins. Le concept SL-IC (SCID leukemia-initiating cell) est né de ces travaux et est en faveur de l’existence d’une hiérarchie au sein des cellules de LAM semblable à celle de l’hématopoïèse. La CSL, quiescente et chimio-résistante, constitue le socle de la maladie résiduelle et est à l’origine des rechutes de LAM. Son identification et son « ciblage » thérapeutique sont donc des objectifs majeurs pour améliorer la prise en charge des patients. Plusieurs études ont donc évalué des marqueurs de cytométrie permettant de différencier CSL et CSH au sein des populations CD34+CD38-. Ces travaux, comme les travaux originaux, se sont basés sur la capacité de sous-populations définies de blastes à avoir une activité SL-IC. Les principaux marqueurs ainsi proposés ont été le récepteur de l’IL-3 (CD123) (Jordan et al. 2000), le CD96 (Hosen et al. 2007), le CLL-1 (C-type lectin-like molecule-1) (van Rhenen et al. 2007), le CD44 (Jin et al. 2006) et le CD47 (Majeti et al. 2009). Des travaux récents du groupe de Bonnet. ont mis à mal ces modèles définissant les CSL comme appartenant à la population CD34+CD38- (Taussig et al. 2010). A partir d’échantillons de LAM avec mutation du gène de la nucléophosmine (caractérisées par leur phénotype essentiellement CD34-), ils ont pu montrer que l’activité CSL, avec une variabilité

101 inter et intra échantillon, pouvait être retrouvée dans les quatre fractions définies par le CD34 et le CD38, particulièrement la fraction CD34-. Ces résultats ont depuis été confirmés par d’autres groupes, confirmant l’hétérogénéité phénotypique des CSL de LAM (Eppert et al. 2011; Sarry et al. 2011). Cette différence par rapport aux anciens modèles est au moins en partie liée à l’utilisation de modèles murins plus immunodéprimés que les NOD/SCID, et donc plus adaptés aux expériences de xénogreffes (Pearce et al. 2006; Taussig et al. 2008).

Le phénotype de surface n’étant qu’imparfaitement efficace pour isoler les CSL, la fonctionnalité SP, théoriquement associée à la quiescence et à la résistance aux cytotoxiques, le permet-elle ? Quatre études ont évalué ce concept.

L’équipe de Goodell a la première étudié la fonctionnalité SP de CSPH de patients atteints de LAM (Wulf et al. 2001) : Wulf et al. ont montré qu’une population SP était retrouvée dans la moelle de 80% des patients étudiés, que cette population SP était majoritairement CD34-/faible, appartenait au clone tumoral et effluait la daunorubicine et la mitoxantrone. Dans leurs expériences, 3 des 28 souris NOD/SCID greffées avec ces cellules SP ont développé une LAM, alors que la moitié des souris restantes ont développé une « maladie résiduelle » détectable en cytométrie ou en PCR. Ces éléments de xénogreffe suggèrent que la fonctionnalité SP pourrait être un outil de dépistage des CSL, mais sont à tempérer par le fait que la fraction MP était également capable de produire des résultats proches en greffant plus de cellules.

Feuring-Buske et al. ont étudié la fonctionnalité SP, en la couplant à un double marquage CD34 CD38, dans le sang et la moelle de 16 patients atteints de LAM. Ils n’ont pas décrit d’activité CSL au sein de la population SP. Si des cellules tumorales étaient retrouvées dans la fraction SP+ CD34-, seule la fraction SP- CD34+ CD38- contenait des SL-IC (Feuring-Buske and Hogge 2001).

Moshaver et al. ont proposé l’association de la fonctionnalité SP à des marqueurs aberrants de lignée (CD19, CD7, CD56) et CLL-1 pour détecter les CSL au sein d’échantillons de sang et de moelle de 48 patients atteints de LAM. Ils n’ont toutefois pas validé leur hypothèse par des tests in vivo (Moshaver et al. 2008).

Roshal et al. ont montré que la plupart des blastes médullaires de 22 patients exprimaient la fonctionnalité SP (1,48% de cellules SP en moyenne), que cette fraction SP contenait les anomalies cytogénétiques caractéristiques de la leucémie et qu’elle était capable de greffer des souris immunodéprimées. Cependant l’importance de la fraction SP au diagnostic, à la différence de l’importance de la population blastique CD34+CD38-/faible, n’était pas corrélée au pronostic des patients (Roshal et al. 2013).

Les données de ces quatre études ne permettent actuellement pas de définir précisément l’intérêt de la fonctionnalité SP pour cibler la population de CSL dans les LAM.

V.3.3.2. Myélome multiple

Dans cette pathologie, plusieurs travaux sont en faveur de l’existence d’une cellule souche myélomateuse appartenant à une population de cellules B clonales post germinatives CD138-, clonogéniques, capables de reproduire des myélomes in vitro et in vivo (Matsui et al. 2004; Kukreja et al. 2006). Plusieurs études ont permis d’identifier des cellules avec fonctionnalité SP au sein de lignées de cellules myélomateuses ou d’échantillons de prélèvements de patients (Loh et al. 2008; Matsui et al. 2008; Jakubikova et al. 2011). Ces cellules SP sont plus clonogéniques, plus résistantes aux traitements et sont capables de reproduire un myélome dans des modèles murins de xénogreffe (Matsui et al. 2008; Jakubikova et al. 2011). Matsui et al. ont caractérisé les cellules souches myélomateuses clonales comme étant CD19+CD27+CD138- et ont montré que la fonctionnalité SP permettait de sélectionner ces cellules dans le sang des patients (Matsui et al. 2008).

Il semble donc que dans cette pathologie la fonctionnalité SP soit une bonne méthode pour identifier les cellules souches cancéreuses. Il existe toutefois des discordances sur le phénotype des cellules SP dans le myélome, essentiellement CD138-/faible pour certains (Loh et al. 2008; Matsui et al. 2008), partagées entre CD138+ et CD138- pour d’autres (Jakubikova et al. 2011).

V.3.3.3. Lymphomes

Le lymphome folliculaire représente 25% des lymphomes non hodgkiniens et est caractérisé par une chimio-sensibilité initiale et des rechutes systématiques, pouvant être tardives. Il peut donc correspondre à un modèle tumoral dans lequel une cellule souche cancéreuse persiste pendant un délai de rémission plus ou moins long avant d’être à l’origine de rechutes. Récemment, Lee et al. ont montré qu’il existait une fraction de cellules SP au sein de lignées de lymphome folliculaire et de cellules d’un patient, que cette fraction augmentait après chimiothérapie, était plus quiescente, plus clonogénique que les autres cellules tumorales et qu’elle était capable de reconstituer des tumeurs dans des modèles de xénogreffes murines (Lee et al. 2012). Il est intéressant de noter que la réussite de ces greffes

103 nécessitait la co-injection de cellules folliculaires dendritiques qui semblent promouvoir la survie de ces cellules par l’intermédiaire du couple CXCR4/CXCL12, illustrant le concept de niche tumorale.

Dans le lymphome de Hodgkin, sur des lignées cellulaires, il a été montré qu’il existe une fraction de cellules SP, cytologiquement monomorphes, mononucléées, de petite taille, CD30+, résistantes à la doxorubicine, capable de donner en culture des cellules MP de grande taille, mono ou multinucléées, correspondant à des cellules de Hodgkin ou de Reed-Sternberg (Nakashima et al. 2010). L’existence de cellules SP CD30+, résistantes à la gemcitabine a également été montrée sur des échantillons de biopsies de patients (Shafer et al. 2010). Ces données sont toutefois insuffisantes pour juger de la capacité de la fonctionnalité SP à identifier des cellules souches cancéreuses dans cette hémopathie.

Dans un modèle de lymphome du manteau murin, Vega et al. ont décrit l’existence d’une fraction SP assez importante (3,5% en moyenne) exprimant plus les gènes anti-apoptotiques et d’auto-renouvellement, étant plus clonogénique et ayant une plus grande capacité de reconstitution de la tumeur lors de greffes (Vega et al. 2010). Nous n’avons pas de données chez l’homme concernant la fraction SP dans cette hémopathie.

Enfin, une population SP chimio-résistante existe dans la leucémie lymphoïde chronique, mais nous n’avons pas plus de données sur le plan fonctionnel (Foster et al. 2010; Gross et al. 2010).

VI. MICRO-ENVIRONNEMENT MEDULLAIRE ET