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Le fonctionnement traditionnel de l’organisation étudiée

PARTIE I : UNE COLLECTIVITE EN EVOLUTION

Section 1. Le fonctionnement traditionnel de l’organisation étudiée

Pour mieux comprendre les collectivités publiques locales, divers éléments théoriques en management public sont mobilisables. Nous montrerons que les courants sont d'origines diverses et ont tendance à importer des idées issues du secteur privé.

Parce que s’intéresser à la gestion d'une organisation, c’est s’intéresser à son fonctionnement interne, c'est-à-dire à son processus de prise de décision et à ses jeux d’acteurs, mais aussi à sa production, à savoir l’activité produite et sa performance, nous présentons ces différents axes au travers des théories utilisées en management public.

Le fonctionnement d’une organisation publique, et a fortiori d’une collectivité territoriale, peut être appréhendé à partir de l’économie et de la sociologie des organisations. Ces dernières années, des approches telles que l'évaluation de politiques publiques et le Stewardship, tentent de combiner ces différents champs disciplinaires afin de dépasser les segmentations théoriques traditionnelles.

A la suite de cette approche théorique du fonctionnement d'un Conseil Général, les aspects relatifs au changement sont abordés. En effet, l'introduction ou le développement d'un système de contrôle de gestion est ici perçu comme un changement organisationnel, ce qui implique de présenter cette notion dans le cadre préalablement fixé.

1.1. Des approches théoriques explicatives du fonctionnement d'une collectivité publique

Les structures appartenant au secteur public ont très tôt fait l’objet d’analyses distinctives des organisations relevant du secteur privé. Ainsi, dès le XVIème siècle, Smith (1776) expliquait que les acteurs de la vie économique sont sensés rechercher exclusivement leurs intérêts individuels, mais il n’en donnait pas moins à un de ces acteurs, l’Etat, des conseils pour établir l’intérêt général. Cet acteur du jeu social serait le seul mû par le devoir (A. Smith ne parle pas de rôle ni de fonction), quand les autres le seraient par l’intérêt individuel.

l’organisation étudiée, nous aborderons tout particulièrement l’analyse critique du processus de production, la problématique de la prise de décision et les jeux d’acteurs associés… au travers des courants « économico-politiques », « sociologico- organisationnels », pour ensuite présenter des courants plus actuels, tels que le New Public Management et le Stewardship.

Un tableau résume les positions des différents courants abordés (annexe n°1). 1.1.1. Les apports des courants d’inspiration sociologique

De nombreuses recherches portant sur la gestion des collectivités locales mettent l'accent sur les processus internes (cf. les dernières thèses de sciences de gestion sur les collectivités11) afin de s'intéresser aux membres des organisations publiques et de percevoir les rapports de pouvoir derrière les discours. L'étude de ces rapports de pouvoir permet de ne pas oublier qu'une collectivité est une organisation politico-administative (Dion, 1986).

Dans la lignée ouverte par Weber (1971), les apports de l'analyse sociologique de Crozier quant aux stratégies des acteurs sont riches. Grâce à des concepts généraux, ils permettent de descendre dans la description de micro-comportements et d'analyser le fonctionnement des organisations bureaucratiques.

Par rapport à notre problématique, les explications des phénomènes bureaucratiques et de la prise de décision par les courants sociologiques sont d’abord précisées, avant d’illustrer ces idées autour du système d’information comptable public.

L’analyse critique de la bureaucratie conduit à contester les avantages de l’organisation bureaucratique exposés par Weber (op. cit.).

Si ce dernier a montré sa précision, sa stabilité, sa rigueur, sa discipline et son impartialité, cependant, par les règles, les critères et normes que le contrôle bureaucratique met en avant, il amène ceux qui le subissent à se conformer à ces règles, normes, et critères et non pas à se dépasser et s'améliorer. Plus il y a de règles et de critères de contrôle étroits, plus on fait appel à ces règles pour se protéger. Or, cet appel

11 Thèses de Gaschet (1997), ou de Bousta-Jullien (1999), Carassus (2002), et même les ouvrages sur

l’évaluation pluraliste des politiques publiques (Monnier, 1992) à l’attention des collectivités publiques locales.

constant aux règles conduit à la création d'autres règles pour éviter ou couvrir les inévitables zones d'ombre (ou de liberté).

Gouldner (1954, 1955) explique ainsi que le modèle bureaucratique imposé à une organisation crée des rigidités de comportement, des difficultés d'adaptation et des conflits entre dirigeants et exécutants, entre exécutants et public, qui suscitent un besoin de contrôle et de réglementation, si bien que les conséquences inattendues et dysfonctionnelles du modèle bureaucratique tendent finalement à renforcer son emprise. Un tel modèle a l’avantage de réduire les tensions créées par la subordination et le contrôle, mais il perpétue simultanément ces tensions, et rend donc indispensable le recours à la subordination. Aussi, faute d'objectif de gestion, on multiplie les procédures de contrôle.

On retrouve cette dichotomie avec Mintzberg (1982) pour qui l'accroissement des règles se fait au détriment de l'ajustement mutuel, lequel crée des zones de liberté favorables à l'organisation.

De Tocqueville (1952) a décrit la bureaucratisation de l’État qui se développe grâce à une rationalisation impersonnelle et crée un sentiment de désenchantement chez les individus. Que ce soit au niveau de l’État ou à celui d’une organisation particulière, on assiste à la mise en place d’un fonctionnement rationnel qui tient peu compte des relations humaines. Dans ces structures bureaucratiques, les individus se sentent atteints jusque dans leur personnalité (Merton, 1936).

Ce dernier a ainsi initié la théorie des dysfonctions, qui se fonde sur la découverte d’écarts entre la réalité vécue des activités humaines au sein des organisations et le modèle prescrit par la théorie rationaliste. Elle explique les conséquences inattendues d’une action dirigée vers un but. Merton a montré que la discipline nécessaire pour obtenir, dans un cadre bureaucratique, le comportement standardisé jugé indispensable à la réalisation des objectifs poursuivis, entraîne chez les fonctionnaires un déplacement des buts : ils considèrent comme une fin ce qui ne devrait être qu’un moyen. Il en résulte une grande rigidité qui interdit aux fonctionnaires de répondre aux exigences concrètes de leur tâche et développe parmi eux un esprit de caste qui les sépare du public. D’où, finalement, une inefficacité dans la poursuite des buts officiellement recherchés.

Cette critique de l’efficacité bureaucratique est reprise dans l'analyse de Baumol (1967) en termes d’« écarts de productivité »12. Le secteur des services étant soumis à des progrès de productivité moins rapides que les secteurs primaire et secondaire, ses coûts de production diminuent moins vite. Aussi, Baumol explique que pour maintenir la qualité d’un service ou pour l’améliorer, il faut dépenser toujours plus. En outre, les théories de la bureaucratie (cf. Gouldner, op. cit, Niskanen, 1971) ont dénoncé le caractère souvent parasitaire du personnel politique qui, contrairement au marché, n’est jamais incité à accroître l’efficacité de leurs services. La bureaucratie publique est alors source de gaspillage et de conflits. Elle devient un lieu incapable de régler des problèmes spécifiques, un lieu d’autoritarisme plus que d’autorité et une occasion de mettre les services publics au profit d’intérêts privés.

Cette conception de la bureaucratie est, on le voit, le contre-pied de la rationalité bureaucratique chez Weber.

Spécifiquement au cadre français, pour Crozier (1963), comme pour De Tocqueville (op. cit.), la bureaucratie est un phénomène culturel. Ce sont les français qui s'en remettent à un système d'organisation impersonnel et centralisé dans la mesure où ils ne peuvent pas supporter le degré d'autorité universelle et absolue qu'ils jugent cependant indispensable au succès de toute action coopérative. Les dysfonctions bureaucratiques qui existent dans d’autres pays résultent de difficultés différentes. Aux États-Unis par exemple, nous dit Crozier (op. cit.) elles se sont développées autour des procédures légales qui constituent le seul mode de règlement possible des conflits soulevés par la concurrence.

Le "phénomène bureaucratique" est alors défini par Crozier (op. cit.) comme la tentation de toute organisation d’échapper à la réalité. Des règles impersonnelles, éliminant arbitrairement les difficultés, une centralisation rendant impossible une connaissance suffisante des faits, constituent autant de moyens « bureaucratiques »13 d’éviter des adaptations et des changements qui autrement apparaîtraient inévitables. Cependant l’organisation est soumise à une multitude d’informations qui la renseignent et l’oblige à tenir compte de ses erreurs et à les corriger. Une organisation bureaucratique

12 Baumol développe à ce propos le modèle de la "maladie des coûts".

13 Auxquels Crozier associe l’isolement des différentes strates, l’accroissement de la pression du groupe sur

est alors une organisation « qui n’arrive pas à se corriger en fonction de ses erreurs » (Crozier, op. cit.). Les modèles d’action auxquels elle obéit, tels que l’impersonnalité des règles et la centralisation des décisions, se sont si bien stabilisés qu’ils sont devenus partie intégrante de son équilibre interne. Lorsqu’une règle ne permet pas d’effectuer les activités prescrites de façon adéquate, la pression qui naît de cette situation dysfonctionnelle n’aboutira pas à l’abandon de cette règle, mais au contraire à son extension et à son renforcement. On retrouve ici l’analyse de Gouldner, mais Crozier explique ce « cercle vicieux bureaucratique » à partir d’un modèle de pouvoirs dont la maîtrise de l'incertitude constitue la principale source14. Le pouvoir peut provenir de la maîtrise d'une compétence particulière (cas du responsable d'un service technique), des liens entre l'environnement et l'organisation (cas du marginal sécant en politique), de la maîtrise de l'information, ou des règles du jeu organisationnel (un pouvoir hiérarchique).

En replaçant cette analyse dans le contexte d’une collectivité locale, certains comportements peuvent être expliqués. Par exemple, l'intérêt pour le service du contrôle de gestion ou des finances de mener une analyse financière sur un service provient, outre l'utilité de l'étude, de l'information qu'il va collecter et de l'affirmation de sa place, de son pouvoir, dans l'organisation. Réciproquement, ceci expliquerait les réticences des services à la mise en place de tableaux de bord et d’autres outils de gestion de surveillance. En provoquant une transparence accrue dans le fonctionnement, une plus grande rationalité, donc une plus grande prévisibilité des comportements, le contrôle de gestion limite les marges de manœuvre, le "slack" organisationnel.

L’analyse critique de la bureaucratie se double d’une remise en cause du modèle standard de la prise décision.

Les expériences menées par Simon (1941, 1947) contredisent les hypothèses d'information et de rationalité parfaites des instances décisionnelles. « Si ces expériences n'ont pas nécessairement porté sur les décisions publiques, il est permis de penser que

14 Dans le modèle de Crozier, le pouvoir d’un individu à l’intérieur d’une organisation dépend de sa

capacité de contrôler une source d’incertitude déterminante pour la bonne marche de l’organisation. La lutte pour le pouvoir domine le jeu des rapports humains au sein de l’organisation. Pour répondre à ce problème, on peut alors figer les rapports de pouvoir par des structures rigides (c’est le cas d’une bureaucratie) ou, chercher à maintenir, à travers des équilibres fluides, le minimum de cohérence

celles-ci rencontrent les mêmes limites que les autres types de décision » (Baron, op. cit., p.38).

A la suite de Simon, March (1958) et d’autres auteurs, tels que Cyert, vont prendre conscience de la non rationalité des décisions s'illustrant dans les choix optimaux ou satisfaisants, dans les buts primordiaux et secondaires (les buts secondaires sont perçus comme opérationnels alors que les premiers ne le sont pas, aussi ils deviennent un critère de décision), et dans la rationalité limitée.

Or, la mise en évidence de phénomènes de rationalité limitée conduit à contester d’autres hypothèses de la démarche classique. En effet, le décideur ne recherche pas systématiquement toutes les solutions, il n’évalue pas les conséquences de chaque option. Par ailleurs, il n’a pas nécessairement un objectif de maximisation mais simplement un objectif de satisfaction (Bescos et al., 1993).

March (1991, mais aussi avec Olsen, 1976) va plus loin en s'intéressant aux anarchies organisées où les préférences sont floues et la participation des acteurs variable.

Cette situation semble correspondre aux collectivités territoriales, puisque les élus locaux ont des préférences multiples parfois contradictoires reflétant en cela les besoins sociaux. Parallèlement, les fonctions des services sont diverses, le désengagement des élus reste possible dans certaines circonstances, et ceci est vrai aussi pour le personnel dont la productivité est parfois jugée faible et l'absentéisme important (Meyssonnier, 1993a).

Il analyse les décisions comme la rencontre de processus indépendants : des problèmes sont posés, il existe plusieurs solutions possibles, les participants sont plus ou moins présents et il y a des occasions de choix qui reviennent. Il constate que l'ambiguïté affecte tant les intentions des acteurs que les leçons à tirer des phénomènes passés, la nature des processus de production à activer ou même les caractéristiques de l'organisation. Aussi, les décisions ne se prennent pas suivant une résolution logique.

Ces comportements, nous dit March (1987), sont plus fréquents dans les organisations où les critères de décisions sont ambigus, où les mesures de performances sont vagues, et quand la qualité d'une décision dépend d'autres décisions qui ne peuvent être prévues et contrôlées.

Cette remise en cause d’une rationalité objective qui s’imposerait à tous nous amène à parler du regroupement d’acteurs aux intérêts potentiellement divergents au sein des collectivités, synonyme de conflits d’objectifs.

L’administration peut en effet être considérée comme un acteur ayant des intérêts particuliers. Suivant Crozier (1963, 1977, 1987), l’image d’une fonction publique transparente, exempte d’intérêts propres, ne correspond pas à la réalité. Compte tenu de ces divergences d'intérêts et de l'interdépendance des acteurs au sein de l'organisation, la détermination par le ou les décideurs de la cible précise de la politique, des moyens employés pour l'atteindre, du dispositif de mise en œuvre et des règles de fonctionnement doit faire l'objet d'un compromis acceptable par tous (Crozier et Friedberg, 1977).

Cette vision répond à celle de Hegel (1968) concernant la bureaucratie. Il y décrit trois conflits (p.322) : celui qui oppose entre eux les intérêts particuliers individuels ou collectifs dans la société civile, le conflit des intérêts particuliers collectifs (corporatifs) et de l’intérêt général dans l’État, et le conflit des intérêts particuliers individuels et de l’intérêt général dans l’État.

Pour régler ces conflits internes à l’État, il propose d’associer les intérêts corporatifs à l’intérêt général (étatique) sous la surveillance de la bureaucratie, représentante de cet intérêt général. Ce thème hégélien est devenu banal aujourd’hui dans les discours des fonctionnaires. S’estimant investis d’une mission, « celle de protéger l’intérêt général contre la pression des forces "impures" de l’intérêt particulier, les fonctionnaires en viennent à se représenter comme les dépositaires exclusifs de l’intérêt général » (Chevallier, 1980).

En outre, Ménard (1989) fait observer que si chacun des membres doit adhérer au moins partiellement à l'objectif commun pour souhaiter faire partie de l'organisation, ses motivations et attentes par rapport à la future action publique peuvent différer de celles des autres groupes. Par exemple, des décideurs politiques vont rechercher leur réélection, certaines administrations en charge de la mise en œuvre vont vouloir s'accaparer le dispositif pour légitimer leur existence, et les bénéficiaires vont généralement chercher à obtenir le gain maximum. Ainsi, il existe des sous-groupes dans l'organisation qui ont des interprétations diverses, voire contradictoires, de ces objectifs, ou de la façon de les mettre en œuvre15.

Deux exemples illustrent la lecture qui peut être faite du fonctionnement d’une collectivité :

1) Nous avons vu qu’en se référant à Crozier et aux chercheurs groupés autour de lui16, la bureaucratie est analysée comme des dysfonctionnements du système administratif qui conduisent à l'inadéquation des systèmes d’organisation et des stratégies qu'ils génèrent, au cloisonnement des services et à la résistance au changement.

On retrouve cet aspect bureaucratique avec la comptabilité publique locale, au travers du contrôle interne. En effet, en ce qui concerne le système de comptabilité publique locale, la « bureaucratie est la résultante directe de la scission du contrôle financier interne, c’est-à-dire de l'externalisation du comptable public, et de l'incapacité qui en résulte pour les acteurs du contrôle externe de penser ce dernier autrement qu'en terme d’augmentation de leurs moyens respectifs », Wathelet (op. cit., p.277).

Dans une collectivité locale, le terme de contrôle renvoie immédiatement au contrôle financier du comptable du Trésor qui personnifie l'État et sa tutelle. Ce contrôle externe, nous dit Wathelet (2000, p.273) « est perçu, peu ou prou, consciemment ou inconsciemment, comme la sanction d'une incapacité à se doter d’un contrôle financier autonome. Par suite, il devient très difficile de créer un environnement favorable à la mise en place d'un contrôle interne permettant d’atteindre les objectifs qualitatifs de la collectivité ». La bonne supervision des agents requiert, en effet, une appropriation des dispositifs de contrôle par la hiérarchie concernée. Cette démarche n'est pas naturelle pour les services des collectivités locales. « L'existence du contrôle externe du comptable public ne semble pas objectivement tout à fait étrangère aux faiblesses du contrôle financier interne comme si en matière d'auto-contrôle et de contrôle internes les cadres et agents locaux se sentaient plus ou moins personnellement incapables, non majeurs, au sens juridique de ces termes, donc pas vraiment responsables » (Wathelet, op. cit.). Les systèmes de contrôles légaux montrent et participent de la bureaucratie.

Si cette description n'indique pas comment évoluer, March (op. cit.) apporte cependant des analyses précises sur les systèmes d'information.

16Peuvent entre autres être cités : ERHAUD Friedberg, GREMION Pierre et Catherine, THOENIG Jean-Claude,

WERMS Jean-Pierre dans "Où va l'administration française" (1974) ; HUNTINGTON S. et WATANUKI J dans « The crisis of democracy : report on the governability of democracies » (1975).

Selon lui, les données collectées ont un rôle social, en plus de leur utilité immédiate. « L'information n'est pas seulement le point de départ de l'action, elle est une démonstration de compétence et de probité sociale. Le contrôle de l'information rehausse la compétence perçue et inspire confiance. Si la qualité de l'information est censée dépendre de la quantité d'informations, détenir des informations est une bonne chose en soi, et la personne qui en détient le plus est considérée comme meilleure que celle qui en a moins ». De plus, en milieu public, le fait d’avoir réuni toutes les conditions normalement attendues d'une décision rationnelle est un moyen de se dédouaner, et de se prémunir si la décision s'avérait erronée. C'est donc à la fois une façon de se protéger et de légitimer sa décision.

March (op. cit.) ajoute que les NTIC modifient également les pratiques de recueil et de traitement de données. Les recherches contemporaines en matière de traitement de données semblent montrer, note March, que l'analyse exploratoire des données collectées sans référence à une utilisation précise prend nettement le pas sur une formulation préalable des besoins d'information. Cela vérifierait l'argument selon lequel les systèmes d'information du futur ne s'appuieront plus sur l'idée d'un lien étroit entre collecte d'information et anticipation de son utilisation.

Par ailleurs, Meysonnier (op. cit., p.144) explique que « les normes comptables font partie du langage social grâce auquel les organisations comprennent ce qu'elles font, pourquoi elles le font et comment elles pourraient le faire mieux. Les nouveaux instruments comptables stimulent l'intérêt pour de nouvelles dimensions de la description des organisations et redéfinissent les options offertes à la décision. Une information générée pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les décisions devient un sujet de conversation et finit par contribuer à une modification des stratégies de décisions ». Aussi, la "bonne stratégie d'information" n'est pas celle qui diminue les incertitudes d'un ensemble structuré d'options, mais « celle qui fait avancer l'ensemble informations- désirs-options dans une direction productive, en développant à la fois les idées de ce qui est productif et les instruments pour y parvenir » (ibid.).

Ainsi, l'instauration d'un système d’information ne peut se décider sur la base d'un simple retour sur investissement anticipé. En effet, on ne peut anticiper le coût et les