5 Mesure de la réduction de bruit 93
5.2 Conditions expérimentales
5.2.1 Le faisceau sonde
5.2.1.1 Choix de la transition
Le choix de la
fréquence
du faisceau sonde dont onanalyse
le bruitaprès
interactionavec les atomes froids en cavité est sévèrement limité par certaines contraintes. Nous examinons dans ce
paragraphe
l’atome de césium excité sur la raieD2 (6S1/2
F =3, 4
~6P3/2F’
=2, 3, 4, 5 )
par un faisceau sondepolarisé
circulairement. Le schéma des niveaux estreprésenté
sur lafigure
32.Avec un faisceau
polarisé circulairement,
les atomes sont amenés dans le niveau Zeeman de momentmagnétique
leplus grand.
D’une manièregénérale,
les transitionspermises
sont dutype
J ~J,
J ± 1. Les transitions J ~ J - 1 ou J ~ J ne sont pasfavorables pour la réduction du bruit
quantique
sur la sonde du fait du pompageoptique
qui
tend à faire passer les atomes dans des niveaux où ils nepourront plus interagir
avecla lumière. Les seules transitions où le pompage
optique n’interrompt
pas l’interaction des atomes avec la lumière sont donc F = 3 ~ F’ = 4 et F = 4 ~ F’ = 5.La transition utilisée pour le
piégeage
est F = 4 ~ F’ = 5. Onpourrait envisager
de
placer
lafréquence
du faisceau sonde auvoisinage
de la transition F = 3 ~ F’ = 4. Mais il faut pour cela avoir un nombre d’atomes suffisants dans le niveau6S1/2
F = 3ce
qui
nécessite l’utilisation d’unpiège
noir[Ketterle 93].
Dans cetype
depiège,
onfait
l’image
d’unpoint
noir au centre dupiège
dans le faisceau de repompage.Ainsi,
aucentre du
piège
les atomes sontpompés optiquement
vers le niveau6S1/2
F = 3. CetteFig.
32: Schéma des niveaux de l’atome de césiumd’atomes de rubidium
[Grelu 96]. Malheureusement,
dans le césium les durées de vie des niveaux sont tellesqu’un
faisceau additionnel de repompage est nécessaire cequi
complique l’expérience.
C’estpourquoi
nous avons choisi la même transition pour la sonde que pour lepiège
à savoir6S1/2
F = 4 ~6P3/2F’
= 5.5.2.1.2 Choix de la
fréquence
Comme nous l’avons vu, l’intérêt des atomes froids réside dans le fait que
l’élargissement
Doppler
est éliminé.Ainsi,
le laser sondepeut
être suffisammentproche
de résonancesans subir
trop d’absorption.
Nous avons aussi mentionnéprécédemment
que pour des désaccords suffisammentimportants, l’absorption
décroît comme l’inverse du désaccordau carré alors que la
dispersion
non linéaire àl’origine
de la réduction de bruit décroîtcomme l’inverse du désaccord au cube :
où 03B4 est le désaccord du laser par
rapport
à la transitionatomique
normalisé à lalargeur
du niveau excité et I l’intensité intracavité. Pour diminuerl’absorption
on95
suffirait alors
d’augmenter
lapuissance. Cependant,
laplage
de désaccords réellement utilisables est assez étroite. Eneffet,
si ons’éloigne
vers lesfréquences élevées,
c’est à dire vers le bleu de latransition,
on a tendance à chauffer les atomes : l’interactionavec la sonde
expulse
les atomes hors dupiège
cequi
n’est pas souhaitable. Il faut donc décaler lafréquence
vers le rouge. Cedécalage
estcependant
limité : si lafréquence
du faisceau sonde
s’éloigne trop
de larésonance,
celui-ciinteragit
avec les niveauxhyperfins voisins, 6P3/2F’
= 4puis F’ 3/26P
= 3. Pour éviter ces effetsparasites,
le désaccord retenu dans toutes les mesuresprésentées
ici est d’environ 50 MHz dans lerouge de la transition.
5.2.1.3 Puissance du faisceau sonde
Il est
important
de bien choisir lapuissance
du faisceau sonde. Deuxphénomènes
influencent ce choix. Si on utilise une
puissance trop
faible pour sonder lesatomes,
la non-linéarité n’est pas suffisante pour modifier de
façon significative
les fluctuationsquantiques.
Parailleurs,
unepuissance trop importante
estsusceptible
de chasser lesatomes hors du
piège.
On vérifie que cela n’est pas le cas en observant lepiège
à l’aide d’une caméra CCD. Si lapuissance
de la sonde est trèsimportante,
on voitune modification très nette de la luminosité du nuage
atomique.
Dans nos conditionsexpérimentales,
la luminosité du nuage reste constante et n’est pas modifiée par laprésence
du faisceau sonde.5.2.2 Le
piège magnéto-optique
5.2.2.1 Le laser à atomes froids
Nous allons ici décrire à un
phénomène qui
n’est pas relié directement la réduction de bruit maisqui
illustre bienl’importance
des faisceauxpièges
dansl’expérience.
Laurent Hilico avait observé durant sa thèse un
phénomène
d’émission laser. Eneffet,
le milieu
atomique
est excité par les faisceauxpièges
et est situé dans une cavitéoptique.
Si les faisceaux sont suffisamentintenses,
deuxphénomènes peuvent
être àl’origine
d’une émission laser.Le
premier phénomène
est basé sur une excitation Raman[Grison 91].
Pourex-pliquer
cephénomène,
nous considérons une transition detype
J = 1 ~ J = 2. Deux ondes dont l’une estintense,
la pompe, et l’autreplus faible,
lasonde, interagissent
avec ces atomes(figure 33).
Lafigure
33représente
les niveauxd’énergie
obtenus enprenant
comme axe de
quantification
l’axe depolarisation
du faisceau pompe. La pompe crée desdéplacements
lumineux différents pourchaque
sous-niveau Zeeman. Dans le casd’un désaccord
négatif (ce qui
est le cas pour les faisceauxpièges),
le niveau deplus
basse
énergie
est le niveau m = 0. Deplus,
les atomes s’accumulent dans ce niveau àcause du pompage
optique.
Dans ces
conditions,
si la pompe estquasi-résonante
avec la transition J =1,
m =0 ~ J =
2,
m = 0 et la sonde résonante avec la transition J =1,
m = ±1 ~ J =Fig.
33: Schéma des niveaux intervenant pour le laser Ramanspontanée
sur la transition J =1, m = ±1 ~ J = 2,
m = 0 pourra donner naissance àune émission laser si les
pertes
dans la cavité sont suffisamment faibles. Cette émission laser detype
Raman a lieu à unefréquence proche
de lafréquence
de la pompe. Deplus,
lalargeur
de raie du laser ainsi obtenu est trèsfaible, quelques
centaines de kHz: lalargeur
est en effet de l’ordre de lalargeur
des niveaux fondamentaux.A cause de cette faible
largeur
de raie(beaucoup plus
faible que la bandepassante
de la cavité
qui
est de 10MHz),
l’émission laser nepeut
se faire que pour deslongueurs
de la cavité
qui correspondent
exactement à lafréquence
centrale de la courbe degain.
Ce
phénomène porte
le nom detirage
defréquence ("frequency-pulling"):
lafréquence
du laser est la moyenne des
fréquences
du milieuamplificateur
et de la cavitépondérées
par leur
largeur respective;
lafréquence
d’émission sera trèsproche
de lafréquence
de l’élément leplus étroit,
ici le milieuatomique.
On met en évidence cette émission laseren
balayant
lalongueur
de la cavité.Le deuxième
phénomène
est un processus dithyper-Raman qui
fait intervenirqua-tre
photons [Grynberg 93].
Ilpeut
êtrecompris
en considérant une assemblée d’atomes à deux niveaux soumis à une onde pompe. Si celle-ci est assezintense,
ilapparaît
des processus à
plusieurs photons
tel que celuiqui
fait intervenirl’absorption
de deuxphotons
de l’onde intense à lafréquence
03C9L et les émissions d’unphoton spontané
à lafréquence
de latransition,
03C90 et d’unphoton
à lafréquence 203C9L-03C90.
Si on asuffisam-ment peu de
pertes,
onpeut
avoir une émission laser à lafréquence 203C9L -
03C90. Cetype
d’émission a une
largeur
de raiebeaucoup plus grande
que laprécédente,
de l’ordre de lalargeur
de raie du niveauexcité,
5.2 MHz dans le cas du césium.Puisque
cettelargeur
de raie estcomparable
à la bandepassante
de lacavité,
l’oscillation laser seproduit
pour deslongueurs
bien définies de la cavité. Parcontre,
l’effet detirage
de lafréquence
par la cavité estbeaucoup plus important :
l’émission a lieu sur une bande defréquence beaucoup plus large.
Il faut notercependant qu’il
existe des valeurs de lalongueur
de la cavité pourlesquelles
on n’a pas d’émission laser cequi
n’est pas le cas avec un laser standard(pour lequel
lalargeur
enfréquence
de la cavité estbeaucoup
plus
faible que le milieuamplificateur).
97
Fig.
34: Spectre du laser à atomes froids. Ce spectre est en fait une superposition de nombreuxspectres, correspondants à différentes longueurs de la cavité situées dans un intervalle d’environ une
longueur d’onde
Il est obtenu en utilisant l’analyseur de spectre en position "Max-Hold". Pour chaquevaleur de la fréquence d’analyse,
l’appareil
conserve le maximum des valeurs mesurées lors de chaque enregistrementTous ces
phénomènes peuvent
être mis en évidence au moyen de la détectionho-modyne
utilisée normalement pour la détection de bruit. Eneffet,
si on fait interférer l’oscillateur localoptique
et l’émission laserproduite
par lesatomes,
on réalise unedétection
hétérodyne puisque
les deux lasers n’ont pas la mêmefréquence.
Au niveau dudétecteur,
on a des interférences auxfréquences
somme et différence des deux lasers. Lafréquence
somme n’est pas détectable mais lafréquence
différence est inférieure àune
cinquantaine
de MHz et est donc observable avec notresystème
de détection. Ces interférencespeuvent
être étudiées à l’aide del’analyseur
despectre.
Lesignal
obtenuest alors la
signature spectrale
de l’émission laser.Lorsque
lalongueur
de la cavitéchange,
on observeplusieurs phénomènes :
unpic
à uneposition fixe, proche
de lafréquence
des faisceauxpièges,
03C9P; unpic
à unefréquence
variable en fonction de lalongueur (voir figure 34).
Avec les données fourniesci-dessus,
il est aiséd’interpréter
le
premier pic
comme dû au laser Raman alors que le second est dû à l’interaction àquatre photons.
Ces différents
types
d’émission sont extrêmementpréjudiciables
à l’étude de la réduction de bruit enprésence
des faisceauxpièges.
Eneffet,
ils entraînent un fort excès de bruit auxfréquences
où on étudie le bruit sur le faisceau sonde. Il est donc trèsimportant
de les minimiser autant quepossible.
Par
contre,
il faut noter que ces émissions lasers sont très utiles dans leréglage
dupiège.
Il estindispensable
que lepiège
soit correctement centré sur la cavité afin de maximiser la non-linéarité. Pourcela,
on mesure lapuissance
de l’émission laser derrière la cavité à l’aide d’unephotodiode
et onl’optimise
enjouant
sur les différentsréglages
du
piège.
Nousdisposons
de troispaires
de bobines dechamp magnétiques
destinées àcompenser le
champ magnétique
terrestre. Enajustant
les courants d’alimentation deces
bobines,
onpeut déplacer
le minimum duchamp magnétique inhomogène
et doncdéplacer
laposition
dupiège.
Nous avons pu mesurerjusqu’à
5003BCW
d’émission laser à la sortie du miroir decouplage.
5.2.2.2 Puissance des faisceaux
pièges
Comme nous l’avons
déjà remarqué
dans leparagraphe précédent
et comme nousl’avons démontré dans la
partie théorique,
lapuissance
des faisceauxpièges
estpréju-diciable à la réduction de bruit. Il y a donc un
compromis
à trouver pour obtenir suffisament d’atomes tout enayant
un excès de bruit tolérable.La
première
solution a étédéveloppée
par A. Lambrecht et J.M.Courty.
Elle consiste à couper les faisceauxpièges
et à effectuer la mesure de bruitpendant
letemps
où les atomes sont encoreprésents.
Cette méthode a fourni de bons résultats mais la réduction de bruit n’est obtenue que de manière transitoire. Eneffet,la longueur
optique
de la cavité estbalayée
par lachangement
d’indice dû à la fuite des atomesqui
dure
quelques
dizaines de millisecondes. Levoisinage
dupoint
tournant de labistabilité,
où la
plus grande
réduction de bruit estprévue,
n’est atteint quependant quelques
ms.Un
temps
aussi court limite sévèrement la bandepassante
utilisable pour la mesuredu bruit. En
effet,
lesignal
donné parl’analyseur
despectre
est entaché d’un bruitet il est nécessaire de les traiter par un filtre
passe-bas (filtre d’affichage
ouvideo-filter).
Les contraintes sur letemps
de mesure et la bandepassante empêchent
aussi debalayer
laphase
de l’oscillateur local assez vite pour trouver laquadrature
surlaquelle
le bruit est réduit en un seulenregistrement.
Il est alors nécessaire derépéter
de nombreuses
séquences
depiégeage-lâcher
d’atomes-mesure de bruit pour observerune bonne réduction de bruit. Cette
technique
est donc délicate à utiliser. Deplus,
on n’obtient une réduction de bruit quependant quelques
ms cequi
est bien inférieuraux
temps
nécessaires pour faire des mesuresplus
détaillées de lastatistique
de bruit de manière à reconstruire la fonction deWigner (voir chapitre 5).
Une autre voie avait été ouverte dans notre groupe au début de ce travail. Nous
avions pu observé de la réduction de bruit en
présence
de faisceauxpièges
atténués. C’est cette seconde méthode que nous avons utilisée pour obtenir les résultatsprésentés
dans ce mémoire. Comme nous l’avons
déjà dit,
il est nécessaire de trouver pour lapuissance
des faisceauxpièges
uncompromis
entre lesexigences
contradictoires du nombre d’atomes suffisant et de faible excès de bruit.Pour
ajuster
lapuissance
des faisceauxpièges,
nous utilisons le test fourni par le laser à atomes froids détecté soit dans la lumière transmise derrière lacavité,
soit dans la lumière réfléchie.Lorsque
les faisceauxpièges
sont trèsintenses,
lespics
du laser à atomes froids sontplus importants
que lepic
de transmission de la cavité pour le99
faisceau sonde.
Lorsqu’on
diminue lapuissance
des faisceauxpièges,
lespics
dus aulaser à atomes froids