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Le discours phallogocentrique : le corps-langage, un corps polymorphe

Deuxième partie

3) Le discours phallogocentrique : le corps-langage, un corps polymorphe

Le corps1 devient mots,2 exprime plus pertinemment ce que les mots mêmes peuvent dire. Depuis Harrouda « les mots étaient relégués au second plan. Le corps fut notre première parole sensée »3. Dans l’hypertexte et l’hypotexte, les images qui relèvent de la domination sont souvent liées au corps de la femme. Il est le premier réceptacle de toute forme de domination. Le corps subit la répugnance masculine et la violence.

L’auteur marocain, dans la lignée de Jacques Derrida, conteste toutes les autorités à partir de « l’autorité du langage »4. Il privilégie, écrit-il, dans « le poète, ni guide, ni prophète » de « casser le langage »5. En effet, pour mener à terme une telle forme de subversion, Ben Jelloun utilise le corps qu’il dote également d’un langage de dénonciation.

a) Le corps : un signifiant langagier

Dans L’enfant de sable, le corps n’est plus un corps d’amour. Il est consacré à la procréation, corps d’exclusion représenté par la figure de la mère et ses filles, un corps de souffrance représenté par Fatima. Ben Jelloun s’oppose à ce conformisme livré au traditionalisme représenté par les différentes autorités dans le monde arabo-musulman. L’éveil du corps à la suite de l’expérience amoureuse et érotique apparaît comme une sorte de transsubstantiation dans La nuit sacrée au cours de laquelle le corps d’Ahmed/Zahra passe par plusieurs métamorphoses pour devenir un corps de femme.

Le corps féminin mutilé, exprime l’atrocité masculine. Il devient un signe linguistique porteur de significations, tels la violence et le viol, le patriarcalisme ancestral, la dictature et le

1 Suivant une approche linguistique, Ridha Bourkhis démontre les significations du corps et leurs rapports aux mots dans l’œuvre de Tahar Ben Jelloun. Tahar Ben Jelloun. La poussière d’or et la face masquée, Paris, L’Harmattan, 1995, pp. 115-125.

2 Cf. le concept « corps-écriture » chez Alfonso de Toro. « Le Maghreb writes back I : Abdelkebir Khatibi ou les stratégies hybrides de la construction de l’autre. Pensée fondatrice et l’introduction d’un nouveau paradigme culturel », in Le Maghreb writes back. Figures de l’hybridité dans la culture et la littérature

maghrébine », op. cit., p. 162.

3 Ben Jelloun, T., Harrouda, Paris, Denoël, 1973, p. 20.

4 Derrida, J., « Qu’est-ce que la déconstruction ? », op. cit., p. 1099.

5 « Le poète, ni guide, ni prophète », in La Mémoire future, Anthologie de la nouvelle poésie du Maroc, Maspero, 1976, p. 210.

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despotisme. Dans les Mille et une nuits, « le corps constitue une modalité discursive à part entière »1. Les corps des reines mutilés et massacrés ainsi que les corps des jeunes filles que Schahriar a violées décrivent le rapport homme (supérieur)/femme (obéissante) et la résignation à l’injustice. La suprématie phallique qui s’est transformée en violence confirme l’injustice commise envers toute la gent féminine. Cela nous rappelle la culture masculine avant l’avènement de l’Islam où l’homme humilié et déshonoré par une naissance féminine procède à l’enterrement de sa fille.

Par le truchement du comportement de Hadj Ahmed Souleïmane, Ben Jelloun remet en question l’injustice envers les femmes. Fatouma en fait ainsi le procès dans L’enfant de sable : « mon histoire est ancienne…, elle date d’avant l’Islam… Ma parole n’a pas beaucoup de poids… Je ne suis qu’une femme, je n’ai plus de larmes »2. Ben Jelloun souligne à ce propos qu’être une femme est difficile dans la société arabo-musulmane. Zahra, née fille, élevée comme garçon afin de satisfaire les complexes virils d’un père accablé après la naissance de sept filles. Le père transmet ainsi le complexe dont il souffre à sa fille, dont le corps portera, à son tour, un complexe de castration.

Afin de subvertir la vision du roi envers le corps féminin, Schéhérazade a choisi le langage en dépit du désir charnel alors que dans l’œuvre de l’auteur marocain le fait de se représenter s’effectue dans le diptyque par le biais du langage, mais aussi par la scénographie du corps. Se voir dans le miroir pour Ahmed/Zahra lui rappelle l’atrocité commise par son père — devient un contre-pouvoir mené contre le pouvoir patriarcal. David Le Breton affirme que : « le corps métaphorise le social, et le social métaphorise le corps. Dans l’enceinte du corps ce sont symboliquement des enjeux sociaux et culturels qui se déploient »3. L’atrocité imprimée sur le corps d’Ahmed/Zahra résume toute une culture phallique qui prédomine depuis Aljahilia (l’époque préislamique). Ben Jelloun le confirme : « dans ce pays, tu réprimes ou tu es réprimé »4. Dans L’enfant de sable, le corps, enchevêtré, métaphorise la forme de l’œuvre. De ce fait, la subversion s’effectue par le corps ainsi que par la forme de l’œuvre. Aussi le corps est-il un signe linguistique où les sèmes sont implicites ? Il « est donc un phénomène sémiotique qui ramène, en dernier ressort, au langage »5. Le corps devient une métaphore langagière qui permet à Ben Jelloun de déconstruire toutes les formes de la suprématie, la supériorité du mâle, 1 Zdrada-Cok, M., Hybridité et stratégies de dialogue dans la prose publiée après l’an 2000, op. cit., p. 46. 2 Ben Jelloun, T., L’enfant de sable, op. cit., p. 168.

3 Cité par Dahouda, K., « Tahar Ben Jelloun : l’architecture de l’apparence », Tangence, N° 71, 2003, p. 13-26 [en ligne sur : http://id.erudit.org/iderudit/008548ar Consulté le 29/03/2016.

4 Ben Jelloun, T., L’enfant de sable, op. cit., p. 121.

5 Novèn, B., Les mots et le corps. Études des procès d’écriture dans l’œuvre de Tahar Ben Jelloun, Acta Universitatis Upsaliensis, UPPSALA, 1996, p. 11.

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la supériorité du colonisateur par rapport au colonisé. Ben Jelloun relie souvent la destinée d’Ahmed (dominé) à celle du Maroc, encore colonisé.

Dans le conte de Camaralzaman et Badoure, le protagoniste a assimilé une mauvaise pensée à l’encontre des femmes à cause de ses lectures anti-féminines. Il paraît que la société préserve un discours misogyne, un discours phallogocentrique en le transmettant d’une génération à l’autre. Les ouvrages font perdurer l’idée que les femmes font preuve de perfidie. La mentalité féminine est subversive. Elle est aux antipodes de celle du mâle. Hadj Ahmed Souleïmane adopte une vision indissociable du tabou, de l’ancestral et de l’esprit conservateur alors que sa fille, Zahra, par son corps, ses réflexions, ses écrits, son histoire racontée par les conteurs dans L’enfant de sable, et par elle-même dans La nuit sacrée, et par ses agissements, elle s’en prend aux doxas, préfère la transgression du tabou. Les cris du corps se sont transformés en écrit. La libération du corps commence par le fait de dire puisqu’avouer signifie s’émanciper, se sortir de l’étouffement imposé par le tabou. Dans une interview, Ben Jelloun avoue à Amal Naccache qu’« aujourd’hui le meilleur moyen de témoigner sur ce que nous vivons, qui nous perturbe, qui nous empêche de respirer dans le monde arabe, c’est la littérature, la poésie, le roman »1. L’écriture était un refuge pour Ahmed/Zahra, mais aussi pour Ben Jelloun. La parole a également cette fonction pour Schéhérazade, car elle est également conçue comme émancipatrice. Elle a pu réfuter les réflexions craintives de son père. Elle a réussi à convaincre Schahriar de l’écouter pour se libérer enfin de son complexe. La parole est l’une des formes de la subversion féminine, elle déstructure la parole masculine, marquée par sa nature imposable et obligeante. Face à la parole organisée et structurée des hommes, les Mille et une nuits proposent le plus long texte jamais raconté par une femme.

Dans le conte de Badoure et Camaralzaman, le discours de Schahzaman relève du phallogocentrique, car il est totalitaire, solennel et monophonique. Schahzaman appréhende les décisions, même celles qui se rapportent à la vie privée de Camaralzaman. La communication avec son fils est transcendantale et ne privilégie ni la réciprocité ni la compréhension du destinataire. Il dévalorise son fils puisqu’il ne lui accorde pas la moindre liberté. Il n’a jamais essayé de comprendre pourquoi son fils déteste les femmes. Au contraire, il l’emprisonne dès qu’il le contrarie à propos du mariage. Le corps subit ainsi une punition. Camaralzaman est élevé par son père dans un foyer paternel, purement masculin où la découverte du sexe différent n’est pas possible. Le fils n’a pas voyagé, n’a pas connu d’expériences ni d’aventures qui lui permettent de découvrir le monde. Il a vécu dans un espace clos qui favorise plutôt 1 Naccache, A., op. cit., p. 90.

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l’homosexualité1. Afin de s’en prendre au discours phallogocentrique de son père, Camaralzaman a quitté cet espace. Tout d’abord c’est le voyage en rêve qui a transgressé la fixité et a permis à Camaralzaman de découvrir la beauté de Badoure qui revivifie la passion hétérosexuelle. Il quitte la prison patriarcale et il est allé chercher Badoure. Une étape indispensable afin de favoriser le passage du stade homosexuel au stade hétérosexuel2, du refus du mariage au consentement. Ce rêve lui a permis de rencontrer Badoure. Et depuis, Camaralzaman s’en prend à l’éducation homosexuelle que son père lui a inculquée en commençant une quête systématique au cours de laquelle il acquiert la conscience de soi.

Dans le conte de Badoure et Camaralzaman, toutes les formes de la domination s’expriment à travers le corps. Le corps incarcéré de Badoure dit la supériorité phallogocentrique de son père. La transgression de ce discours ne se réalise que par un désir émergent. Ainsi le rêve de rencontrer Camaralzaman s’avère comme une marche vers l’autre, expression du désir, une rencontre curieuse de l’autre désirant et désiré, contre l’esprit patriarcal qui prône une négation absolue du désir. Aussi se résume-t-il le trajet parcouru par Camaralzaman afin de rencontrer Badoure.

Ben Jelloun inverse les rôles sexuels. Dans une société dans laquelle il est encore impensable de voir ou d’imaginer une femme réalisant une quête. Zahra réalise une quête spirituelle au cours de laquelle elle se débarrasse d’une altérité imposée et acquiert sa propre identité.

La quête consiste pour Zahra et Camaralzaman à se débarrasser d’emblée d’une altérité imposée pour acquérir une certaine identité propre, perdue jadis à cause de l’autorité patriarcale. Toute émancipation pour Ahmed/Zahra passe tout d’abord par la transgression du logos régi par le phallus et le traditionalisme social. Dans L’enfant de sable, Ahmed, afin de passer du stade de l’identité sexuelle sociale que lui avait attribuée son père, et devenir, Zahra, a commencé à écrire sa propre histoire par ses propres mots, son propre logos d’émancipation et finit également par quitter le foyer paternel. Elle fait le procès de la culture, du discours patriarcal et du discours monophonique du père se traduit par plusieurs moyens : l’interrogation du père et de la mère conciliatrice, la fuite du foyer paternel, la dance, les chansons et l’expression du désir. Zahra commence ainsi à vivre pleinement et librement sa vie de femme. L’insurrection contre la volonté du père et de son discours autoritaire est une preuve de la déconstruction du discours phallogocentrique où le père s’assigne une fonction centrale, celle de la protection de l’esprit ancestral.

1 Weber, E., Le secret des Mille et Une Nuits. L’inter-dit de Schéhérazade, op. cit., p. 227. 2 Ibid.

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Schéhérazade faisait souvent entendre à Schahriar les cris du corps torturés : ce sont souvent des femmes innocentes. Amine est punie par son époux et répudiée ainsi que sa sœur Safie. Ben Jelloun ne cesse également de représenter le corps torturé. Les sœurs de Zahra, pôle des dominés représentent l’emblème de la culture ancestrale, conservatrice ; symboles de la femme au foyer, elles se vengent de Zahra1, qui avait déjà représenté un pôle dominant au début de L’enfant de sable dans le rôle d’Ahmed.

Dans l’hypertexte et l’hypotexte, le corps devient un enjeu sur lequel reposent toutes les formes de transgression. Il s’est transformé en logos à valeur transgressive. Camaralzaman prouve qu’il est libre en refusant l’ordre de se marier imposé par son père. Il préfère être incarcéré plutôt que d’accepter l’ordre de son père. Il a choisi ensuite le moment d’être pris pas la passion. Il a enfin quitté le foyer paternel afin de pouvoir mener à terme son projet de passion amoureuse.

Zahra comme Camaralzaman, partage un dessein semblable. Ils ont vécu une série d’événements interminables à la fois initiatiques et subversifs : l’entêtement contre l’autorité patriarcale, l’emprisonnement, la fuite du foyer paternel, la passion amoureuse loin des coercitions familiales. Cependant, Camaralzaman, esprit ancestral, entame la quête de la passion, alors que Zahra, esprit transgresseur, adopte l’expérience erratique à dimension subversive. Badoure, archétype de la femme du foyer, ne tente aucune transgression de l’ordre de son père. Plus tard, elle réalise sa propre quête de femme libre après son mariage avec Camaralzaman.

Dans L’enfant de sable, le corps subit une sorte d’exorcisme. Ahmed/Zahra suit un parcours de métamorphose corporelle. Il oscille tout d’abord entre le trébuchement qui reflète l’assaut de l’autorité patriarcale et le cheminement vers une identité féminine qui reflète le choix individuel et libre de son identité. Toute négation de la construction sociale de l’identité révèle la transgression de l’ordre des parents. L’un des conteurs affirme à ce propos : « je l’imagine tiraillé entre l’évolution de son corps et la volonté de son père d’en faire absolument un homme… »2. Cet enchevêtrement entre l’identité masculine et féminine annonce l’hésitation entre l’appel à l’ordre et la transgression. Ce tiraillement ne dure pas longtemps, car la transgression par le corps finit par être discursive :

Un jour, il convoqua sa mère et lui dit sur un ton ferme : J’ai choisi celle qui sera ma femme.

1 Ben Jelloun mentionne cette excision comme exemple afin de dénoncer cette pratique utilisée en Afrique noire, en Égypte et en Soudan, mais aussi afin de mettre en exergue la torture dans les prisons.

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La mère avait été prévenue par le père. Elle ne dit rien. Elle ne marqua même pas l’étonnement plus rien ne pouvait la choquer de sa part. Elle se disait que la folie lui arrivait au cerveau. Elle n’osa pas penser qu’il était devenu un monstre. Son comportement depuis une année l’avait transformé et rendu méconnaissable. Il était devenu destructeur et violent, en tout cas étrange. Elle leva les yeux sur lui et dit :

- C’est qui ? - Fatima… - Fatima qui ? …

- Fatima, ma cousine, la fille de mon oncle, le frère cadet de mon père, celui qui se réjouissait à la naissance de chacune de tes filles…

- Mais tu ne peux pas, Fatima est malade… Elle est épileptique, puis elle boîte… Justement.

- Tu es un monstre…

- Je suis ton fils, ni plus ni moins. - Mais tu vas faire le malheur !

- Je ne fais que vous obéir ; toi et mon père, vous m’avez tracé un chemin ; je l’ai pris, je l’ai suivi et, par curiosité, je suis allé un peu plus loin et tu sais ce que j’ai découvert ? Tu sais ce qu’il y avait au bout de ce chemin ? Un précipice. […]

- Moi, je n’ai rien décidé.

- C’est vrai ! Dans cette famille, les femmes enroulent dans un linceul de silence…, elles obéissent, mes sœurs obéissent1…

Ahmed/Zahra commence ainsi à désobéir à ses parents. Son discours transgressif est imposé par l’évolution naturelle de son corps – Ahmed est en train de devenir Zahra – qui a évolué loin de toute surveillance. Ahmed/Zahra, après avoir ridiculisé son père en l’interrogeant sur l’évolution de son corps, se dresse contre sa mère, qui avait également participé, par sa passivité et son obéissance, au développement de son drame identitaire. Les parents n’échappent pas aux reproches et aux interrogations. Puisque surveiller consiste à maintenir un ordre, les parents n’ont pas pu maintenir une surveillance qui les dépasse, qui consiste dans l’évolution naturelle du corps. Le sang de la puberté transgresse violemment l’ordre patriarcal et rappelle au corps sa nature féminine. Il s’agit d’une sorte de dénonciation avant les mots. Le corps s’insurge ainsi contre un ordre patriarcal et contre l’Ordre en général. Les métamorphoses du corps constituent un procès du discours patriarcal. Aussi le corps, miroir de la culture de toute une société reflète-t-il un complexe fondamental dans la mentalité masculine.

Pendant la puberté, un ensemble de « modifications endocriniennes, corporelles et génitales, s’accompagnant de modifications psychiques »2 commence à apparaître, accompagné 1 Ben Jelloun, T., L’enfant de sable, op. cit., pp. 51-52.

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de rêves et d’hallucinations ; des tentations d’écriture prouvent que les réactions du corps féminin se déploient de plus en plus : tout s’accorde pour montrer qu’Ahmed/Zahra est plutôt une femme. Le corps qui était au début de L’enfant de sable une forme de retrait dans la société devient une forme de résistance à partir de la seconde moitié du roman. Dans L’enfant de sable et La nuit sacrée, le corps résiste davantage, il couvre l’écriture, qui le couvre également. La résistance devient multiple : le corps, par le biais de la dance, les membres du corps féminin qui sont revivifiés, la voix féminine d’Ahmed, la parole, en plus de l’écriture véhiculent une stratégie de résistance.

Hélène Cixous invite à l’écriture des cris du corps féminin, associe systématiquement l’écrit aux cris du corps féminin : écrire c’est fait entendre le corps féminin : « écris-toi : il faut que ton corps se fasse entendre »1. Ceci était un objectif chez l’auteur marocain : « il fallait dire la parole dans (à) une société qui ne veut pas l’entendre, nie son existence quand il s’agit d’une femme qui ose la prendre »2, aux antipodes de la mentalité sociétale et des discours politiques, Ben Jelloun écrit ce qui n’est pas bien reçu, ce qui dérange par rapport à l’ordre social.

Ahmed/Zahra a choisi de quitter le foyer paternel après la mort de son père afin de se dresser contre la claustration. Il opte pour l’errance au lieu de la fixation qui détermine la posture de la femme arabe. Ahmed/Zahra se dresse non seulement contre la parole de l’homme qui privilégie le harem mais aussi contre la posture de la femme, satisfaite de cette situation. Insaisissable, enfant de sable ou être de sable, Ahmed/Zahra incarne la trahison3 de l’ordre Masculin et de la posture traditionnelle de la femme. Dans L’enfant de sable, au tâtonnement du corps d’Ahmed/Zahra répond le tâtonnement textuel de son histoire d’où sa division en plusieurs versions. Le corps est inhérent au textuel, il l’explicite, le gère, si le texte s’inscrit dans une lignée de dénonciation, le corps l’était déjà. Le corps dans le diptyque explicite une réflexion sémiotique de la dénonciation.

Dans les Mille et une nuits, le corps féminin est en danger et le faire vivre s’avère l’objectif de Schéhérazade. Nous rappelons qu’en racontant des histoires, Schéhérazade a pu préserver son corps et pousse Schahriar à se soucier du corps féminin. Schéhérazade essaie de sauver le corps féminin alors que Zahra essaie de sauver son corps, tout en faisant de son histoire

1 Cixous, H., Le Rire de la Méduse et autres ironies, Paris, Galilée, coll. « Lignes fictives », 2010, p. 45. 2 Ben Jelloun, T., Harrouda, op. cit., p. 175.

3 Le thème de la trahison chez Ben Jelloun, bien qu’il soit un emprunt aux Mille et une nuits apparaît avec