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Le développement du multicanal dans l’organisation commerciale

Une évolution de la place des agences

Encadré 3 Le développement du multicanal dans l’organisation commerciale

de la BNP Paribas (103).

La banque de détail multicanal n’aurait pu voir le jour sans le soutien indéfectible et prioritaire de la direction générale. C’est un facteur-clé de succès du projet. Il a été géré en trois étapes :

· 1ère

Etape : La téléphonie ; les deux call center parisiens, par exemple, ont été transformés en centre de relation client pouvant faire de l’appel entrant, de l’appel centrant et de l’e-mail ainsi que le reroutage des appels réseau qui passaient jusque-là par une centaine de structures d’accueil téléphonique.

· 2ème

Etape : La construction d’un nouveau poste de travail multicanal ; il permet aux conseillers de gérer les différentes situations clients, de manière fluide. Une centaine de situations clients sont définies et décrites, permettant une gestion intégrée et multicanal des principaux actes quotidiens. Cette étape a été développée en impliquant l’ensemble des managers du réseau lors des réunions avec l’équipe projet qui ont à leur tour formé leurs équipes de vente. Pour souligner la complémentarité des réseaux, plutôt que la concurrence, permettant la construction d’un réseau unique, la commission d’un produit vendu est restée entièrement au bénéfice du réseau physique, donc des agences, le centre de relation client touchant des primes indexées avant tout sur la qualité de service et de traitement des flux. L’objectif est de montrer aux agences que la distance peut générer de la qualité et de la disponibilité pour des actes à plus forte valeur ajoutée.

· 3ème

Etape : Bnpparibas.net, portail bancaire multicanal, il présente les agences, apporte des services et dispose d’une messagerie connectée à la base de clients. Ce portail connaît un grand succès auprès des clients et est encouragé par les conseillers qui ont compris que tout ce que fait le client sur Internet est partagé dans son dossier et donc connu des vendeurs en agence comme les téléconseillers, ce qui rend la commercialisation des produits efficaces. On a encore ici une complémentarité réelle des canaux.

Le résultat de ce déploiement pour la BNP Paribas est une augmentation du produit net bancaire de plus de 15 % entre 2003 et 2006, un bouche-à-oreille favorable de la part des clients et la diffusion de plus de 20 millions d’opportunités de contact au réseau dont une sur deux entraine un contact réel.

(103) – D’après l’interview de Philippe Laubanie, Responsable du département développements multicanaux, BNP Paribas, in Relation Client, Magazine, n° 71, 1er Novembre 2007, p. 22.

Suite de l’encadré 3

Le multicanal, c’est « un gros investissement, mais surtout un changement culturel majeur de modèle de vente qui s’appuie sur la vague technologique mais que l’on doit doser avec la demande du client. Il faut gagner la confiance et la fidélité du client, pour gagner ensuite sa rentabilité. Et ne pas ouvrir la guerre des canaux, mais jouer sur la complémentarité ». L’animation commerciale et marketing changent.

La mission de l’agence est donc réorientée vers le conseil personnalisé et la vente. Toutes les fonctions transactionnelles qui occupaient jusque-là les agences sont déportées vers les automates et les canaux distants, permettant d’augmenter le temps consacré aux opérations à valeur ajoutée. Les canaux distants remplissent désormais trois fonctions historiquement assumés par le personnel des agences : les transactions basiques, dont le standard téléphonique, la proposition de produits simples et la prise de rendez-vous avec un conseiller, la diffusion d’informations financières d’ordre général ou sur la banque.

Néanmoins, on constate que les clients restent attachés à leur conseiller. L’argent est un produit impliquant qui nécessite une relation de confiance entre le client et le conseiller. Certains acceptent difficilement d’utiliser des automates pour les opérations courantes.

Bien sûr, les plus jeunes, habitués aux technologies de l’information, sont plus ouverts à cette évolution. Un effort d’explication doit donc être fait vers certains segments de clientèle moins réceptifs au multicanal, afin de les convaincre des avantages qu’ils peuvent en retirer, par exemple en horaires d’accessibilité.

Encadré 4 – Barclays (104).

La banque Barclays possède une clientèle de 110000 particuliers. Elle affiche comme objectif de devenir la banque de référence de sa population cible : les mass affluents. « Nous ciblons le marché de la clientèle aisée, celle qui dispose d’une moyenne de 50 000 Euros de revenus annuels ou dont les avoirs sous gestion chez nous se montent à la même somme », confirme Nathalie Dachicourt qui poursuit : « Historiquement, les clients sont venus chez Barclays pour placer leur argent. Nous ne voulons plus être seulement ce club spécialisé, mais [souhaitons] plutôt répondre aux besoins quotidiens de cette typologie de clientèle ».

(104) – Source : « Relation Client, industrialiser sans déshumaniser », adapté de Banque et Informatique, n° 149, Mai, 2005.

Suite de l’encadré 4

L’objectif est donc d’aider les commerciaux à mieux gérer leur portefeuille clients en leur fournissant la bonne information : quel client semble le plus appétant, pour quel type de produit ?

Forte de ce constat, la Barclays a intégré ces données dans un datawarehouse décisionnel, Teradata, situé en Grande-Bretagne. Pour mettre en place un scoring sur les ventes, la banque s’est appuyée sur la suite logiciel de SPSS Clementine. Le socle technologique étant posé, restait à peaufiner l’offre commerciale. « En deux ans, nous avons créé 24 produits pour répondre à l’ensemble des besoins de notre clientèle, c’est énorme », scande Nathalie Dachicourt. Six forfaits clés en main (dont Barclay’s Premier, Platinum, Barclays jeunes ou Classic) ont été conçus et marketés en fonction du cycle de vie et de la situation patrimoniale des clients.

Cette organisation nouvelle s’est intégrée en douceur dans l’organisation actuelle : les chargés de clientèle ont élargi leur vision des clients en passant à une vision à 360 degrés (profil, situation patrimoniale, produits détenus, compte rendus d’entretiens). Un système d’alerte automatique les informe des opérations de cross selling à mener, l’outil leur fixe des objectifs de diminution du taux d’attribution sur les clients à risques. L’absence d’organisation pyramidale lourde et la taille modérée de la banque expliquent l’intégration aisée de cette nouvelle orientation.

La productivité des services financiers n’augmente pas en proportion des efforts réalisés en matière de relation client, les causes organisationnelles sont majeures. L’organisation de nombreuses banques en caisse nationale et caisses régionales rend difficile les échanges entre les différents niveaux de la structure.

Les systèmes d’information ne sont pas toujours unifiés entre toutes les structures et les logiciels ne sont pas encore tous en phase avec cette nouvelle approche du client. Ces difficultés viennent renforcer les freins au changement de la part du personnel.

Les applications de GRC, ne sont pas des outils miracles pour comprendre le client et répondre à ses besoins ; elles nécessitent une implication de l’ensemble de l’entreprise bancaire et une réorganisation des fonctions vers le client. Sans cette réorganisation, la GRC ne devient qu’un coût et reste sans intérêt pour la productivité bancaire.

Conclusion.

La mise en place de la GRC vise à augmenter la rentabilité des clients par des ventes additives, une réduction du coût de gestion des clients et une fidélité accrue. La personnalisation de la relation mise en œuvre ne peut être généralisée à l’ensemble des clients. Comme nous l’avons montré, la multiplication des canaux de contact doit permettre de choisir le meilleur canal pour chacun des clients en fonction de son potentiel.

Tous n’ont pas vocation à être fidélisés. Il faut également distinguer deux types de fidélités (105) ; la fidélité attitudinale qui reflète une préférence ou un engagement vis-à-vis de la banque et une fidélité comportementale qui peut se mesurer par le nombre de produits détenus et la possession d’un interlocuteur bancaire unique. Une relation client réussie implique une véritable fidélité de la part du client incluant les deux facettes de la fidélité : la préférence pour la banque et un comportement exclusif envers cette banque. La vente de packages bancaires, de plus en plus courante dans la banque commerciale, donne seulement une impression de fidélité des clients, elle les met dans un état de dépendance qui surestime le succès des opérations commerciales. Penser que le client est devenu fidèle s’avère dangereux pour le long terme.

On peut, néanmoins, se demander si la mise en place d’un système de gestion de la relation client dans le secteur bancaire a réellement permis le développement de la relation entre les banques et leurs clients ; ceux-ci sont invités à utiliser les canaux impersonnels pour la majeure partie de leurs opérations bancaires courantes et la relation entre le client et le conseiller n’est favorisée que si elle donne lieu à court terme à la création d’une valeur ajoutée pour la banque, soit la vente d’un produit ou d’un service bancaire.

Le marketing relationnel se différencie du marketing transactionnel par la perspective à long terme qu’il privilégie ; la recherche de l’efficacité à court terme de tout contact client éloigne peut-être la banque du modèle relationnel initialement recherché. On peut se demander quelle sera la réaction des clients lorsqu’ils percevront que la gestion de la relation client s’assimile parfois plus à la de la gestion des transactions clients. Des comportements opportunistes pourraient alors se développer.

(105) – Des Garets V., Lamarque E., Plichon V., « La Relation entreprises – clients : de la fidélité à la dépendance », Revue française de gestion, vol. 29, n° 144, Juin 2003, p. 33.

Quoiqu’il en soit, opérations marketing, orientation client et stratégie bancaire sont liées ; elles nécessitent une réflexion globale sur les cibles à privilégier, les canaux à mettre en œuvre et les systèmes d’information nécessaires. C’est dans une “réflexion plus large” sur l’organisation de l’entreprise bancaire qu’on trouvera le succès de ces opérations.

Chapitre II