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Définitions et caractéristiques

Comme mentionné précédemment, l’approche transactionnelle renvoie à l’analyse du contrat stricto sensu conçu comme mécanisme de coordination destiné à assurer la réalisation d'une transaction. Le contrat est généralement synonyme de froide rationalité. On le perçoit comme un instrument défensif, un mode de protection derrière lequel les parties contractantes pourront se retrancher au moment opportun. Cette conception du contrat tire ses origines de la théorie juridique classique, selon laquelle le contrat se définit comme un accord de volonté destiné à créer des effets juridiquement obligatoires. En d'autres termes, le contrat équivaut à l’ensemble de promesses, légales et licites, pour l'inexécution desquelles la loi prévoit des sanctions judiciaires.

Les contrats formels représentent une promesse ou une obligation d’exécuter des actions particulières dans le futur. Plus le contrat de crédit est complexe, plus grande est la spécificité des promesses et des obligations. Par exemple, un contrat complexe détermine en détail les rôles et les responsabilités particulières, précise les procédures de contrôle et les pénalités en cas de non-respect, et surtout détermine la nature du produit ou service livré. Selon la logique de l'économie des coûts de transaction, la tâche du banquier est de mettre au point un arrangement avec un minimum de coûts, de manière à assurer l'octroi du crédit ou service aux prix et qualité requis par l'emprunteur.

L'économie des coûts de transaction fait référence à trois catégories de hasards liés à l'échange, qui nécessitent des précautions contractuelles : la spécificité des actifs, la difficulté de mesure de la performance et l'incertitude.

La spécificité des actifs émerge quand la relation exige des investissements spécifiques relationnels considérables, humains ou physiques. La présence de ces actifs spécifiques transforme la nature de l'échange. On passe de contrats classiques dans lesquels l'identité des partenaires est inconnue à des contrats néoclassiques dans lesquels l'identité des partenaires est centrale.

Interrompre la relation entraîne pour la banque une perte de la valeur des investissements spécifiques. Pour faciliter la longévité de la relation, les banquiers recourent donc aux contrats formels en y spécifiant non seulement les actions à entreprendre en cas d'infraction, mais aussi une structure pour résoudre les conflits.

La difficulté de mesurer la performance des projets des emprunteurs constitue aussi une source de hasard. Quand la performance est difficile à mesurer, les parties peuvent limiter leurs efforts dans l'accomplissement de l'accord. Les banquiers mettent en place des contrats très complexes qui servent à contrôler le comportement de l'emprunteur. Par exemple, les clauses peuvent spécifier les modalités de contrôle, l'obligation de présenter les documents nécessaires justifiant la qualité du projet, et, si possible, l’identification de repères pour mesurer la performance du projet du débiteur.

L'incertitude est au centre des problèmes relationnels. Les parties doivent faire face aux problèmes de hasard moral et de sélection adverse, et ce, à travers un contrat formel très complexe.

En somme, les problèmes d'incertitude, en plus de la difficulté à mesurer la performance des projets et de la spécificité des actifs, rendent les contrats plus aléatoires. L’incertitude peut particulièrement décourager la banque à faire des investissements spécifiques quand les modalités de contrôle appropriées sont absentes. Un raisonnement similaire s'applique à la difficulté de mesure.

Dans la pratique, ce modèle est souvent qualifié de « banque à l'acte » et illustre une relation purement transactionnelle limitée dans le temps. En effet, le recours au banquier ne se fait que pour des opérations ponctuelles ne favorisant pas l'établissement de relations stables avec les clients. La relation de clientèle apparaît comme le moyen d'éviter les stratégies opportunistes de l'emprunteur. D'ailleurs, plusieurs approches, y compris la théorie des coûts de transaction, ont observé que la gouvernance des échanges interorganisationnels implique plus qu'un contrat formel : le contrat relationnel.

Les approches relationnelles considèrent des échanges répétés à caractère relationnel, c’est-à-dire des échanges ayant une orientation à long terme délibérée. Elles mettent en exergue le rôle des phénomènes d’interaction dans les échanges et s’intéressent à l’ensemble de la relation entre les partenaires et non seulement à un accord spécifique.

A ce stade, l’unité d’analyse n’est plus la transaction, c’est la relation. Le contrat relationnel se différencie en abordant la relation et sa coordination comme un phénomène bilatéral où des adaptations et des ajustements ont lieu en permanence. Ces ajustements reposent sur des attentes et des normes de comportement partagées qui peuvent différer d’un contexte à un autre. Ainsi, le contrat relationnel place l’interaction entre les individus au cœur des mécanismes des échanges.

Les entreprises fonctionnent fréquemment avec des normes informelles et sur des pratiques habituelles au secteur d’activité dans lequel elles opèrent. Ces normes permettent la bonne réalisation du contrat sans avoir besoin d’un recours systématique au système juridique. Elles assurent, également, une certaine flexibilité en évitant de s’enfermer dans les termes d’un contrat. Selon cette approche, la notion de contrat est prise dans un sens très large comprenant un ensemble de règles informelles, de normes et de pratiques. Une théorie plus récente synthétise parfaitement cette approche, la théorie du contrat social élaborée par MacNeil (1980).

Le contrat relationnel est un accord tacite qui permet à la banque de gouverner ses relations avec ses clients en se fondant sur les valeurs et processus convenus, trouvés dans les rapports sociaux. Ce modèle est dit « à l’engagement » (Lamarque, 1994). Les banques cherchent à favoriser l’établissement de relations stables pour réduire l’incertitude grâce à une meilleure circulation de l’information et l’instauration de la confiance.

Le contrat relationnel exige des normes de flexibilité, de solidarité et d’échange des informations. La flexibilité facilite l’adaptation aux événements imprévisibles. La solidarité permet une approche bilatérale pour résoudre les problèmes, créant un engagement pour joindre les actions à travers un ajustement mutuel. Le partage de l’information facilite la résolution des problèmes parce que les parties peuvent partager des informations privées, y compris leurs objectifs à moyen et long termes. Comme les parties adhèrent à certaines normes, la mutualité et la coopération caractérisent le comportement qui en résulte.

Les contrats relationnels permettent aux banques d’atténuer les hasards liés à l’échange, précisés par les contrats formels. L’espérance de continuité qui accompagne le contrat relationnel génère la motivation de s’investir dans un échange spécifique. Cet investissement est protégé par les coûts de rupture élevés qui peuvent s’ensuivre. De manière similaire, l’espérance de longévité minimise le besoin de préciser une mesure de performance sur le court terme. Les deux partenaires espèrent que le manque de performance sur le court terme sera corrigé sur le long terme.

Les mécanismes à travers lesquels le contrat relationnel atténue les hasards liés à l’échange peuvent être de nature économique et sociologique. Les économistes mettent l’accent sur l’origine rationnelle de la gouvernance relationnelle, particulièrement, sur les attentes futures de l’échange. Les sociologues, quant à eux, mettent l’accent sur les normes et les liens sociaux qui peuvent émerger d’un échange. La confiance est considérée comme un trait qui se renforce lors d’un échange relationnel.

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