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Contexte, objectifs et démarche expérimentale du travail de thèse

3. LE DÉVELOPPEMENT DE LA GRAINE DES LÉGUMINEUSES

De manière classique, le développement de la graine peut être décomposé en trois grandes étapes :

(i) L'embryogenèse qui est caractérisée par l'acquisition de la polarité ainsi que par la morphogenèse de l'embryon,

(ii) le remplissage de la graine qui débute avec l'allongement de l'embryon, qui va venir occuper tout l'espace disponible entre les téguments, et qui se caractérise par une accumulation massive des composés de réserve dans les cotylédons,

(iii) la déshydratation qui correspond au processus d'acquisition de la tolérance à la dessication mis en place par la graine en fin de développement, alors qu'elle se déshydrate fortement et rentre en quiescence métabolique.

Ces trois étapes seront décrites plus finement d'un point de vue métabolique dans le chapitre 1, mais au préalable, nous allons évoquer brièvement le processus de développement des différents tissus de la graine : les téguments, l'albumen, et l'embryon, puis la synthèse et l'accumulation des protéines de réserve.

Figure I.5 : Développement de l'albumen chez A. thaliana (extrait de Berger 2003) 

La fécondation du sac embryonnaire produit deux zygotes : le zygote principal (Z) et le zygote accessoire  qui donnera l'albumen (EZ). Le développement de l'albumen se divise en deux phases : la formation du  syncytium (barre bleue) puis la cellularisation (barre verte). A la Qin de la cellularisation, trois domaines  sont  déQinis  :  l'albumen  micropylaire  (jaune)  proche  du  pole  antérieur  (A),  l'albumen  périphérique  (orange)  et  l'albumen  chalazal  près  du  pole  postérieur  (P).  Les  stades  de  développement  de  l'embryon  correspondant aux différents stades de l'albumen sont indiqués.  Figure I.6 : Morphogénèse de l'embryon chez A. thaliana (extrait de Jürgens 2001)  (a)  Mise en place de la polarité apicale­basale de l'embryon. Le zygote subit une première  division (A) donnant cellules basale (bc) et apicale (ac). Puis au stade 8 cellules (B), le pro‐ embryon (proE) dérive de la cellule basale et l'hypyphyse (h) et le suspenseur (su) dérivent de  la cellule basale. Au stade globulaire (C), trois régions embryonnaires sont distinguables :  apicale (a), centrale (c) et basale (b). Au stade cordiforme (D), le plan d'organisation de  l'embryon est en place : méristème apical (MA), primordia des cotylédons (CO), méristème  racinaire (MR), l'épiderme (E), parenchyme (P) et primordia vasculaire (PV). Le  développement de cette embryon aboutira à la plantule (E).  (b)  Origine et organisation du méristème apical. Le code couleur rend compte du pattern  d'expression des gènes régulateurs de l'organogénèse. (A) stade globulaire, (B) stade  intermédiaire globulaire‐coeur et (C) stade cordiforme.  

(a)

(b)

3.1 Formation des trois tissus de la graine

Suite à la double fécondation du sac embryonnaire, nous allons obtenir : le zygote principal (2n), issu de la fécondation de l'oosphère, qui va se diviser activement pour former l'embryon et le zygote accessoire (3n), issu de la fécondation de la cellule centrale, qui formera l'albumen. Ces deux tissus sont entourés des tissus diploïdes maternels, les téguments.

Les téguments sont composés d'assises d'origine maternelle situées en périphérie de la graine et qui se divisent en trois tissus : le tégument externe, le tégument interne et l'endothélium. L'endothélium qui est l'assise la plus interne, est le siège de la synthèse des pigments qui donneront sa couleur à la graine mature chez A. thaliana. L'albumen est issu du zygote accessoire, le premier noyau se divise de manière répétée jusqu'à la formation d'un albumen syncytial (Mansfield et Briarty, 1990a). Les noyaux s'accumulent à la périphérie du sac embryonnaire et progressivement, ce syncytium s'organise en domaines cytoplasmiques nucléaires (Figure I.5, Berger 2003). La cellularisation de l'albumen débute dans la région entourant l'embryon, au moment où ce dernier initie ses cotylédons. Alors que la taille de l'embryon augmente, l'albumen va peu à peu disparaître. Durant la période de maturation, cet albumen est réduit à une assise cellulaire périphérique chez M. truncatula, tandis qu'il disparaît totalement chez le pois (Djemel et al. 2005).

L'embryon est directement issu du zygote principal et va subir une première division asymétrique générant les cellules basales et apicales. La cellule apicale, de petite taille et riche en cytoplasme, va donner naissance à des cellules pro-embryonnaires par le jeu de divisions verticales et horizontales. La cellule basale, de plus grande taille, contient une vacuole et se divise horizontalement, de manière répétée, engendrant un groupe de quelques cellules (Figure I.6a, Jürgens, 2001). Ce groupe cellulaire formera le suspenseur à l'exception de la cellule directement adjacente aux cellules pro-embryonnaires qui fera partie intégrante de l'embryon et donnera naissance au méristème racinaire (Jürgens, 2001, pour revue). Ces premières étapes de divisions cellulaires essentielles pour l'histodifférenciation de l'embryon sont régulées par le facteur de transcription MERISTEM

LAYER 1 qui est exprimé spécifiquement dans la cellule apicale. Cette polarité apicale-basale ainsi acquise

donnera lieu à l'élaboration de différentes régions distinguables dès le stade torpille : une région apicale (méristème apical et cotylédons), un hypocotyle et une racine incluant un méristème racinaire (Mayer et al. 1991). De plus, d'autres niveaux d'organisation viennent progressivement s'y superposer avec la mise en place d'une organisation radiale qui sera particulièrement visible dans l'hypocotyle, et qui implique trois identités tissulaires distinctes, avec, depuis la périphérie vers le coeur de l'embryon, l'épiderme, le tissu intermédiaire parenchymateux, et le procambium central.

Chacune de ces régions va ensuite évoluer de manière autonome sous le contrôle de l'expression différentielle de nombreux gènes dont des facteurs de transcription (pour revue Mayer et al., 1991 et Jürgens 2001). Un exemple de ce contrôle exercé par les facteurs de transcription sur le développement de l'embryon est visible lors de la mise en place des méristèmes racinaire et apical.

Figure  I.7  :  Description  schématique  de  la  famille  des  globulines  (extrait  de  Tzitzikas  et  al.  2006). Représentation sur fond blanc de la protéine sous forme précurseur et sur fond jaune de(s)  formes(s) matures. Les poids moléculaires et les sites de clivage sont indiqués.  Figure I.8 : Synthèse des légumines dans les cotylédons (extrait de Seeds, Bewley et Black, 1994).  Les différentes étapes de la synthèse de légumine sont représentées dans ce schéma et décrites dans le texte.  Les différents compartiments cellulaires sont mentionnés. L'abréviation A correspond à la chaine acide et B à  la chaine basique. 

quatre cellules mitotiquement inactives qui confèrent aux cellules avoisinantes une identité de cellule souche en empêchant leur différentiation (Jürgens, 2001). Cette zone de croissance sera à l'origine de tous les tissus différenciés de la racine.

Le méristème apical (SAM) commence sa formation dès le stade globulaire précoce (Figure I.6b ; Jürgens, 2001, pour revue). Un des premiers gènes a être exprimé, est le facteur de transcription WUSCHEL (WUS). Son domaine d'expression est restreint à la région interne du méristème et il accompagne la formation de ce dernier. L'expression des autres facteurs de transcription SHOOTMERISTEMLESS (STM), CUPSHAPED

COTYLEDON 1 et 2 (CUC1, CUC2), et ANTEGUMENTA (ANT) est initiée après celle du gène WUS, dans

l'embryon globulaire tardif, et leur expression permet d'initier la mise en place progressive des identités cellulaires dans la partie caulinaire de l'embryon et ainsi aboutir à une symétrie bilatérale (Figure I.6b ; Jürgens, 2001) : une région centrale exprimant STM et CUC2 donnera naissance au SAM, deux zones périphériques opposées exprimant ANT donneront naissance aux cotylédons et deux zones périphériques alternées avec les précédentes et exprimant STM, CUC2 et ANT formeront les frontières entre les cotylédons.

3.2 Synthèse et accumulation des protéines de réserve

Suite à ces étapes d'histodifférenciation, l'embryon au stade torpille a acquis sa polarité. Chez M. truncatula, on considère que ce stade est atteint à 12-14 Jours Après Pollinisation (JAP). A ce stade, l'embryon qui a principalement été soumis à une intense activité de division cellulaire va basculer dans la phase de remplissage. Sa taille va augmenter sous l'effet d'une forte expansion cellulaire qui est accompagnée d'une importante accumulation de molécules de réserve dont des protéines.

La synthèse et l'accumulation de ces protéines sont soumises à une régulation spatio-temporelle très stricte. Ces processus ont lieu dans les cotylédons et plus particulièrement dans des organites de stockage, les corps protéiques. Chez les légumineuses, ces corps protéiques sont des vacuoles de stockage qui servent de compartiments de stockage des molécules de réserve pendant le remplissage et qui serviront également de site d'hydrolyse des macromolécules lors de la phase pré-germinative. Chez les légumineuses, les protéines de réserve sont de deux types : les albumines (2S) qui sont généralement minoritaires et les globulines qui représentent environ 70 % de l'azote total contenu dans les graines. Ces globulines sont constituées de deux familles de protéines qui sont identifiables par leur masse moléculaire et donc par leur coefficient de sédimentation. On distingue donc la famille des 7S composée de vicilines et convicilines et la famille des 11S composée des légumines (Figure I.7). Les protéines de réserve 11S sont stockées sous forme d'un complexe hexamèrique de 320-400 kDa composé de six sous-unités différentes (52-65 kDa). Chaque sous-unités est elle-même composée d'un polypeptide acide (appelé chaine acide d'un pI de 6,5 et de 33-42 kDa) et d'un polypeptide basique (appelé chaine basique d'un pI de 9 et de 19-23 kDa). Ces deux chaines sont liées par un pont disulfure. Bien que l'accumulation des protéines de réserve ait lieu dans les vacuoles de stockage, leur synthèse a lieu dans le réticulum endoplasmique rugueux (RER) puis elles sont transportées dans les vacuoles de stockage. En effet, les chaines acides et basiques sont initialement issues du même ARNm. Le produit de transcription puis de traduction contient donc ces deux chaines mais également un peptide signal (cette forme est appelée

Figure I.9 : Contrôle transcriptionnel de la synthèse des vicilines et des légumines B chez M. 

truncatula (extrait de Gallardo et al. 2007). 

Les graphiques représentent les cinétiques d'accumulation des transcrits par rapport à celles des  protéines durant le développement de la graine (de 8 à 44 jours après pollinisation). 

préprolégumine). Le peptide signal est clivé et la protéine acquière sa structure tertiaire et quaternaire (prolégumine). Ce complexe de prolégumines est transloqué dans les vacuoles de stockage via l'appareil de Golgi. C'est une fois dans ces organites de stockage que les deux chaines acides et basiques seront clivées puis assemblées en hexamères pour former des légumines (Figure I.8).

Par rapport aux protéines 11S, les protéines 7S sont stockées sous forme de complexes trimériques de 145-190 kDa, composées de trois polypeptides différents de 48 à 83 kDa. Ces polypeptides sont formés à base de précurseurs qui subissent une série de sites de protéolyse pour aboutir à des polypeptides allât de 12 à 75 kDa.

4. CONTRÔLE TRANSCRIPTIONNEL DE LA SYNTHÈSE DES PROTÉINES DE RÉSERVE